Dans la continuité des géants du Net, les manufacturiers font évoluer leur business model orienté produits vers une vision orientée utilisateurs, par le biais du modèle par abonnement. Mais avec la monétisation d’une série de services autour de leurs produits, les industriels doivent aussi faire évoluer leur système d’information. Ce qui passe notamment par une réurbanisation de leur SI.

Du produit à l’usage, et aux services associés

Dans les secteurs dont le business model repose sur la vente de services ou sur une récurrence, le modèle par abonnement est assez évident : c’est le cas depuis de nombreuses décennies pour l’énergie, les télécoms ou encore la presse. Récemment, ce modèle s’est étendu au-delà de ce périmètre traditionnel, jouant un rôle central dans le développement de l’économie dite « de l’usage », au détriment du modèle fondé sur la propriété.

Un modèle de propriété qui n’a évidemment pas disparu, mais qui complète aujourd’hui très souvent l’offre par tout un ensemble de services autour des produits, via notamment des objets connectés : maintenance corrective, diagnostic à distance, réduction des consommations d’électricité, détection d’anomalie voire de problèmes de sécurité, etc. Dans les deux cas, l’évolution du modèle d’affaires est similaire, à savoir une transition de la vente de produits à celle de prestations de services.

Pour les industriels, cette évolution, qui le conduit in fine à proposer des « expériences » avant des produits en tant que tels, induit un certain nombre d’avantages. En particulier une meilleure visibilité et une plus grande régularité de leur chiffre d’affaires, d’autant plus sur des produits saisonniers. Sans compter une acquisition client plus simple, plus rapide et à coût inférieur, dans la mesure où l’abonnement aux services réduit le besoin d’investissement de départ du client, et donc le « ticket d’entrée ».

Le moteur de souscription, nouveau poumon des SI industriels

Du côté des processus et des flux financiers, l’adoption de ce nouveau modèle économique modifie logiquement en profondeur les habitudes séculaires du secteur industriel. Ainsi, d’un processus relativement linéaire et séquentiel du modèle traditionnel (devis, commande, fabrication, facture, expédition), encadré, de façon schématique, par le CRM en entrée et l’ERP en sortie, le modèle par abonnement implique une tout autre logique.

Si les CRM et l’ERP sont toujours incontournables, les processus liés à l’approche orientée clients bouscule l’existant en matière de système d’information. Car il est nécessaire d’automatiser de nouveaux processus : prise en charge de différents types d’abonnement, disponibilité immédiate des services, facturation récurrente, gestion et traçabilité du cycle de vie de chaque souscription, renouvellement d’abonnements, etc. Sans compter qu’il est indispensable de proposer un espace client accessible en ligne pour leur permettre de consulter leurs offres et options, factures et paiements ou encore avantages fidélités.

Dès lors, de nouvelles briques sont à intégrer au SI. À commencer par le portail client. S’agissant d’un modèle par abonnement, les échanges avec les clients sont par définition réguliers, et ces derniers doivent pouvoir être autonomes pour gérer leur abonnement : le portail client est alors le point d’entrée de cette nouvelle relation sur la durée. Ce qui implique en parallèle l’acquisition d’une solution de gestion des licences (associées à l’équipement ou au produit) et des droits d’accès, liés à a souscription et au paiement de l’abonnement.

Enfin, un moteur de souscription est également indispensable, devenant même le véritable poumon du système d’information. Positionné entre le CRM et l’ERP, il gère l’ensemble du processus depuis la commande jusqu’à l’encaissement : catalogue et tarification des offres, propositions commerciales, gestion des abonnements, ordres de facturation ou encore validation des recettes. En d’autres termes, le moteur de souscription est spécifiquement conçu pour répondre aux nouvelles logiques de tarification et de vente du modèle par abonnement.

Un modèle organisationnel et informatique à repenser

Le parcours d’un service numérique à travers les systèmes informatiques de l’entreprise n’est pas le même que celui d’un produit physique. Dès lors, chercher à utiliser l’ERP tel que conçu au départ (gestion de produits manufacturés) pour la vente récurrente de services revient à vouloir faire rentrer des carrés dans des ronds, en raison ne serait-ce que de l’absence de gestion de stocks ou d’inventaire, ou encore de logistique par exemple.

C’est donc plutôt vers un modèle d’exploitation spécifique aux services numériques qu’il s’agit de se tourner, dans une logique de réurbanisation du système d’information, en cohérence avec le nouveau modèle d’affaires. Mais une nouvelle fois, sans dupliquer le modèle industriel traditionnel. En effet, là où des entités juridiques régionales et des ERP locaux étaient préalablement indispensables dans le cas d’une entreprise internationale, l’universalité de l’accessibilité aux offres numériques évitent cette question.

Ainsi, une seule entité juridique et un seul ERP dédié aux services numériques permet de centraliser en un seul point les aspects comptables, financiers et fiscaux de ces offres. Non seulement le catalogue et les références n’ont plus vocation à être dupliqués dans chaque système local où les offres sont destinées à être déployées, mais en complément la gestion des données s’en trouve simplifiée et le parcours client amélioré, et éliminant au passage l’administration des offres numériques au niveau local.

En conclusion, le modèle commercial de l’abonnement s’inscrit aujourd’hui dans une stratégie gagnant-gagnant entre le client et l’industriel : dans le cadre d’un abonnement, l’entreprise obtient davantage d’informations sur son client et, en retour, le client bénéficie d’un meilleur service. Mais la seule volonté de transformer son modèle économique ne suffit pas : une adaptation organisationnelle comme informatique est nécessaire pour que les industriels réussissent cette évolution.
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Par Thomas Costes, directeur business consulting Grenoble, Hardis Group