Dans un nouveau rapport, Capgemini identifie 55 pistes technologiques à même d’avoir un impact à court terme en faveur du climat pour peu qu’elles trouvent les financements nécessaires.

Intitulée « Fit for Net-Zero : 55 Tech Quests to Accelerate Europe’s Recovery and Pave the Way to Climate Neutrality », l’analyse de Capgemini Invent cherche d’abord à guider les décideurs politiques et les investisseurs dans le cadre du fonds de relance de 750 milliards d’euros de la Commission européenne. Objectif : aider à la transformation de l’économie européenne tout en lui permettant de devenir le premier continent « net-zero » à horizon 2050 (autrement dit avec un bilan carbone totalement neutre).
Ce rapport a été publié alors que les pays membres de l’UE sont invités depuis le 15 octobre à soumettre des plans de relance économique centrés autour de l’objectif « zéro émission nette 2050 » des accords de Paris.

5 domaines où la donne doit changer

Capgemini Invent a identifié 5 domaines dans lesquels des innovations technologiques seront à même dans un avenir relativement proche d’impacter sur le climat et sur les émissions de CO2. Ces domaines sont :

* L’énergie
Ce secteur compte à lui tout seul pour 72% des émissions de gaz européennes. Un taux élevé qui s’explique par le fait que les énergies renouvelables ne contribuent qu’à 14% à l’énergie consommée en Europe.
Pour Capgemini, les quêtes technologiques identifiées sur ce secteur permettraient d’éviter 460 MtCO2 (millions de tonnes d’émissions de CO2) par an dès 2030. Ce secteur représenterait un marché de 152 milliards d’euros dans le monde et 2,3 millions d’emplois.

* L’industrie
L’industrie est responsable de 30% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, en cumulant leur consommation énergétique et les émissions des processus industriels.
Les technologies innovantes identifiées permettraient d’économiser 269 MtCO2 dès 2030 tout en représentant un marché de 216 milliards d’euros annuels et 2,2 millions d’emplois.

* Le bâtiment
Ce secteur est l’une des plus signifiantes émissions de CO2 en Europe avec un total de 1 026 MtCO2 dont 387 MtCO2 d’émissions provenant directement des 221 millions d’habitations européennes.
L’impact des quêtes technologiques évaluées par Capgemini représenterait une économie annuelle de 355 MtCO2 par an dès 2030 pour un marché de 245 milliards d’euros et 4,5 millions d’emplois.

* Les transports
Ce secteur très largement pointé du doigt par les écologistes français produit chaque année 1 200 MtCO2 par an soit 30% des émissions de l’Europe (en intégrant sa part dans les émissions énergétiques). Logique puisque les combustibles fossiles liquides animent la plupart des appareils aériens, maritimes, routiers et ferroviaires
Les technologies identifiées permettraient d’économiser 128 MtCO2 par an dès 2030 pour un marché (CA et investissements) de 111 milliards d’euros et 1,1 million d’emplois.

* L’alimentation et l’agriculture
Ce secteur – qui représente 12% des émissions de gaz à effets de serre en Europe – génère 471 MtCO2 en raison de de la nitrification des sols, de la fermentation entérique et de la gestion du fumier.
Les quêtes technologiques présentées représenteront une économie annuelle de 119 MtCO2 en 2030 pour un marché de 66 milliards d’euros et 1 million d’emplois.

6 grandes pistes d’exploration

Pour Capgemini Invest, les 55 quêtes technologiques envisagées peuvent être regroupées autour de six axes d’accélération :

– Durant la décennie qui nous mène à 2030, des investissements ciblés à grande échelle dans les infrastructures de production d’hydrogène créeront une économie de l’hydrogène prospère et peu coûteuse, avec des impacts transformationnels sur tout le continent, dans de multiples secteurs industriels et pour certaines applications de mobilité.

– Les « Gigafactories » seront cruciales pour produire à l’échelle certaines technologies propres afin d’atteindre des faibles coûts de fabrication tout en cumulant les réductions des émissions de CO2 de façon significative.

L’électrification à grande échelle sera au coeur de l’abandon des combustibles fossiles en Europe au cours des 10 années à venir, transformant la façon dont l’industrie, les bâtiments et les transports sont alimentés.

– La transformation des réseaux de l’Europe (les Grids) en combinant les meilleures technologies actuelles à de nouvelles innovations plus écologiques sera essentielle pour permettre la décarbonisation et l’intégration des systèmes énergétiques.

– En réduisant l’impact environnemental de l’ensemble de la chaîne de valeur agricole – qui s’étend des fermes à ce qu’on a dans nos assiettes –  l’Europe peut réduire les émissions dans la bioéconomie de 20% dans la décennie qui arrive  et de 50% d’ici 2050.

Les technologies permettant la captation, l’utilisation et le stockage du carbone à l’échelle industrielle (CCUS) sont également vitales pour une réduction drastique des émissions d’ici 2050.

55 quêtes technologiques, 100% écologiques et économiquement disruptives…

Mais quelles sont ces 55 quêtes technologiques ? La capture ci-contre les détaille.

Dans le secteur de l’énergie on retiendra l’apparition de nouveaux panneaux solaires plus efficients et bifaciaux, la production d’hydrogène à grande échelle, de nouveaux usages du biométhane, une gestion plus intelligente et plus fine des réseaux énergétiques.

Dans celui de l’industrie, on retiendra l’apparition d’un béton alternatif, de puits de carbone, de raffineries à hydrogène, la réduction de l’impact des plastiques, etc.

Dans celui du bâtiment, la rénovation en profondeur des buildings, l’apparition de pompes à chaleur à bas coûts, et une gestion plus fine et intelligente des réseaux énergétiques au sein des villes comme au sein des bâtiments.

Dans celui des transports on retrouve l’usage des « e-carburants » (comme le méthane de synthèse, le e-diesel d’Audi ou encore l’isobutène, l’e-essence et le e-kerozene des Français de Global Bioenergies), l’apparition de navires à combustion d’ammoniac pour les longues distances, l’arrivée des camions électriques, l’utilisation de l’hydrogène, le déploiement d’une vraie infrastructure de charge électrique, la multiplication des véhicules autonomes pour réduire les véhicules particuliers dans les villes, etc.

Dans l’agriculture, les pistes suivies sont celles de l’ « Agriculture 4.0 », des techniques agricoles durables, l’usage d’engrais moins émissifs, la captation du CO2 et du méthane, la production de « viandes végétales » (comme celles de la startup française « les nouveaux fermiers » qui ont été adoptées par des enseignes réputées comme Le Camion qui Fume, L’Artisan du Burger, et même Joël Robuchon), etc.

Le rapport Capgemini Invest rappelle que les Européens sont des leaders en matière de R&D et d’innovation et que l’Europe dispose d’un vaste écosystème de startups innovantes. C’est un atout qui ne se suffit pas à lui-même. L’Europe va devoir capitaliser sur cette recherche et apprendre à la transformer un avantage compétitif avec des méthodes de production innovantes et un tissu industriel modernisé, repensé, fruit d’un alignement des différentes stratégies de ses Etats-Membres.