Employé fréquemment dans le domaine des télécoms, le terme de convergence se réinvente au gré de l’arrivée de nouvelles technologies.

A travers une première réalité capitalistique observée chez les opérateurs ayant des clients fixes et mobiles, une convergence d’offres tarifaires se matérialise sans pour autant s’appuyer sur une convergence technique. En effet, deux réseaux distincts reposant sur des infrastructures également distinctes, subsistent. Il n’existe pas encore de réseau unique opérationnel qui unifie les deux mondes. Nous sommes donc à l’aube d’un profond changement qui touche à la convergence technologique des réseaux fixes et mobiles et qui se traduit par la généralisation du trafic par internet, soit le tout IP La première étape consistant pour les opérateurs à prendre position sur les deux terrains (fixe et mobile) est quasiment franchie. Elle permet de disposer d’un plus grand panel de clients finals afin de mieux pouvoir rentabiliser les investissements ultérieurs. En Europe, le réseau fixe a déjà une petite avance sur le réseau mobile dans la mesure où le fixe est en grande partie IP, même s’il subsiste des extrémités et des interconnexions non IP.

 Le réseau mobile, en revanche est en train de migrer vers l’IP avec la VoLTE (voix sur LTE – Long Terme Evolution). Une fois que ces deux mondes seront totalement IP, la convergence technologique va pouvoir se réaliser.

Dans d’autres régions de monde, il n’y aura pas de convergence fixe / mobile car l’infrastructure fixe est soit inexistante, soit limitée. La complémentarité des réseaux sera alors privilégiée.  En fait, l’accès mobile se banalise partout, il devient un accès comme un autre sans distinction. L’opérateur va donc utiliser le meilleur accès possible vers le client final. Si l’ADSL est possible à travers une ligne de cuivre ou de la fibre, l’opérateur emploiera ce chemin,  autrement il utilisera les technologies radios qui permettent du haut débit pour connecter son client final. En Afrique, par exemple, la technologie radio servira de mode d’accès fixe via la « Box » raccordée à une antenne pour proposer des services identiques à ceux du fixe. En somme, nous assistons à une banalisation de l’accès avec un cœur de réseau qui va devenir IP, quel que soit le mode d’accès. Les infrastructures dites TDM vont donc peu à peu disparaître, même s’il reste encore des commutateurs numériques de 20 à 30 ans d’existence. Ce parc déclinera peu à peu au profit de routeurs et de softswitchs opérant sous IP.mobileapps

 La technologie de convergence

 Pour que le service voix généré par les mobiles puisse circuler en VoLTE, il faut remplir deux conditions : le terminal mobile doit supporter la 4G et l’infrastructure du réseau doit intégrer la technologie IMS (IP Multimedia Subsystem). Celle-ci va constituer la vraie convergence pour les métiers de la voix du fixe et du mobile. Seule technologie valable aujourd’hui, l’IMS doit non seulement véhiculer la voix fixe et mobile, mais également assurer le support de l’ensemble de services multimédias afin de pouvoir traiter tous types de flux purs IP.

Cette technologie est déjà en cours de déploiement chez les opérateurs majeurs sachant que la mise en œuvre est délicate et que le prix est encore très élevé. En outre, les solutions déployées actuellement sur les réseaux des opérateurs ne supportent pas une mise à jour simple vers l’IMS. Il faudra donc les remplacer, ce qui explique le peu d’empressement des opérateurs, même si la convergence représente un avantage … pour le client final.

L’architecture de convergence

 L’architecture qui va découler de cette convergence va s’élaborer en trois couches superposées : un réseau de transport en fibre optique, communément appelé le backbone ; la couche 3 (IP) orchestrée par les routeurs de cœurs de réseau ; la couche 4 chargée de l’application de téléphonie sous la norme IMS.  C’est à ce niveau que Cirpack se positionne afin de proposer une solution orientée voix, mais avec l’ensemble des interfaces existantes de l’IMS pour pouvoir connecter les différents serveurs d’applications qui vont apporter de la valeur (messagerie vocale, conférence, visioconférence…) grâce au concours de partenaires. Cirpack se concentre  donc sur le cœur IMS et sur les applications à valeur ajoutée autour de la téléphonie.

