Les cryptomonnaies font florès, à la satisfaction de certains et à l’inquiétude des autres. Elles sont par ailleurs, la source d’intenses développements technologiques

Selon la société Convoy Investments, la bulle du bitcoin aurait surpassé celle la tulipe qu’avait connue la Hollande au 17e siècle. Première bulle de l’histoire, la tulipomanie avait donné naissance à de spéculations inconnues jusque là. Sur l’année 2017, la valeur du bitcoin a progressé de 2000 %, représentant néanmoins une valorisation relativement modeste. Chacune des 21 millions d’unités, nombre maximal fixé par le concepteur de la monnaie, avait atteint un pic de 19 800 dollars fin à la fin de l’année dernière pour redescendre à moins de 9 000 dollars aujourd’hui. Des fluctuations auxquelles les monnaies nationales n’ont jamais été confrontées.

D’où la mise en garde effectuée par les institutions européennes. Pour les trois AES qui supervisent respectivement les secteurs des banques (ABE), de l‘assurance (AEAPP) et des marchés financiers (AEMF), les monnaies virtuelles comme le bitcoin sont des produits extrêmement risqués et dérégulés qui ne conviennent pas à des investissements, de l’épargne ou des plans de retraite.

L‘information pour les particuliers désireux d‘acheter des monnaies virtuelles est « dans la plupart des cas incomplète, difficile à comprendre, ne présente pas correctement les risques (…) et peut ainsi être trompeuse », écrivent ces agences dans un communiqué commun. Les monnaies virtuelles comme le bitcoin sont sujettes à une extrême volatilité de prix et ont montré des signes évidents de bulle financière et les consommateurs achetant (des monnaies virtuelles) devraient avoir conscience du risque élevé qu‘ils perdent une grande partie, voire la totalité, de l‘argent investi. » L’épisode de 2017 ne peut que leur donner raison.

Les algorithmes plutôt que les Etats

Pour l’heure, ces monnaies se développent en dehors des Etats, ce qui pour certains est un gage de confiance. Ils pensent en particulier que les Etats n’ont pas été capables de gérer les crises financières et le sont toujours pas. « Mais l’essentiel de la demande vient du commerce illégal pour lequel le bitcoin est une véritable aubaine » considère pour Nathalie Janson, professeur associé à Neoma Business School (Un moment charnière de l’histoire – L’Express – 7 février 2018) qui pense néanmoins que ces devises virtuelles peuvent incarner « l’avenir de la monnaie à partir du moment où elles sont basées sur la blockchain ».

Toutefois, les Etats ne devraient rester longtemps impassible car la monnaie est un instrument de leur souveraineté « et surtout pour trouver des moyens de financement (…) Rome a péri car elle ne pouvait plus financer sa dépense publique » rappelle Nathalie Janson. Ils devraient donc intervenir et imposer des régulations sur les transactions en limitant, voire en empêchant, les parties prenantes de se procurer des cryptomonnaies.

D’ailleurs, si les échanges se font indépendamment des institutions nationales, cela n’empêche les litiges. C’est ce qui vient de se passer au Japon. Un groupe de traders en cryptomonnaies va assignera en justice cette semaine la plate-forme japonaise Coincheck pour le vol le mois dernier de 530 M$ d‘argent virtuel, a annoncé un avocat représentant les plaignants.

Les traders contestent la décision de Coincheck de geler tous les retraits en yens et en cryptodevises après ce vol et vont demander « que la plate-forme leur permette de prendre ces devises pour les mettre dans des « porte-monnaie, c‘est-à-dire des dossiers utilisés pour stocker l‘argent dématérialisé en dehors de la plate-forme », a expliqué, l‘avocat, Hiromu Mochizuki. Coincheck, qui doit publier un rapport mardi sur le cambriolage, a repris les retraits en yens mardi, selon des messages diffusés sur Twitter.


Miner de la cryptomonnaie furtivement

Des recherches récentes ont révélé que plus de 4 200 sites web administratifs ont été infectés par un code malveillant, et que leurs visiteurs minaient de la cryptomonnaie à leur insu. La majorité des pays touchés sont anglosaxons – avec notamment les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie – mais 16 sites français sont aussi concernés.

Pour Shay Nahari, Head of Red Team Services, chez CyberArk, cette attaque est loin d’être exceptionnelle et se révèle plus lucrative pour les pirates informatiques.

