Technologies Flash et stockage objet sont les deux tendances majeures du stockage dont les besoins en capacité évoluent toujours au rythme de 40 à 50 % par an. Daniel Sazbon, Chairman du SNIA Europe, commente pour InformatiqueNews les grandes tendances du moment.
InformatiqueNews : On parle aujourd’hui d’explosion des données et d’infobésité. Qu’est-ce qui caractérise le stockage aujourd’hui ?
Daniel Sazbon : L’IT en général et le stockage en particulier aborde sa quatrième révolution. Après les mainframes, les systèmes distribués et le client/serveur, le SMAC (Social, Mobile, Analytics et Cloud), nous sommes entrés aujourd’hui dans l’ère de l’Internet des objets avec des implications fortes sur le stockage, en termes de capacité et de performance, de coûts et de facilité de gestion et de récupération des données. Une évolution complétée par la numérisation de la société et de tous les secteurs économiques.
Au-delà des besoins physiques marqués aujourd’hui par les technologies flash, le stockage comme le reste de l’IT s’inscrit dans la tendance du tout logiciel – le Software Defined – avec la nécessité d’identifier et reconnaître des ressources virtuelles où qu’elles soient et leur donner accès aux applications.
IN : Le Flash va-t-il s’imposer partout et pour tout ?
D.-S. : Le Flash a présente des caractéristiques très intéressantes, notamment en matière d’accès, de l’ordre de la microseconde. Il apporte des améliorations nettes en termes de performance mais aussi rend possible des applications qui ne l’étaient pas auparavant. La détection de la fraude en ligne par exemple. Le temps de réaction de la microseconde permet par exemple d’interrompre une transaction frauduleuse ce qui n’était pas possible avec les technologies traditionnelles.
IN : Comment évoluent les coûts du stockage ?
D.-S. : Les volumes explosent mais les coûts restent stables voire décroissent un peu. Chaque année, il faut faire mieux avec les mêmes moyens, voire moins. La numérisation des données s’inscrit dans un contexte légal qui impose une conservation des données de plus en plus longue augmentant les besoins en archivage et de Cold Storage, principalement les bandes que l’on avait enterré un peu vite mais qui sont toujours présentes et très utilisées.
IN : Comment se complètent les technologies Flash et le standard NVMe (Non-Volatile Memory Express) et quel rôle joue le SNIA ?
D.-S. : Jusqu’ici les technologies flash étaient utilisées avec des interfaces développées pour les technologies magnétiques. Ces dernières ne tirent donc pas toute la puissance du flash. Le NVMe, qui en est encore à la version 1.X, est une technologie développée spécifiquement pour le flash et qui a les attributs de la mémoire interne et permettre de réduire encore le temps d’accès de la centaine de microseconde à une centaine de nanoseconde (un gain d’un facteur mille). Le rôle du SNI est alors de promouvoir le standard et de s’assurer que les constructeurs respectent l’implémentation de ce standard. Il développe des tests pour s’assurer de la conformité des équipements au standard qui est ensuite repris par l’ISO. Les premiers équipements Flash/NVMe devraient couramment disponibles d’ici un à deux ans. Pour l’instant, les installations NVMe sont encore relativement rares.
IN : Qu’en est-il des applications ?
D.-S. : L’avantage du stockage flash utilisé avec les interfaces standards est qu’il permet de reprendre les mêmes applications. Le NVMe nécessitera une adaptation des applications. L’évolution s’effectuera par la cohabitation des anciennes et des nouvelles applications.
IN : Le stockage objet est aussi une tendance majeure. Qu’apporte-t-il ? Quel lien avec le Software Defined ?
D.-S. : Le Software Defined consiste à avoir une virtualisation totale à travers des objets pour les ressources présentes dans un environnement donné. Cela concerne donc la virtualisation des espaces, la mobilité, la sécurité que ce soit pour des bases de données, des fichiers ou des objets. La virtualisation offre des possibilités énormes pour utiliser une ressource. Exemple : on peut partager des photos depuis n’importe quel terminal, quel que le soit le mode d’accès. Le stockage objet, qui est un élément fondateur du Software Defined, permet à un objet de devenir virtuel au lieu d’être physique. Le stockage c’est la nouvelle frontière du stockage qui ouvre des perspectives fascinantes. Le SNIA travaille au développement de deux standards dans ce domaine : Swordfish et Redfish.
IN : A quoi s’appliquent ces deux standards ?
D.-S. : Redfish correspond à la définition élémentaire d’un objet : capacité, nature, interfaces, sa taille… Swordfish concerne les spécifications de gestion des objets. Cette dernière qui s’inscrit dans Storage Management Initiative (SMI) lancée par la SNIA. Le version 1.0 étend les spécifications de l’API définie par la DMTF (Distributed Management Task Force) pour assurer la gestion des équipements de stockage des data centers. Swordfish permet de définir la gestion des objets non pas de manière technique mais plutôt liée à l’usage. Ces standards sont ensuite soumis à l’ISO.
Comment vont se développer ces deux grandes familles de technologies
D.-S. : Le flash est déjà largement présent dans les entreprises et le NVMe devrait se diffuser dans 2/3 ans. Concernant le Software Defined et le stockage objet, les entreprises ont déjà une expérience – le plus souvent réussie – avec cette technologie. Le développement devrait être assez rapide.
IN : L’hyperconvergence qui est apparue ces dernières années est-elle plus lié aux serveurs ou au stockage ?
D.-S. : L’hyperconvergence est un exemple typique de ce que j’appelle une évolution en accordéon. Les technologies apportent des avantages conduisant au développement d’équipements spécifiques. Puis, les technologies évoluent et se standardisent et entraînent le développement de systèmes intégrés, notamment pour des raisons de facilité d’utilisation et de coûts. On a vu cette évolution depuis plusieurs générations technologiques. Dans ce schema, l’hyperconvergence est la phase de contraction c’est-à-dire d’intégration. Avec le NVMe, on devrait donc voir apparaître des équipements de stockage spécialisée matérialisant une nouvelle phase de spécialisation.
IN : Comment voyez-vous l’adoption des technologies par les entreprises ?
D.-S. : Je constate que la vitesse d’adoption et de déploiement des nouvelles technologies est aujourd’hui beaucoup plus rapide. Les utilisateurs perçoivent mieux les avantages qu’elles peuvent apporter dans le cadre de nouvelles applications comme par exemple la blockchain, le cognitif, la sécurité… L’explosion des données et les coûts resteront les deux points de pression qui vont accélérer cette adoption. Par contre, les compétences sont plutôt insuffisantes.
SNIA : faits et chiffres
Le SNIA est une association à but non lucratif qui réunit 3500 acteurs du stockage – constructeurs, partenaires commerciaux et entreprises – représentant plus de 50 000 utilisateurs avec comme objectif de développement et la promotion de nouveaux standards et des normes dans le domaine du stockage. Basé à Londres et regroupant une centaine de membres, SNIA Europe est la branche européenne de l’association.