 Les conséquences applicatives

 La diffusion des services OTT (over-the-top) connus à travers Skype, mais surtout leWebRTC,  vont bouleverser la donne et accélérer la convergence. Dans ce dernier cas, l’utilisateur va pouvoir lancer de son PC un service voix à partir de n’importe quel navigateur. Au final, chacun pourra appeler un correspondant via son navigateur sans appareil téléphonique.WebRTC1

L’enjeu est donc de pouvoir ouvrir la communauté des correspondants afin de pouvoir appeler n’importe qui, quel que soit l’opérateur, en utilisant le numéro de téléphone habituel. Pour les fabricants de SBC, tels que Cirpack, leur rôle sera de fournir cette passerelle entre le monde du webRTC et le monde du réseau public. Mais au delà de la simplification du protocole,  le problème majeur reste celui de la qualité et du mode d’accès au réseau. Aujourd’hui, au cœur du réseau, la qualité au sein des backbones est suffisante et les équipementiers savent gérer la qualité de service (QoS). Même si la technologie fibre ou 4G permet l’augmentation de la bande passante, la grosse difficulté se situe à l’accès.  Il est en effet plus difficile de contrôler la qualité de bout en bout dans un monde internet si les bons délais de transit ne sont pas garantis. Certes, la perception de la qualité a changé depuis que le mobile existe. Le seuil de tolérance en matière de perturbations n’est plus le même que dans le fixe.  Mais pour certaines communications, notamment dans le monde de l’entreprise, la baisse de qualité n’est pas acceptable. En conséquence, les applications OTT auront du mal à percer si la qualité n’est pas bonne.

Malgré tout, on peu compter sur la technologie TSCF (Tunneled Services Control Function), qui permet de relayer les messages SIP et IMS à travers des tunnels VPN spécifiquement paramétrés. Cette technologie s’appuie sur les capacités d’accélération du SBC pour garantir une meilleure qualité de service.

Les conséquences tarifaires

Dans les NTIC, la tendance à la baisse de prix est récurrente, la téléphonie n’échappe pas à cette règle. En théorie, le public s’est habitué à l’idée que l’internet  tend à la gratuité dans la mesure où les acteurs se rétribuent autrement. Mais la minute de téléphonie à un coût. Il sera donc difficile de relever ou de baisser les prix car en Europe un plancher a été atteint, ce qui n’est pas le cas aux USA, par exemple. La grande question est de savoir qui récupère de la valeur et qui partage les investissements car les applicatifs développés par les acteurs de l’internet sont de plus en plus exigeants en bande passante et face à cela, les opérateurs seront obligés de réagir, surtout lorsque l’on diffuse de la vidéo. Le Cloud est aussi une problématique dans le domaine du stockage à travers la transmission (sauvegarde et téléchargement) de fichiers de plus en plus gourmands en volume et donc en débit, afin de conserver une bonne qualité de service. Dans tous les cas, les operateurs sont nécessairement confrontés à un dilemme, celui du partage des investissements. Soit ils se retranchent dans un rôle de simple fournisseur de tuyaux avec les risques financiers qui en découlent, soit ils sont capables de se rétribuer sur les contenus. En termes de bande passante, la voix ne consomme pas la même quantité que la vidéo ou le cloud, mais si la qualité de service est mal gérée par les backbones, la voix va se détériorer alors qu’on parle de haute définition dans la VoLTE. C’est un énorme enjeu pour les investissements des opérateurs et sur la pression tarifaire exercée vers les équipementiers.

Les conséquences capitalistique A l’échelle mondiale, le panorama est loin d’être uniforme. En Europe, nous vivons dans un monde éclaté. Chaque pays a son opérateur historique, ses tiers 2, des acteurs du fixe, des acteurs du mobile. A l’évidence, des rapprochements vont avoir lieu pour aboutir à une consolidation au niveau européen avec des acteurs  mixtes (fixes et mobiles) afin de pouvoir traiter d’égal à égal avec des acteurs internationaux, tels que Verizon ou China mobile. Les accords de roaming par exemple, qui constituent un très gros enjeu financier pour les opérateurs, seront reconsidérés. Quoi qu’il en soit,  la consolidation en Europe, comme en Amérique du sud, va s’accélérer sous la pression du marché et le besoin d’économie d’échelle, tout en maintenant,  voire en augmentant le revenu moyen par abonné (ARPU).

Pour les opérateurs et équipementiers, la grande question est de savoir jusqu’où vont aller les acteurs du net dans la valeur et dans la captation de cette valeur des métiers traditionnels des opérateurs. Ils commencent à capter les services de la VOD (Netflix) et on peut imaginer que dans le domaine de la téléphonie, le WebRTC puisse finir de reléguer l’opérateur à un simple fournisseur de tuyau.  Dans un tel contexte, quel sera le modèle de  répartition de la valeur et quel en sera l’impact sur l’avenir des opérateurs et équipementiers. Qui plus est, l’arrivée massive des objets connectés va tout naturellement accroitre considérablement le trafic. La consommation de bande passante pourrait elle, comme au début de la téléphonie mobile, être de nouveau facturée au débit ?  Si cette hypothèse semble improbable,  une large redistribution des cartes se profile à l’horizon.

Juan Lopez est le Directeur Général de Cirpack.