On parle beaucoup des robots et des technologies intelligentes qui suppriment non seulement les tâches manuelles des employés des usines et des entreprises, mais aussi celles des cadres, des chefs d’entreprise et même des représentants des artisans. Les analystes s’inquiètent du « risque d’informatisation » de plus de 50% des emplois dans l’Union européenne. Mais les risques sont-ils vraiment si importants ?

En effet, les machines remplacent déjà de nombreuses tâches routinières, ennuyeuses et fastidieuses. Cependant, certains techno-optimistes, dont Jeff Bezos, sont confiants et prédisent qu’avec l’automatisation des processus d’affaires, de nouvelles opportunités vont apparaître, apaisant les craintes d’un chômage massif. Selon une étude récente de Gartner, d’ici 2020, 1,8 million d’emplois disparaîtront aux États-Unis, mais 2,3 millions verront le jour. Un autre rapport publié par le Forum Economique Mondiale (FEM) intitulé « L’avenir de l’emploi : la stratégie pour l’emploi, les compétences et la main-d’œuvre pour la quatrième révolution industrielle », prévoit que 75 millions de postes dans le monde disparaîtront d’ici 2025, mais que de nombreux autres seront créés grâce aux technologies intelligentes.

Apprendre à cohabiter avec l’IA pour simplifier les tâches routinières

Un aspect de l’intelligence artificielle dont on parle peu est la raison de sa conception : rendre la vie professionnelle moins ennuyeuse. L’intelligence artificielle permet de traiter l’information et de simplifier des tâches routinières à la vitesse de l’éclair, libérant du temps libre aux employés pour gérer des processus plus complexes, développer leur créativité et leurs compétences.

Il est essentiel d’enseigner aux employés comment profiter de la technologie pour servir plus de clients rapidement et efficacement, accroître une part de marché et créer de nouveaux produits et services. Par exemple, la société de conseil Accenture Strategy estime que si une entreprise moyenne investit dans la collaboration entre les humains et les machines aussi activement que le font les grandes entreprises, alors dans 4-5 ans, la rentabilité pourrait atteindre jusqu’à 40% et l’emploi augmenter de 10%.

De quel genre de collaboration s’agit-il ? Des algorithmes intelligents pénètrent progressivement dans une variété de processus d’affaires – de l’ouverture d’un compte bancaire à la recherche de champs de pétrole, de la reconnaissance des visages des clients dans les magasins à la création de bandes annonces personnalisées pour les abonnés à la télévision en ligne. Le rythme d’intégration de l’intelligence artificielle et du machine learning sur le marché du travail est déjà remarquable : il est prédit que d’ici 2025, ils feront plus de la moitié de nos tâches. Pour l’année 2018, Gartner avait estimé que la valeur commerciale mondiale tirée de l’intelligence artificielle (IA) devrait atteindre 1,2 milliards de dollars, soit une augmentation de 70 % par rapport à 2017. Le marché de ces technologies est aujourd’hui estimé à 2,9 milliards de dollars, selon Forrester.

Comment l’IA crée les futurs métiers ?

Les dirigeants sont bien conscients de la nécessité d’implémenter l’intelligence artificielle dans l’entreprise afin d’augmenter les revenus, d’attirer de nouveaux clients et de prendre des décisions plus rapidement. Mais comment les nouvelles technologies vont-elles changer la vie des employés ? Les experts du WEF prévoient que l’adoption généralisée de l’IA dans les entreprises mènera 54 % des employés actuels des grandes entreprises à acquérir de nouvelles compétences ou à modifier complètement la portée de leurs tâches d’ici 2025. Certaines des professions susceptibles d’être partiellement ou totalement éliminées sont celles d’opérateurs de saisie de données, de comptables, de secrétaires, d’employés d’usine de montage, d’employé des services postaux ou d’opérateur de service client. Cependant, selon les prévisions de l’Institut pour l’avenir (IFTF), 85 % des emplois qui existeront en 2030 n’existent pas encore aujourd’hui. Par exemple, les experts de Cogizant ont répertorié 21 nouvelles professions, dont un détective de données, un cyber analyste municipal, un concepteur de voyages en réalité augmentée, un directeur du développement des affaires en IA, un technicien médical en IA, un éditeur de code génétique, un tailleur numérique et même un gestionnaire d’équipe pour les personnes et les machines.

