« Le meilleur des (deux) mondes », tel est le message qu’a souhaité faire passer Tableau Software à sa 8e conférence annuelle européenne à Berlin.

C’est un discours rassurant qu’a tenu Adam Selipsky, CEO de Tableau à la conférence Europe, qui se tenait à Berlin quelques jours seulement après le rachat par Salesforce pour plus de 15 milliards de dollars, la plus grande acquisition jamais réalisée par Marc Benioff, 20 ans seulement après la création de l’entreprise.

« Au sein de Salesforce, Tableau continuera à exister en tant que marque et conservera une certaine indépendance », assurait le CEO de Tableau devant plus de 2000 utilisateurs. C’est là une nécessité dans la mesure où Tableau doit pouvoir continuer à être utilisée avec des dizaines de sources de données provenant d’éditeurs concurrents (Tableau propose quelque 80 connecteurs). Un positionnement qui, dans le domaine des infrastructures, pourrait être comparé à celui de VMware au sein de Dell Technologies ou de Red Hat chez IBM. « Salesforce apportera de nouvelles opportunités même s’il est peu tôt pour donner plus de détails » poursuivait-il.

Le message lors du rachat était simple : comprendre les données est la mission de Tableau, connaître les clients est celle de Salesforce. L’union des deux fournisseurs crée une évidente synergie « tout en ne présentant aucun recouvrement » tient à préciser Edouard Beaucourt, Directeur France et Europe du Sud.

Les premières complémentarités dont pourra bénéficier Tableau sont l’utilisation des technologies d’intelligence artificielle avec Einstein ou une intégration plus large via les API à la suite du rachat de Mulesoft par Salesforce l’année dernière. Comme nombre de logiciels aujourd’hui, Tableau est proposé sous trois formes de consommation : on-premise, via un cloud public (le logiciel est disponible sur AWS, Azure et Google Platform) et en mode services managés par Tableau. Le surcoût entre les versions cloud public et services managés par Tableau (logiciels également installés sur AWS), qui permet aux entreprises de se décharger de la gestion de l’application, est d’environ 20 %. Le rachat par Salesforce qui fut un des pionniers du logiciel en mode SaaS permet d’envisager à terme d’utiliser l’infrastructure cloud de dernier.

Ce rachat ouvre un nouveau chapitre dans la vie de l’autre éditeur de logiciels de Seattle permettant d’accélérer son développement. Par ailleurs, « l’intégration des deux entreprises devra être réalisée avec beaucoup d’attention, considère Adam Selipsky, car les projets réalisés avec Tableau sont désormais stratégiques dans  nombre d’entreprises ».

Tableau présentait Blueprint qui offre aux utilisateurs de Tableau des conseils et pratiques pour les aider à développer leurs compétences en analytique et à construire une véritable communauté autour de la donnée. Blueprint regroupe et des informations et des services liés aux meilleures pratiques pour mettre en œuvre un projet, l’éditeur mettait en avant trois facteurs majeurs : l’agilité, l’expertise et la communauté.

Dans sa présentation de son projet de transformation numérique, Llyods Banking Group mettait en avant le troisième facteur dans la réussite pour passer en trois ans seulement de 0 à 6000 utilisateurs et faire de Tableau une ressource majeure. « Si Llyods, avec ses lourdeurs administratives et ses contraintes réglementaires a pu le faire, toutes les entreprises le peuvent », expliquaient des représentants du Group Analytics, un centre d’excellence destiné à transformer la banque en une « data driven entreprise », une évolution au terme de laquelle la prise de décision doit être fondée sur les faits et non sur l’intuition. « Nous utilisons Tableau pour quasiment tout faire, expliquait Fred Thomas, de la segmentation des clients à la performance marketing en passant par les activités des produits ou le comportement des clients ».

Depuis la dernière édition de la conférence européenne, Tableau a introduit quatre nouvelles versions (référencées 2018.2, 2018.3, 2019.1 et 2019.2). La prochaine, prévue un peu plus tard dans l’année, permettra de passer du stade d’interrogation des données en langage naturel avec Ask Data à celui d’explication des données avec Explain Data, un ensemble de fonctionnalités fondé sur les technologies d’intelligence artificielle pour détecter et fournir automatiquement des explications sur la valeur d’un point de données spécifiques, dans le but d’aider les utilisateurs à comprendre plus rapidement le « pourquoi ?» de leurs données.

Vers la notion de plateforme

« Nous avons évolué d’une configuration de type best of breed vers une véritable plate-forme », expliquait Edouard Beaucourt, en marge de la conférence avec notamment l’intégration d’un moteur de base de données haute performance en colonnes par le truchement du rachat de l’éditeur allemand Hyper en 2016. C’était là le moyen de régler un problème de performance et de supporter des projets de beaucoup plus grande ampleur.

En France, Tableau est historiquement présent chez les startups comme Kapten (ex Chauffeur privé) ou Blablacar pour lesquels la compréhension de la donnée est stratégique, ainsi que des acteurs institutionnels ou traditionnels comme La Poste ou BNP Paribas. Parmi les autres clients français, on peut citer Schneider Electric, Auchan ou EDF avec chacun plusieurs milliers d’utilisateurs. « Pour l’avenir, nous allons mettre l’accent sur les Entreprises de taille intermédiaire (ETI) », précisait Edouard Beaucourt.

Parmi les autres annonces de cette conférence, le projet McKinley vise à doper Tableau Serveur pour améliorer la scalabilité, les performances et la sécurité avec la fin de l’année comme date de disponibilité.

La démocratisation de la donnée est un thème qui est au cœur de la création de Tableau Software. Thème qui n’est pas nouveau et pourtant le chemin vers ce que l’on appelle la « data litteracy » est encore long. C’est le constat de Llyods mais c’est aussi le défi que tente de relever la Deutsche Bahn, l’équivalent allemand de la SNCF. L’objectif de ce spécialiste du transport (train bien sûr mais aussi tout autre type de mobilité comme les systèmes de partage de vélos ou de voitures…) qui emploie plus de 330 000 personnes est de faire de chaque salarié un acteur de la donnée. DB Systel, sorte de DSI externe qui emploie 4 000 personnes et fournit tous les services d’infrastructure et applicatif sous la forme de services payants, a développé un tableau de bord qui, à terme, pourrait être utilisé par tous les employés de l’entreprise et pourquoi par les clients. Par exemple, un projet développé avec la base de données basée sur les graphes Neo4j permet de visualiser l’ensemble du réseau (quelque 33 000 km) et les différents chemins possibles entre deux villes en fonction de la distance, du coût et de temps de transport.