Dans un avis intitulé qu’il vient de publier, le Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) préconise quelques changements de cap dont une labellisation plus stricte de ces pôles, une clarification de leur mode de financement, une meilleure implication des PME dans leur gouvernance et une innovation au service de la transition écologique.

Cet avis fait suite à un rapport « La fin d’une malédiction » publié un peu plus tôt cette année par France Stratégie et rédigé par Haithem Ben Hassine et Claude Mathieu. Le travail d’évaluation de la politique des pôles de compétitivité qu’ils ont mené sur la période 2006-2012 montrait que le dispositif porte enfin ses fruits ce qui n’avait jamais pu être mise en évidence jusqu’ici. L’appartenance à un pôle a bien entraîné un surcroît d’investissement en R-&-D autofinancée à partir de 2009. Un « effet de levier significatif » qui n’avait jamais été démontré jusqu’ici. Parmi les autres conclusions que l’on pourrait tirer de ce rapport : l’innovation n’est pas le résultat de la génération spontanée mais bien d’investissements importants et que les résultats ne peuvent être attendus que dans la durée (L’innovation jaillit des pôles de compétitivité).

Créés en 2005, les Pôles de compétitivité qui regroupent sur un territoire et autour d’une thématique, des entreprises, des organismes de recherche et des établissements d’enseignement supérieur, sont devenus des acteurs incontournables du développement des territoires. Ils réunissent aujourd’hui plus de 8500 entreprises, 1150 établissements de recherche et de formation et ont suscité plus de 1600 projets de recherche.

Louis Gallois, Président du conseil de surveillance PSA Peugeot Citroën et co-président de La Fabrique de l’industrie, un think tank dédié aux dédié aux problématiques de l’industrie partage un optimisme mesuré sur les capacités de la France à innover. « Certes la part de l’industrie dans l’économie a baissé et notre balance commerciale de produits manufacturés reste déficitaire mais, depuis 2012, la situation s’est améliorée, les marges des entreprises se sont redressés, l’investissement est reparti. Mais pour monter en gamme, précise l’ancien président de la SNCF et d’EADS, il faut accélérer le lien entre la recherche, l’innovation et les produits et réalisé une meilleure articulation entre produits et services, une problématique renouvelée avec l’apparition du numérique. Les voitures se transforment en solutions de mobilité ».

 « Les pôles de compétitivité ont permis d’associer des PME, qui sont très largement majoritaires, et les grandes entreprises, et les ont poussés à développer leur effort de recherche, considère Louis Schweitzer, Commissaire général à l’Investissement auditionné par le CESE. Mais il faut bien reconnaître que les 71 pôles n’ont pas la même vitalité, la même force et les même moyens ».




 




Une catégorisation et une labellisation plus strictes

Les Pôles de compétitivité sont des écosystèmes territoriaux et des outils de coopération qui doivent être réorganisés. Pour le CESE, une distinction entre deux catégories de pôles, nationaux d’une part, régionaux d’autre part, doit être établie, afin d’assurer une meilleure allocation et gestion des moyens financiers. Le CESE rappelle que La Cour des comptes, dans son référé de 2016, s’était déjà prononcée en faveur d’une différenciation des pôles par l’État qui concentrerait ses moyens sur ceux qui jouent un rôle stratégique dans le cadre de la politique industrielle qu’il définit.

La catégorisation des pôles selon ces deux niveaux permettra de les évaluer avec des facteurs qualitatifs relatifs à la création d’emploi et aux performances économiques des entreprises membres. Le CESE considère que les financeurs publics, en particulier l’Etat et les régions, devraient avoir un rôle plus important dans la sélection des projets portés par les pôles car leur labellisation s’effectue au nom des pouvoirs publics. Enfin, les pôles dont les résultats seraient jugés insuffisants lors de leur évaluation pourraient se voir retirer leur label « Pôle de compétitivité » s’ils n’engagent pas d’actions correctrices efficaces.

Mieux impliquer les PME dans la gouvernance des pôles

La France compte plus de 3 millions de PME qui réalisent 43,9 % de la valeur ajoutée du pays. Pourtant selon le CESE, elles restent trop peu impliquées dans la gouvernance des Pôles de compétitivité. Le CESE recommande de mettre en avant les bonnes pratiques pour renforcer la place des TPE/PME (partage de la présidence, rôle clef dans la gouvernance confié à des représentants des TPE/PME,…) afin de les convaincre de s’engager plus encore dans la gouvernance des pôles et dans leurs actions.

Le CESE souhaite aussi intégrer dans les cercles de réflexion d’autres porteurs d’enjeux (associations, syndicats, chercheurs en sciences sociales, économistes, représentants d’autres pôles ou structures d’innovation, élus…) avec la formation de commissions ou de groupes de travail ouverts.

L’incontournable transition écologique

L’innovation est centrale dans les stratégies des Pôles de compétitivité. Pour le CESE, les Pôles doivent traiter l’innovation en véritable enjeu global, facteur clef de la réussite des transitions écologique, énergétique, économique et sociale. Les Pôles de compétitivité pourraient ainsi devenir des « facilitateurs de transitions » en reconduisant leur politique dans une vision de transition énergétique, de développement durable et de déploiement du digital.

 


Les 12 propositions du CESE

  1. Proposition n°1 : Mieux caractériser les pôles et leurs échelles d’action
  2. Proposition n°2 : Faciliter les coopérations interpôles
  3. Proposition n°3 : Développer une méthodologie partagée d’évaluation
  4. Proposition n°4 : Tirer les leçons de l’évaluation en engageant des actions correctrices graduées
  5. Proposition n°5 : Assurer une convergence d’intérêts entre partenaires tout au long de la vie des projets, notamment sur les questions de propriété intellectuelle
  6. Proposition n°6 : Instaurer un lieu d’échange et de partage d’informations sur les enjeux
  7. Proposition n°7 : Lutter contre le saupoudrage et assurer une sélectivité rigoureuse lors du financement des projets
  8. Proposition n°8 : Concentrer les financements sur l’innovation et le développement des produits et services
  9. Proposition n°9 : Anticiper collectivement les risques d’innovation
  10. Proposition n°10 : accompagner la numérisation des entreprises adhérentes ou qui souhaitent s’associer à un pôle
  11. Proposition n°11 : Veiller à la cohérence globale des objectifs, des stratégies de filière aux pôles de compétitivité
  12. Proposition n°12 : anticiper les évolutions et développer l’emploi dans leurs filières ou champs thématiques de compétences et dans les territoires