APIdays Paris, la principale conférence sur les APIs sponsorisée par IBM et CA Technologies, s’est déroulée pour la quatrième fois à Paris, durant deux jours, à la porte Saint-Martin. C’est la copie conforme de la conférence qui se déroule deux fois par an aux États-Unis, mais aussi à Sydney, Barcelone et Berlin. Elle a réuni environ 500 responsables informatiques et développeurs sur le thème des échanges inter applications et l’automatisation des échanges de données. Si les années passées, l’essentiel se concentrait sur le développement et l’interfaçage des applications, un véritable tournant s’est effectué grâce à de multiples interventions comme celle de Kirsten Moyer, l’un des responsables du Gartner qui a mis en lumière les « business modèles programmables». La présence de quelques grands utilisateurs a donné à cette édition la preuve que  la « digitalisation » des entreprises pouvait déjà passer par l’ouverture d’une partie de leurs applications à des partenaires.

Les API changent les modèles

A la lueur des différents discours, on se rend compte qu’au-delà de l’ouverture des applications, ce sont toujours les » business models» qui pilotent les choix de développement. En ouvrant le coeur de certaines applications, on peut favoriser la création de nouveaux services qui à terme alimenteront en informations et en commandes les entreprises, qui sont à la source. Souvent remis en cause pour la sécurité, les API sont de vrais programmes  » finis et sécurisés ». Par rapport aux modules des librairies qui existent depuis le premier ordinateur et que certains assimilent à des API, le programmeur d’API n’a pas besoin de connaître les détails de la logique interne du logiciel tiers, et celle-ci n’est généralement pas documentée par son fournisseur. L’utilisation de modules d’analyse par exemple, est particulièrement facile à repérer chez les Finnetech, les entreprises de services financiers qui sont en train de miner les banques d’affaires par la multitude de leurs services.
A l’instar des open data, la mise à disposition de modules applications ou d’informations (comme avec le journal Les Echos) sur différents types d’activités permet de créer des applications très originales. Chez IBM, on citait à nouveau le cas d’Uber : » Ils ne disposaient au départ d’aucune ressource informatique interne. C’est en composant un patchwork applicatif avec Google maps, de la facturation en ligne et surtout l’hébergement par Amazon qu’ils sont arrivés à créer un prototype qui leur a servi à convaincre des investisseurs. Chez nous aussi, on voit la multiplication des modules sur notre plate forme Bluemix avec des développeurs qui se lancent dans la création d’applications originales. Il n’a jamais été aussi facile de créer des applications, car dans la phase initiale, l’infrastructure est gratuite, cela favorise la création de start-ups. »

Si les modules d’application d’Amazon (AWS) ou de Google (Adwords API, Maps) sont bien connus les autres appartiennent à des catalogues d’éditeurs qui nécessitent une certaine recherche.Capture d’écran 2015-12-10 à 10.55.16 Chez CA et IBM après des années passées à racheter des logiciels « prêts à l’emploi », on est passé dans le mode « promotion des start-up » autour des API, des briques pour créer des applications comme le font d’ailleurs aussi Microsoft ou HP avec toutes sortes d’outils. Dans tous les cas l’objectif est de créer autour de leur plateformes logiciels un écosystème vertueux. Dans son étude sur les API, le bureau d’étude Forrester (téléchargeable sur le site de CA) recence 11 acteurs importants dans le domaine de API : 3scale, Apigee, Axway, CA Technologies, IBM, Informatica, Intel Services, MuleSoft, SOA Software, Tibco, et WSO2. Les six dernières citées manquaient à l’appel de la réunion parisienne même si plusieurs intégrateurs les ont mis en avant à plusieurs reprises.

La Numérisation des entreprises  s’appuie souvent sur les API
Chez AccorHotel qui mène un programme de modernisation important,  ce sont prés des 8 thèmes qui sont engagés. Hier matin, Jérémy Lechardeur, responsable du pôle architecture et déploiement ( photo ci-dessous) précisait que pour la partie API, par exemple, cela ne faisait que quatre mois que l’investissement dans ce domaine avait eu lieu, mais que cela progressait trés rapidement. Les autres projets de numérisation étant aussi en plein développement. lechardeur L’quipe d’Accor utilise la plate forme forme CA qui provient en partie du Rachat de la firme Layer 7. Aidé par l’intégrateur Nexworld, les groupes autour de Jérémy Lechardeur ont pu rapidement montrer des résultats probants aptes à créer un environnement favorable à la création d’applications dont certaines sont mobiles. » Le groupe est en permanence concurrencé par de nouveaux services de réservations, d’agences etc. On doit favoriser l’intégration de nos hôtels, de nos services dans des programmes d’autres structures. Fréderic Miszwesky, senior manager de Newsworld  précisait : « pour intéresser d’autres acteurs, il ne suffit pas d’exposer dses ressources, il faut aussi donner l’envie de s’en servir »
Faire la promotion de ses logiciels et de ses données auprès d’autres structures n’est pas évident et même en interne, la communication reste un travail permanent.
Si Accor, face à la montée des risques, agit, d’autres structures plus lourdes n’ont pas forcément l’agilité nécessaire ou la volonté de changer leurs modes de fonctionnement. Ces interfaces de programmation qui permettent à la fois l’innovation ouverte avec un écosystème de développeurs et la transformation digitale des entreprises en interne ne sont pas toujours comprises.