Crimson Education croit que d’ici 2030, l’IA libérera le temps nécessaire pour explorer, expérimenter et trouver des solutions intéressantes à des problèmes plus complexes, comme la pollution. Un ingénieur en élimination des déchets sera alors le spécialiste le plus recherché. Ce n’est pas si surprenant, étant donné que le problème des ordures devient de plus en plus urgent. Il y a des professions inhabituelles comme consultant en sources d’énergie alternatives, prédicteur de tremblements de terre, chirurgien de la mémoire et assistant IoT. Toutes ces spécialités impliquent l’utilisation généralisée de technologies intelligentes.

Il existe également des prévisions pour les 10 prochaines années. La société de conseil américaine Kiplinger et le groupe de prévision économique EMSI ont récemment analysé 785 professions qui existent actuellement aux États-Unis. Guidés par des critères tels que le niveau annuel moyen des salaires et les périodes approximatives de formation, ils ont établi les 10 professions les plus populaires pour 2026. La première place du classement a été attribuée au développeur d’applications mobiles. Selon les prévisions, le nombre de postes vacants pour cette profession et les professions connexes augmentera de 21,6 % d’ici 2026, et le salaire annuel moyen de ces spécialistes sur le marché américain sera de près de 100 000 $. La demande de développeurs de logiciels système augmentera aussi : d’ici 2026, le nombre d’emplois dans cette spécialité évoluera de 16 % et leur salaire moyen atteindra 105 000 $ par année. Le nombre de développeurs Web augmentera également de 26,5 %, bien que leurs revenus seront plus modestes – environ 60 000 $ par année. L’économiste Mariano Mamertino, travaillant avec Indeed, l’un des plus grands portails de recherche d’emploi, partage les prévisions des Américains. Dans son classement des professions futures les plus recherchées au Royaume-Uni, le spécialiste des données occupe la première place.

La fin des tâches chronophages et le développement de nouvelles compétences

Le vrai défi aujourd’hui est de comprendre quelles compétences professionnelles seront demandées et quelles tâches seront laissées aux robots. Que faut-il étudier et quelles compétences faut-il développer pour se maintenir à flot ? Les professions dont la tâche principale est le développement des technologies d’intelligence artificielle, l’interprétation et l’application des résultats de l’IA, sont déjà très demandées. Des spécialités tendances comme les sciences des données sont déjà enseignées dans les écoles. Quelle que soit le secteur d’activité, il devient de plus en plus important de pouvoir travailler avec des données provenant de sources diverses, d’en tirer des conclusions et de préparer divers rapports et recommandations à partir de celles-ci.

Dans la plupart des professions, il ne s’agit pas de remplacer les humains par des machines, mais de les libérer des tâches chronophages. Sebastian Thrun, professeur d’informatique et de génie électrique à l’Université de Stanford, croit que les travailleurs accompagnés des capacités de l’intelligence artificielle se contreront à une activité plus créative et développeront ainsi de nouvelles compétences. Selon lui, se débarrasser des tâches routinières aidera à créer une nouvelle classe d’ouvriers surhumains.

Le gain principal pour les entreprises n’est pas dans l’automatisation universelle, mais dans une combinaison habile des capacités humaines et technologiques. La pratique suggère qu’il n’y a pas tant de professions dans lesquelles les humains peuvent être complètement remplacés par des robots. Il s’agira ainsi d’automatiser les tâches répétitives et chronophages, dont 80% sont des activités effectuées par la plupart des employés.

Dans les banques, le commerce de détail, l’industrie et l’énergie, l’automatisation de la collecte et l’analyse de données augmenteront la demande d’employés à gérer et la capacité de se concentrer sur des tâches plus complexes. L’augmentation de l’espérance de vie entraîne celle de la demande de professionnels dans le domaine médical qui, selon Kiplinger et EMSI, occupent la moitié du top 10 dans le classement des professions futures les plus recherchées. Même si l’automatisation affectera la manipulation chirurgicale de haute précision et le diagnostic primaire, la communication avec les patients exigera des compétences dont l’intelligence artificielle n’est pas encore capable.

Si les humains et les machines travaillent « main dans la main », alors dans seulement 4 ans, il y aura 58 millions de nouveaux emplois accompagnés par les robots et l’intelligence artificielle, prévoient les experts du WEF. Dans un sens, les robots nous font une faveur, en nous libérant du temps pour résoudre des problématiques plus intéressantes et développer ainsi nos compétences.

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Cédric Hubert est Director of Enterprise Sales Europe, ABBYY