Les voitures électriques sont en train de révolutionner le secteur des transports. D’ici 2025, la Chine a pour ambition/souhaite qu’un cinquième des 35 millions de véhicules vendus chaque année soient électriques. L’Inde a également de grands projets pour passer à l’électrique d’ici 2032i. Le Royaume-Uni s’est engagé à interdire la vente de nouveaux véhicules à essence et diesel d’ici 2040ii, et l’Écosse s’est donnée jusqu’en 2032. Autrement dit, plus personne ne se rendra dans les stations-services pour faire le plein. À la place, ils se brancheront à des prises de courant partout où ils le pourront : à leur domicile, dans le parking au bureau, les centres commerciaux, les parcs et sur les trottoirs. Sur le marché, le comportement des consommateurs va changer. Les fournisseurs d’énergie devront s’adapter et la façon de faire des affaires sur le secteur de l’énergie s’en trouvera transformée. Ajoutez à cela le fait que les fournisseurs et les consommateurs utiliseront toute une variété de procédés de production différents, cela viendra compliquer les choses, notamment en termes de contrats et de prix, les marchés actuels étant plutôt habitués à facturer au compteur. Autrement dit, nous assisterons à une riche interaction entre fournisseurs et consommateurs, créant des marchés très éloignés des systèmes centralisés d’aujourd’hui. Nous pensons que la technologie blockchain sera très bien placée pour gérer ces complexités à venir dans le secteur de l’énergie.

Supprimer les inefficacités

L’énergie est un produit de première nécessité, comme le sucre et le pétrole. Bien que nous n’ayons pas de « magasins » d’énergie à proprement parler autour de nous, elle reste un produit qui s’échange par le biais d’un vaste réseau de producteurs, de fournisseurs, courtiers, bourses, agences d’indexation des prix, commissaires-priseurs, opérateurs de réseaux, agrégateurs et exploitants de micro-réseaux. Les systèmes informatiques centralisés chargés de mesurer et d’enregistrer les transactions entre les différents intervenants ne sont pas transparents, et pas non plus très conviviaux. La blockchain est sur le point de changer cela. C’est une bonne nouvelle et c’est inévitable, d’autant plus que de nombreux marchés de l’énergie sont dysfonctionnels, faussés par des technologies subventionnées et caractérisés par une volatilité élevée et une faible liquidité.

Aussi, certaines relations sont compliquées en raison de la diversité des sources d’énergie renouvelables et non renouvelables et des nouveaux business models, où les consommateurs et les communautés d’utilisateurs deviennent des producteurs. Le secteur de l’énergie s’est empressé d’étudier le rôle que la blockchain peut jouer pour gérer les complexités croissantes et supprimer les inefficacités.

Sortir du bloc

Grâce à la blockchain, les négociants peuvent envoyer des commandes de manière anonyme vers un carnet de commandes décentralisé accessible aux autres négociants. A noter, les courtiers, les bourses et les chambres de compensation sont rayés de l’équation, entraînant ainsi une réduction des coûts.

Traditionnellement, les négociants en énergie utilisent des outils d’ETRM (de trading énergétique et gestion des risques) pour saisir les détails des transactions. La transaction est souvent réglée manuellement et toute la communication, les rapprochements et les désaccords potentiels sont gérés par e-mail, courrier ou fax. Cette situation changera considérablement lorsque les contrats commerciaux de toutes les contreparties pourront être placés dans une chaîne de blocs et mis à disposition de toutes les parties concernées, et cela se fait déjà. Le grand changement se produira lorsque les contrats entre fournisseurs et consommateurs seront codés dans une blockchain, permettant de compenser l’ensemble de la consommation et de la production, offrant ainsi aux consommateurs toute la flexibilité et la transparence dont ils ont l’habitude avec leurs opérateurs en télécommunication. Comme les contrats dans la blockchain sont inviolables et exécutés automatiquement, les partenaires commerciaux et les consommateurs peuvent avoir une confiance absolue dans l’exactitude des mesures et de la facturation.

Le futur sera « intelligent »

Les robots permettront aux négociants en énergie de suivre en temps réel la localisation et l’état de la marchandise tout au long de sa chaîne de valeur. Ces robots, intégrés aux systèmes ETRM, seront en mesure de dicter les termes du règlement final, ouvrant la voie à des contrats blockchain « intelligents ».

Les marchés de l’énergie deviennent imprévisibles, volatils et se perfectionnent. La prédominance de la production éolienne n’est qu’un exemple de la complexité et de l’incertitude qui les caractérisent aujourd’hui. Les parcs éoliens sont en partie protégés du risque de marché grâce aux subventions gouvernementales, permettant à l’énergie éolienne d’occuper une plus grosse part du marché que ne le permettraient les seules forces du marché, éloignant ainsi la production d’énergie du modèle traditionnel.

Imaginons à présent une situation où vous vous rendez à votre supermarché local et branchez votre voiture pour la recharger rapidement pendant que vous faites vos courses. Vous présentez un QR code sur votre téléphone et la station de recharge identifie les données de votre fournisseur afin de vous facturer selon les tarifs qu’il vous applique. Vous rentrez ensuite chez vous, où vous connectez votre voiture à votre station de charge. Votre voiture se comporte désormais comme un dispositif de stockage d’énergie, intégré à votre réseau domestique. Votre fournisseur de réseau contrôle votre consommation nette : par exemple, l’énergie consommée par la batterie de votre voiture pendant les heures pleines (prix et demande élevés) peut être stockée pendant les heures creuses (prix et demande faibles). Les volumes de production/consommation et le prix payé/facturé correspondant seront régis et validés par la blockchain dans le cadre de votre contrat d’approvisionnement.

Vous aurez ce qui vous a été promis au prix prévu, reflétant ainsi une amélioration globale de la relation entre le consommateur et le fournisseur.

La blockchain réduit les coûts et les problèmes de processus en supprimant les intermédiaires, tels que les courtiers et les chambres de compensation. Avec la blockchain pour gérer les questions de complexité et d’efficacité, nous entrons dans le trading énergétique de nouvelle génération.

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Martin Thomas est ETRM Practice lead chez Wipro.