On a coutume d’entendre que les projets de chatbot sont des échecs ou des réussites en demi-teinte qui s’explique de deux manières :

– Des produits dont les capacités d’apprentissage automatique ont été survendues ;
– Des clients qui connaissent très mal la technologie sous-jacente : le chatbot même s’il a des allures d’être humain ou d’humanoïde ne reste pas moins un projet informatique.

Mais si on construit son chatbot en respectant quelques règles élémentaires sans tenter d’atteindre l’impossible, on a affaire à un outil disponible 24/7, à portée de main dans la messagerie instantanée et sans apprentissage.

Voici donc ces quelques règles à connaître pour que l’assistant répondent aux attentes :

  1. Le chatbot est une coquille vide : en tant que professeur de dataviz je ferai le parallèle avec les outils de visualisation. On part d’une feuille blanche et c’est l’intelligence qu’on met dans les analyses et les graphiques qui vont faire qu’une application aura de la valeur ou non
  2. Ne pas acheter l’intelligence d’un chatbot : du moins comme le chatbot est une coquille, ou un contenant, il faut pouvoir lui intégrer diverses intelligences (ou API) complémentaires émanant potentiellement de plusieurs fournisseurs internes ou externes. Par exemple pour traiter de l’information chaude (chiffrée et structurée) et de l’information froide (texte, non structurée)
  3. Méthodologie d’apprentissage :
    • Construire l’intelligence progressivement en limitant les premiers cas d’usage à une fonctionnalité. Ce qui compte c’est que l’utilisateur sente que l’assistant a bien répondu à sa question s’il a répondu. L’analyse continue des questions posées à l’assistant permet en parallèle de créer une roadmap des nouvelles fonctionnalités à intégrer
    • Utiliser du machine learning lorsque les historiques de demandes s’allongent de manière à comprendre artificiellement la prochaine demande de l’utilisateur et créer alors un dialogue intelligent
  4. Comprendre un minimum le NLP (natural language processing) : cette branche de l’Intelligence Artificielle n’est pas encore mûre, or c’est la technologie phare des chatbots. Ne pas connaître les limites de ce domaine technologique a un impact fort sur le risque projet
  5. Repérer les différentes interactions de l’assistant dans lesquelles on peut intégrer de l’intelligence :
    • Compréhension des questions
    • Amélioration continue des chemins de discussions
    • Réponses basées sur des analyses prédictives
  6. Utiliser à fond les possibilités de restitution proposées par un chatbot qui peuvent tout à fait compenser le manque de maturité de l’IA
    • Par exemple les fonctionnalités de push sont d’aussi bonnes réponses au besoin d’instantanéité apporté par le chatbot
    • Les dialogues de chatbot à base de boutons pour limiter les possibilités de conversation et donc l’usage combiné de l’IA pour reconnaître des termes clés et l’usage des arbres de décisions pour créer la structure d’intelligence
  7. Comprendre que le chatbot est le cousin de l’assistant vocal et qu’il est possible de mener un projet décliné sur ces 2 interfaces. C’est le sujet du design conversationnel (car on ne gère pas une image lorsqu’on est en vocal, ni même des phrases longues comme celles qu’on peut disposer sur un écran.)

Ensuite pourquoi il faut lancer des projets de chatbots ? et bien parce que nous rentrons dans l’ère des assistants. C’est un peu comme lorsque la conjoncture des technologies de réseaux, de puissance de calcul, de mobilité, de numérisation nous a permis d’entrer dans le monde digital. Aujourd’hui IOT, IA, API nous font entrer dans une refonte des interfaces. Fini les apps sur les smartphones ! Les assistants se parlent entre eux et nous décorrélons encore plus les vies physiques (Moi) et digitale (Mon Avatar). Le lien entre les 2 : un coffre-fort numérique peut-être sous forme de blockchain pour faire le lien entre identité physique et virtuelle. Dans le monde virtuel des assistants de diverses natures interagissent entre eux de manière totalement autonome. On peut d’ores et déjà imaginer 4 types d’assistant :

  1. L’assistant d’entreprise : celui déjà connu qui fait le lien entre la compagnie et ses clients
  2. L’assistant du collaborateur : celui qui gère à la place de l’employé un certain nombre de tâches automatisables et qui l’aide dans les prises de décisions, en indiquant par exemple les factures fournisseurs les plus exposées à un risque de retard de paiement ou dans la gestion de planning en prenant les RV
  3. L’assistant de l’objet : c’est lui qui vous prévient que vous n’avez plus de lait au frigo ou même qui va rentrer en contact avec l’assistant d’entreprise de votre fournisseur de lait bio
  4. L’assistant personnel : il surveille votre prise de poids, vous rappelle vos rendez-vous et entame les premières phases de conversation avec l’avatar de vos futures conquêtes Meetic

Ce scenario va avoir des impacts sur les métiers :

  • Création de nouveaux métiers liés aux assistants : dresseur de bot ou bot coach, l’analyste qui va éduquer l’assistant a plus d’intelligence et de services rendus. Ou aussi le designer de conversations, qui sera peut-être un nouveau pan d’activité du UX designer actuel
  • Modification des règles : par exemple en marketing ou expérience client les assistants d’entreprise seront configurés pour privilégier la transparence à la vente additionnelle, sous peine d’obtenir une mauvaise note et donc un déréférencement ou blacklistage.
    • Votre tondeuse connectée analyse que la bougie est en train de lâcher -> elle prévient votre assistant qu’il faut commander une pièce de rechange. Votre avatar se met en chasse de la pièce et trouve la référence chez Castorama et chez Auchan. Le bot Castorama ayant repéré la promo Auchan déclinera la vente afin de conserver la meilleure note de conseil auprès de votre avatar.

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Olivier Leroy est Data strategist au sein du cabinet de conseil PMP et professeur à l’ESCP.