Le décrochage de l’Europe dans la mise en œuvre du numérique est l’élément important et nouveau mis en avant par l’édition 2013 du baromètre CIO de CSC

Cloud, big data et Cybersécurité sont présentés sans surprise comme les priorités des 700 DSI de grandes entreprises interrogés au niveau mondial. 69 % considèrent le cloud comme une évolution majeure qui entraînera une modification importante de la manière de consommer l’énergie informatique et qui modifiera les relations dans l’entreprise en faisant exploser les frontières internes. 56 % pensent le big data aussi comme une évolution majeure qui transforme ce qui était un processus lourd et coûteux en une activité légère et peu onéreuse et qui permettra de créer de nouveaux services et de mieux comprendre les attentes des clients. Enfin, la cybersécurité est un défi majeur pour 78 % des DSI interrogés dont 71 % la positionne comme la priorité numéro un. Tout cela est connu et répété enquête après enquête depuis des années déjà.

Plus intéressant, même si ce n’est pas très agréable à entendre, la divergence croissance entre les pays dans la mise en œuvre du numérique. Avec un décrochage de l’Europe au regard de l’utilisation des technologies est pointé par cette édition. C’est une sorte de dérive numérique des continents qui placerait les entreprises européennes à la traîne par rapport à leurs concurrentes asiatiques, brésiliennes ou américaines en ce qui concerne ce que l’on appelle aujourd’hui l’innovation numérique.

Le constat dressé par CSC dans ce baromètre semble être sans appel, pourtant plusieurs DSI présents à la présentation de ces résultats se sont inscrits en faux sur ce qui est présenté comme une réalité, en tous cas, au niveau de leur entreprise. « Il faut faire attention, explique Bernard Duverneuil, DSI d’Essilor et vice-président du Cigref, car c’est une enquête basée sur du déclaratif et qui, pour l’Europe et certainement pour la France, est influencée par le pessimisme ambiant dans lequel nous sommes plongés actuellement.  Certes, Il est possible que notre culture ne soit peut être pas favorable à l’introduction du numérique dans nos entreprises ».

Observation partagée par Yves Caseau, directeur technologies, prospectives et innovation de Bouygues Telecom pour qui « la numérisation ne se pense pas, elle se fait. Il faut essayer et évaluer et laisser de l’autonomie aux acteurs du changement. En France, on a encore une vision tayloriste de l’organisation des entreprises avec, d’un côté, les gens qui pensent et, de l’autre, les gens qui font ». Même analyse pour Michel Foulon, DSI de l’activité courrier de La Poste selon qui « La Poste française n’a pas rougir en matière d’innovation » étayant son propos par le projet Facteo qui va transformer les 90 000 facteurs en une sorte d’armée du numérique capables de fournir de nouveaux services pour les collectivités territoriales.  Même son de cloche chez TDF, Djilali Kies son DSI précisant « que le marché sur lequel son entreprise évolue est baignée par l’innovation avec notamment comme moteur la convergence média/télécoms ».

L’avance des entreprises asiatiques est matérialisée par quelques chiffres :
– 73 % d’entre elles placent l’outsourcing des fonctions, des applications et des infrastructures comme une priorité contre 60 % pour le reste du monde ;
– 78 % ont noué un partenariat avancé basé sur le numérique avec leurs fournisseurs clés contre 66 % pour le reste du monde ;
– 81% des entreprises asiatiques ont adopté les services managés de sécurité contre 67 % pour le reste du monde ;
– 81 % ont institutionnalisé les processus de développement et de production de l’IT contre 66 % pour le reste du monde.

Ils ont dit

Yves Caseau, directeur technologies, prospectives & innovation Bouygues telecomCazeau
  • La réduction des coûts est toujours un sujet d’actualité mais il est géré de manière différente. L’objectif actuel est de réduire les coûts du Legacy pour dégager des budgets plus à des projets innovants.
  • Le big data est une révolution en marche qui recouvre deux réalités distinctes : le big data sur les données anonymisées et le profiling client qui pose le problème de la protection des données privées et permet de partager de la valeur avec les clients
  • Le DSI doit jouer un rôle de facilitateur et d’intégrateur face aux défis du numérique.
Bernard Duverneuil, DSI Essilor et vice-président du CigrefDuverneuil
  • Il faut rester agile et pragmatique en poussant ce qui marche et en arrêtant ce qui ne marche pas. La DSI doit s’organiser pour adopter une approche différenciée en fonction des risques.
  • Il faut avancer à un rythme différent pour les grandes applications de gestion traditionnelle et les nouvelles applications numériques.
Michel Foulon, DSI du courrier, La PosteFoulon
  • En dix ans, nous avons perdu la moitié de l’activité courrier. Ce qui appelait des mesures importantes.Pour notre projet Facteo, nous avons adopté une approche très pratique en démarrant sur le terrain avec un groupe de facteurs en leur demandant ce qu’ils pensaient pouvoir faire avec un smartphone connectée au SI de l’entreprise. Mais il va falloir tirer parti de cette initiative. En particulier, on va récupérer des tonnes de données qu’il va falloir utiliser.
  • J’ai peut-être perdu des budgets au profit des métiers mais j’en ai récupéré, notamment de la MOA.
Djilali Kies, DSI, TDFKies
  • La DSI doit adopter une approche d’expérimentation en jouant un rôle de partenaire et non de leader technologique. Elle est passée du rôle de SSII interne à celui de partenaires des métiers. C’est un service business enabler.
Jean-Michel André, DSI, Europ AssistanceAndré
  • Je confirme l’avance des pays comme le Brésil ou des pays asiatiques avec la mise en œuvre de projets innovants. Dans certaines entreprises de ces pays, les budgets alloués au numérique sont très supérieurs aux nôtres.
  • Nous ferons appel au cloud privé, mais pas au cloud public pour des raisons de sécurité des données et aussi de réversibilité. Il est dommage que les entreprises ne mutualisent leurs infrastructures pour partager des clouds privés.
Beray Legouverneur, DSI, GEFCOLegouverneur
  • Je suis arrivée chez GEFCO pour lancer un grand projet de transformation de notre Legacy avec une modernisation des applications.
  • Nous allons multiplier le taux de virtualisation d’un facteur 2, voire 3 ce qui génèrera des réductions de coûts importantes.
Jacques Marzin, DSI, Etat (Disic : Direction interministérielle des systèmes d’information et de communication)Marzin
  • Dans 10 ans, 80 % de l’énergie application distribuée par l’Etat le sera en technologies cloud.- Nous n’avons pas de problème avec le cloud privé et nous ferons appel aux offres d’OVH, Numergy ou Cloudwatt pour les applications mettant en œuvre des données non sensibles.
  • Le réseau huit débit interministériel de l’Etat que nous mettons en place et qui reliera les 8 réseaux existants permettra entre 30 et 35 % d’économie sur la gestion du réseau.
  • Le premier cloud de l’Etat sera ouvert le mois prochain avec des solutions IaaS, SaaS et PaaS.  Nous passons de la virtualisation manuelle mono-application à une virtualisation industrielle inter-applicative