« Les cybercriminels préfèrent de plus en plus perpétrer des attaques liées au minage de cryptomonnaies, et non aux ransomwares : ils piratent le code d’un site web et, dès lors, plus un visiteur reste sur une page plus la cryptomonnaie est minée en faveur du hacker », explique-t-il.

Par ailleurs, compte tenu de leur trafic et de la diversité de leurs utilisateurs, les sites administratifs sont particulièrement une cible de choix pour ce type d’attaques. Les pirates n’ont en effet pas besoin d’implémenter un logiciel malveillant sur le terminal utilisé, et les internautes peuvent ne jamais s’apercevoir que la puissance de calcul de leur appareil était utilisée à des fins malveillantes.

« Cette attaque démontre, une nouvelle fois, comment les cybercriminels tendent à viser les tierces parties et les partenaires, pour agir à grande échelle. Ainsi, ils ont ici utilisé le plugin « Browealoud », très communément employé en ligne pour garantir un accès aux personnes malvoyantes vers les sites administratifs. », conclut-il


Une monnaie quantique infaillible

Tout le monde attend les ordinateurs de prochaine génération, ceux qui seront basés sur l’informatique quantique. Le problème est que lorsque ces ordinateurs verront le jour, ils mettront en péril tous les systèmes de sécurité actuels. Avec l’ordinateur quantique, La sécurité sur internet s’écroulera et des cryptomonnaies comme le bitcoin ne résistera pas. Il faut donc préparer dès maintenant des systèmes de chiffrement qui résisteront l’informatique quantique.

Des chercheurs du CNRS et de Télécom ParisTech ont fait un premier pas dans ce sens. Ils ont réussi à développer une monnaie quantique qui satisfait rigoureusement les conditions de sécurité pour l’inviolabilité. La prochaine étape consistera à intégrer à l’expérience des mémoires quantiques performantes qui permettraient la réalisation de véritables « cartes de crédit » quantiques. Ces travaux, pour l’instant théoriques, viennent d’être publiés dans Nature Partner Journal Quantum Information (Experimental investigation of practical unforgeable quantum money).

Différentes méthodes sont possibles pour sécuriser une transaction financière, et toutes sont basées sur le même principe : il faut garder une trace de la transaction et s’assurer que l’information transmise ne soit pas dupliquée. Utiliser la mécanique quantique, et en particulier sa propriété anti-clonage, est depuis longtemps une option envisagée. Cependant, les technologies de mémoire quantique, indispensables pour stocker les informations transmises, et les systèmes de vérifications étaient jusqu’à présents insuffisants pour transmettre ce type d’informations sécurisées.

Les chercheurs ont mis au point un modèle expérimental de carte bancaire infalsifiable grâce à l’informatique quantique. Car la carte bancaire a beau être un moyen de paiement très sécurisé, la contrefaçon (cartes dupliquées ou numéros générés automatiquement disponibles sur internet…) est très courante. Selon le rapport annuel de l’Observatoire de la sécurité des moyens de paiement, 400 millions d’euros ont été dérobés via ce moyen de paiement en 2016. Un montant qui peut paraître élevé mais qui, heureusement, rapporté au montant total des transactions réalisées avec des cartes françaises reste faible et ne représente que 0,064% des transactions. Le rapport évoque aussi une tendance plus inquiétante : la barre symbolique du million de cartes touchées a été très dépassée. « En un an, le nombre de cartes françaises pour lesquelles au moins une transaction frauduleuse a été enregistrée au cours de l’année 2016 s’élève à 1 138 200, précise l’Observatoire, ce qui constitue une hausse de 31% par rapport à 2015 ».

Le système mis au point par six chercheurs du CNRS et de l’école Télécom Paris Tech permet donc d’empêcher cette contrefaçon grâce à une monnaie quantique inviolable. Rappelons que la cryptographie quantique qui consiste à utiliser les propriétés de la physique quantique pour partager une clé de chiffrement – entre un client, un commerçant et une banque par exemple – avec un niveau de sécurité impossible à atteindre via les procédés traditionnels. Pour obtenir cette clé, on excite des atomes avec des photons. Ceux-ci changent d’état, ce qui correspond à un code. Puis on les réexcite lorsque l’on veut récupérer ce code. A l’arrivée : impossible d’utiliser deux cartes bancaires avec les mêmes numéros.

Cette découverte des chercheurs du CNRS est encore théorique car pour qu’elle se concrétise il faut pour utiliser de la mémoire quantique, qui agit au niveau de l’atome. Les chercheurs vont néanmoins tester leur théorie en laboratoire sur des mémoires quantiques, à l’université Paris Sorbonne.