La mission d’information sur la lutte contre l’illectronisme et pour l’inclusion numérique, créée par le Sénat, a publié son rapport provisoire pour lutter contre l’exclusion numérique en France, un mal qui touche 14 millions de nos concitoyens.

Créée par le Sénat à la demande du groupe Rassemblement démocratique et social européen (RDSE), la mission d’information sur la lutte contre l’illectronisme et pour l’inclusion numérique a présenté son rapport à la Presse la semaine dernière.

Un rapport qui débute sur d’inquiétantes réalités :
* 14 millions de Français ne maîtrisent pas les usages du numérique.
* La dématérialisation généralisée de services publics à marche forcée laisse 3 Français sur 5 sur le bord de la route, tant les démarches administratives en ligne sont complexes.
* Un Français se dit « pas à l’aise » avec les usages numériques.

Comme le rappelle le rapporteur Raymond VALL (RDSE – Gers), « quelle que soit sa forme, l’exclusion numérique constitue un handicap majeur dans une société toujours plus numérisée. L’accélération de cette évolution avec le confinement et le développement du télétravail rendent encore plus urgente l’inclusion numérique du plus grand nombre ».

Menée à marche forcée, la dématérialisation des services devrait pourtant permettre d’économiser 450 millions d’euros à l’État chaque année. Mais la complexité des procédures administratives de plus en plus externalisées vers les usagers et une ergonomie jugée « très en retard » des sites publics ne font qu’aggraver les inégalités sociales entre ceux qui maîtrisent le numérique et ceux qui ont du mal à l’apprivoiser.

Le rapport rappelle ainsi que « plus la dématérialisation s’accélère, plus la demande d’assistance numérique croît ». Beaucoup d’usagers se découragent et renoncent à leurs droits. Typiquement 12% des demandeurs d’emploi ne maîtrisent pas les outils numériques.

Le plan de relance, présenté en septembre 2020, a acté l’insuffisance des moyens initialement alloués à la lutte contre l’illectronisme en France. Le Gouvernement entend désormais consacrer 250 millions d’euros d’ici 2022 à la formation de 4 millions de Français. Mais pour que cette volonté réussisse, la mission du Sénat souligne qu’il faudra une mobilisation des territoires et formule 45 propositions articulées autour de 7 axes :

Axe 1 : Cartographier les zones d’exclusion numérique
Objectif, évaluer plus finement l’exclusion numérique, les capacités numériques et mettre en place un référentiel commun.

Axe 2 : Passer d’une logique 100% dématérialisation à une logique 100% accessible
Un objectif qui peut se concrétisant en pérennisant et élargissant la plateforme téléphonique « Solidarité numérique » créée pendant le confinement, en reconnaissant de droit à l’erreur dans les démarches numériques, en repensant la conception des sites pour une accessibilité plus large, en forçant chaque administration à évaluer son niveau d’accessibilité via le label « e-accessible ».

Axe 3 : Proclamer l’inclusion numérique comme priorité nationale
Le Sénat réclame qu’un milliard d’euros soient mobilisés d’ici 2022 pour financer l’inclusion numérique. C’est quatre fois le montant alloué dans le nouveau plan de relance. Le Sénat met en balance les gains budgétaires réalisés grâce à la dématérialisation et appelle à une taxe sur les services numériques (la taxe GAFA) ainsi qu’une taxe sur le streaming (préconisée en raison de l’empreinte environnementale du numérique). Le Sénat veut mettre en place un fonds de lutte contre l’exclusion numérique.

Axe 4 : Repenser l’offre et l’architecture de la médiation numérique.
Objectif, accroître la qualité de l’offre de médiation numérique en passant d’une logique d’assistance à une logique rendant à chacun une autonomie numérique. Accélérer le développement du Pass Numérique, forger une vraie filière de médiateurs, lancer un plan national de formation, former les guichets de la Poste et de la CAF, sont quelques-unes des pistes proposées. Le Sénat veut ainsi voir se mobiliser des « sentinelles de l’illectronisme ».

Axe 5 : Lutter contre l’exclusion par le coût
Le Sénat appelle à la création de « chèques équipement » pour les menus à bas revenus. Il souhaite également une TVA réduite sur les équipements réparés ou reconditionnés pour prolonger la durée de vie des équipements. Le Sénat appelle également à lutter plus sévèrement contre l’obsolescence programmée du matériel comme du logiciel.

Axe 6 : Construire une « Éducation « nationale 2.0 »
La crise pandémique et le confinement ont mis en évidence les écarts entre les enseignants, entre les élèves, et entre les enseignants et leurs élèves. Le Sénat encourage le recensement des difficultés numériques, à davantage de formation aux outils numériques pédagogiques pour les enseignants. Il souhaite également qu’un test sur l’illectronisme soit incorporé à la Journée Défense & Citoyenneté.

Axe 7 : Créer un « choc de qualification au numérique »
« Les entreprises doivent être des partenaires de la lutte contre l’illectronisme, laquelle obère la montée en compétence numérique des salariés dans une économie de plus en plus numérisée, et pas seulement par le télétravail » constatent les rapporteurs. Le Sénat invite à encourager le « mécénat de compétences » et invite les entreprises et l’État à « considérer la formation au numérique comme un investissement ». Le Sénat plaide pour une aide à la transformation numérique des TPE et PME.

Il n’y a plus qu’à espérer que le rapport ne finira pas à prendre la poussière sur une étagère comme la plupart des rapports issus des Assemblées. Bien des propositions sont réalistes et découlent du bon sens même si certaines propositions ne manqueront pas de déclencher d’interminables débats (comme la taxe sur le streaming) et si le milliard d’euros réclamés ne sera pas simple à trouver dans le contexte économique actuel. Au rythme où les technologies numériques évoluent, l’illectronisme n’est pas près de disparaître. La fracture numérique se floute et les écarts se complexifient. Le rapport rappelle d’ailleurs que « contrairement à une idée reçue, les jeunes, les millenials, y compris les étudiants, manquent également de compétences numériques ». Il faut agir…

 

Source: l’illectronisme ne disparaîtra pas d’un coup de tablette magique !