Les collaborateurs d’entreprise doivent parfois réaliser des tâches chronophages au quotidien : frais professionnels, facturation et devis, relation client. L’abondance d’outils de gestion permettrait pourtant aux entreprises de libérer leurs salariés, afin qu’ils se concentrent sur les projets qui font appel à leurs compétences. Mais les nombreuses réticences empêchent la dématérialisation, pourtant facteur de gain de temps, avec un impact positif sur la productivité. L’automatisation, via l’adoption massive du mobile en entreprise, est d’autant plus indispensable que le smartphone est devenu « l’extension de la main droite » pour toute une génération – les millenials. Quels sont les freins à l’automatisation des dépenses ? Quelques éléments de réponse.

S’affranchir de la saisie d’informations
De nombreux salariés européens saisissent encore leurs données sur des feuilles de calcul. Les entreprises imposent souvent à leurs collaborateurs – et quelquefois à leurs sous-traitants et fournisseurs – de saisir leurs dépenses une à une. Pour ceux dont le métier implique de la facturation, de la relation client ou encore l’installation de matériel, saisir les données peut être particulièrement chronophage, avec un sérieux impact sur la productivité et la motivation des salariés. Une solution existe pourtant, et à travers des outils de plus en plus nombreux : la gestion centralisée des dépenses. Pourquoi les entreprises ne sont-elles pas plus nombreuses à l’adopter ?

Trois raisons peuvent l’expliquer. D’abord, une faible mobilité de certaines solutions, car les applications mobiles sont souvent perçues comme accessoires. Or, quand on sait que les salariés se déplacent de plus en plus, sans conversion vers le mobile, point d’automatisation possible des dépenses. Ensuite, des solutions nouvelles mais toujours dépendantes de la saisie. Certains outils, censés faciliter cette tâche, proposent en effet une automatisation partielle : les données saisies par le salarié, arrivent sous forme prémâchées au comptable, qui doit ensuite les vérifier avant d’en prendre compte. Pourtant, grâce au mobile, à la qualité croissante des appareils photo intégrés et à l’intelligence artificielle, cette dépendance pourrait facilement n’être plus qu’un mauvais souvenir.

Les avantages de l’automatisation via le mobile 
En automatisant l’enregistrement des dépenses de ses collaborateurs via le mobile, une entreprise gagne avant tout une plus grande qualité du duty of care : le suivi en temps réel des salariés en déplacement. La mobilité des salariés étant de plus en plus fréquente, les entreprises sont tenues par la loi de connaître la position approximative de leurs salariés. Sans favoriser le « flicage », la mobilité est une clé pour répondre à cette obligation et s’assurer que les salariés effectuent leur métier dans les meilleures conditions. L’avantage pour les salariés est considérable : il leur suffit de prendre leur document en photo avec leur smartphone, et celui-ci est décrypté et organisé par l’outil installé sur l’appareil, grâce au machine learning. Un important facteur de gain de temps, donc de productivité, qui éloignera peu à peu le cliché du commercial qui doit attendre d’être revenu au bureau pour saisir un à un ses tickets de caisse !
Enfin, le processus de traitement des données par l’entreprise s’en trouverait accéléré, avec un impact – faut-il encore le rappeler ? – considérable sur la productivité et la motivation.

Sachant tout cela, comment choisir les bons outils d’automatisation ? La profusion des solutions est une bonne nouvelle pour la performance des entreprises, les adopter est une recommandation : celles qui n’y investissent pas sont irrémédiablement plus lentes. Ils répondent déjà depuis un certain temps aux besoins de mobilité (bureau à distance). Cependant, les outils clés à adopter concernent le CRM et les tâches manuelles : validation de factures ou de devis pour les commerciaux, signature électronique des contrats, outils de démonstration, manuels permettant aux techniciens itinérants de diagnostiquer un chantier à distance, outils de notes de frais. Ces derniers permettent notamment au salarié de vérifier ses encours, de générer automatiquement un devis ou une facture, d’enregistrer des tâches et de suivre ses dépenses en temps réel. D’autres applications permettent d’enregistrer instantanément les prospects, ce qui évite, notamment après la visite d’un salon, de perdre la plupart de ses contacts en chemin !

Des résistances chez certains grands groupes 
Les millenials composent une partie des salariés d’entreprises. Cette génération se trouve souvent privée du smartphone, dont l’usage lui est indispensable, sur son lieu de travail. Ce qui la fait inévitablement perdre en productivité. La faute aux freins qui demeurent quant à l’adoption du mobile par ces entreprises, dont les métiers impliquent de plus en plus de déplacements. Des freins liés à la sécurité des données, au coût de l’équipement en smartphone, à la fiabilité des informations fournies, et à la crainte que les collaborateurs s’opposent au changement. Pour régler le problème de la sécurité des données, on peut se fier aux technologies de contrôle à distance des smartphones, qui permettent de crypter ou d’effacer les données en cas de perte ou de vol. Pour éviter un investissement trop lourd sur les smartphones, on peut encourager les salariés à emmener leur propre smartphone pour l’équiper des outils de gestion des frais. Cette pratique BYOD va plus loin dans certaines entreprises, où l’on rembourse l’achat d’un smartphone pour moitié ou dans son intégralité. La question qui se pose alors est celle du contrôle des dépenses : comment m’assurer que mon salarié ne dépense pas plus qu’il ne devrait sur le compte de l’entreprise, et comment protéger les comptes en cas de vol ? Il existe pour cela des systèmes de contrôle et de plafonnage des dépenses. Enfin, les entreprises craignent que leurs salariés considèrent l’adoption du mobile au travail comme une intrusion dans leur vie personnelle. Or, le temps a permis de prouver que c’est une situation qui relève de la responsabilité de chacun, et de notre capacité à contrôler l’usage du mobile.

La technologie de demain sera recentrée sur l’humain 
Le smartphone, ne l’oublions pas, demeure avant tout un outil. L’automatisation ne s’arrête pas au transfert des données vers le mobile. Pour l’utiliser de façon intelligente, il faut aller beaucoup plus loin : automatiser les tâches les plus chronophages, les plus récurrentes et les plus monotones, et permettre ainsi au salarié d’exprimer son plein potentiel.
Le but ultime de l’automatisation/robotisation, outre une plus grande efficacité de gestion, doit être de remettre l’humain au cœur de la relation, par exemple dans des situations anxiogènes (un commercial en déplacement qui rate son vol et a besoin d’une réservation en urgence, un technicien confronté à une difficulté particulière, qui aurait besoin d’un contact, plus rassurant qu’un logiciel, pour régler son problème) ou dans les cas impliquant le jugement humain. Loin de créer le monde froid que nous prédisent les scénarios-catastrophe, la technologie, si elle est employée intelligemment, doit nous libérer des tâches monotones pour nous permettre de nous recentrer sur nos compétences métier, et de revaloriser le contact humain.

 

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Karim Jouini est co-fondateur et CEO d’ Expensya