L’arrêt des développements de CentOS Linux inquiète les entreprises utilisatrices de cette distribution. La colère gronde, les avis sont partagés, mais les options sont aussi nombreuses…

CentOS Linux (Community Enteprise Operating System) est une version communautaire et gratuite, mais 100% compatible, de RHEL (Red Hat Enterprise Linux). Son code source est publié pour la première fois en 2004 à partir d’un Fork de RHEL 2.1. Contrairement à Fedora Linux, le projet CentOS Linux est resté très affilié à Red Hat et très largement gouverné par l’éditeur. Il n’a cessé d’évoluer au point de devenir l’une des distributions Linux les plus populaires dans certaines entreprises peu intéressées par RHEL et ses coûts de support…

Un abandon surprise…

Seulement les choses ont évolué depuis un an. IBM a racheté Red Hat en 2019 pour en faire le moteur de sa stratégie cloud hybride et de ses cloud paks. Et CentOS n’a pas vraiment sa place dans cette stratégie. L’éditeur a annoncé que CentOS Linux 8 entrerait en fin de vie le 31 décembre 2021 (au lieu de 2029 comme initialement attendu) et que l’équipe allait désormais se focaliser sur « CentOS Stream ». Ce dernier est une distribution un peu différente de CentOS Linux, à mi-chemin entre Fedora Linux et RHEL. La particularité de CentOS Stream est d’être en avance de phase sur RHEL (les évolutions prévues sur RHEL sont validées d’abord sur CentOS Stream). Les non initiés à l’univers Red Hat doivent savoir que de l’aveu même des responsables de Red Hat, « CentOS Stream n’est pas CentOS Linux ».

Les entreprises qui ont opté pour CentOS Linux ont été pour le moins désemparées par les récentes annonces de Red Hat. Nombre d’entre elles ne veulent pas entendre parler de « CentOS Stream ». De leur côté, Red Hat et IBM invitent les entreprises sous CentOS Linux à basculer sur RHEL et non sur CentOS Stream.

Bien des entreprises ne voient en effet en « CentOS Stream » rien d’autre qu’une « version bêta » de RHEL. Red Hat affirme haut et fort le contraire et considère qu’il s’agit là bien davantage d’une « rolling release » qui s’inscrit complètement dans les principes de développement moderne « DevOps ».
On peut cependant comprendre l’inquiétude des clients CentOS Linux. Les récentes publications de Red Hat parlent de « upstream branch » et de migration de tous les projets internes Red Hat sur « CentOS Stream » qui font plus qu’évoquer l’idée que « CentOS Stream » est bien une « development branch » (une version de développement) de RHEL. Et bien des entreprises n’ont aucune envie de voir leur infrastructure reposer sur une version de développement. Elles veulent retrouver la stabilité d’un support à 10 ans.

Une renaissance orchestrée par un ancien ?

La décision de Red Hat n’a d’ailleurs pas fâché que des entreprises clientes. Elle a aussi énervé le co-fondateur de CentOS, Greg Kurtzer. Dans un billet de blog, il annonce lancer une nouvelle distribution Linux destinée aux utilisateurs actuels de CentOS. « J’ai été aussi choquée que le reste de la communauté en apprenant les dernières annonces de Red Hat » écrit-il. « Quand j’ai commencé CentOS il y a 16 ans, je n’aurai jamais pu imaginer l’incroyable portée et l’impact qu’il aurait dans le monde entier sur les individus et les entreprises… En réponse à ce changement inattendu, je suis fier d’annoncer le lancement d’un nouveau projet, Rocky Linux, en l’honneur d’un autre co-fondateur de CentOS, Rocky McGough. J’ai lancé un appel à participation à la communauté mondiale pour rapidement former une équipe afin d’assurer une continuité transparente des opérations commerciales pour les entreprises qui utilisent CentOS 8 et un support bien au-delà de 2021 ».

En seulement un jour, des milliers de partisans ont déjà rejoint le projet. Mais il est encore trop tôt pour voir si les entreprises vont soutenir cette initiative ou se tourner vers d’autres alternatives. Car, parmi les clients actuels de CentOS Linux, nombreux sont ceux à se poser des questions. Les clients HPE se demandent s’il ne serait finalement pas plus efficient de se réorienter sur ClearOS (livré avec les serveurs Proliant et compatible RHEL 7). D’autres y voient une opportunité de se tourner vers Canonical et son Ubuntu Linux. Enfin, certains se demandent s’il ne serait pas au final plus logique de se tourner vers des distributions Linux soutenues par leur fournisseur cloud public (Oracle Linux, Amazon Linux 2, etc.).

Bref, la guerre des distributions Linux est relancée de plus belle… Bien malin celui qui peut prédire laquelle tirera son épingle du jeu finalement assez destructeur initié par IBM et Red Hat.