Le Groupe La poste se met aux API trés prudemment

C’est en partie le cas de La Poste qui dispose d’un pôle d’innovation toujours créatif, mais apparemment peu écouté. David Carelli ( photo ci-contre) précisaitcarelli: » Le groupe La Poste rassemble une multitude de services qui vont de la banque à la logistique en passant par différents services et justement, il y a beaucoup à faire pour échanger des informations, à la fois en interne et vers l’extérieur. On a un programme de développement dans le domaine de la messagerie et des échanges avec les transporteurs, mais il y en a d’autres qui mériteraient des investissements. C’est parfois difficile de faire comprendre que des start-ups externes peuvent stimuler le marché interne de l’entreprise. Les décideurs ont parfois l’impression, avec les API, de donner les clés de leur entreprise à des sociétés qu’ils connaissent à peine. Dans le secteur des finnetech, on voit bien que les banques traditionnelles sont sur la défensive et qu’elles sont en train de perdre une certaine clientèle. » Interrogé sur le fait que la sécurité motivait certainement les réticences de pas mal de décideurs dans les entreprises pour adopter des API ouvertes. David Carelli nous répondait : « Oui, mais le risque est minime vis-à-vis des avantages. Il faut se résoudre à ouvrir notre  » boutique ». Chez nous parfois, on a l’impression que le rideau est fermé de peur de voir des clients entrer. Il faut plus travailler avec des partenaires multiples. C’est un travail de longue haleine pour convaincre que les API changent la donne sans que l’entreprise perde pour autant son savoir-faire. Dans le domaine bancaire, par exemple, c’est Fort Knox. Personne ne rentre. Mais ce n’est pas l’apanage du Groupe La poste qui est plutôt en pointe dans certains domaines ; il y’ a d’autres sociétés qui ont du mal à se réinventer dans le domaine du Web, car les API marquent déjà la fin d’une première génération de sites de commerce en lignes. C’est parfois  difficile à admettre pour ceux qui y sont plongés depuis une décennie. »
Interrogé sur les banques qui avaient su déjà tirer profit des API :  » je ne peux les citer, actuellement, elles ne sont que deux , mais elles risquent de prendre une avance importante sur nous et nos concurrents. Il faut concevoir l’ouverture des API comme une opportunité de nouveaux marchés et pas comme une remise en cause des échanges existants. »
La SNCF, Orange, AXA Banque, le Groupe Les Échos et donc AccorHotels et La Poste ont présenté leurs premières réalisations avec les API.

LES API  remettent en cause les applications « fermées »

Si les APIs ont fait le succès d’entreprises comme Google, Facebook ou encore Twitter avec ses applications de gestion de tweets, elles risquent de remettre en cause dans les trois années à venir des pans entiers du marché du commerce électronique. Bien des sites connus, comme ceux de la vente en lignes, se croient en « avance » vis-à-vis des marchés traditionnels, mais l’évolution des applications Web ne s’est pas arrêtée en an 2010, le succès des applications pour mobiles en est,  un exemple frappant. Parmi les exemples cités, l’un des présentateurs parlait d’applications connues de trés grandes chaines de distribution qui seraient désormais ,à la portée de petites structures, dans le cloud. Ainsi un grossiste en fruits et légumes pourrait voir ses sous traitants fournisseurs mettre à jour son stock virtuel, sans délais, par exu meme à partir de leur propres applications sur leur smartphones et de l’autre, les vendeurs réserver leurs achats. Pour le grossiste, qui n’a plus qu’à relever les compteurs et fournir des camions de livraisons, le tout est de vérifier les bons acheminements, surtout si une autre application optimise les parcours. Le redécoupage des applications trop lourdes en modules hybrides ouverts aux API devrait s’amplifier.