Fut un temps où faire ses courses relevait du temps de corvée incompressible qu’on calait dans une semaine déjà bien chargée. Aujourd’hui, les acteurs du commerce s’attachent à mettre fin aux contraintes que le consommateur peut rencontrer durant son parcours d’achat. Cette révolution du commerce implique une révolution logistique dans laquelle le « Goods to Man » a un rôle prépondérant à jouer : via la robotisation des entrepôts, c’est l’objet qui vient au préparateur de commande et non l’inverse. Cette inversion des rapports, qui met l’humain au cœur d’un système de pilotage centralisé, est en passe de s’imposer comme un facteur clé de compétitivité pour une logistique en pleine mutation.
L’automatisation de la logistique en entrepôt : le corollaire de la transformation du commerce
Le commerce fait dorénavant de l’expérience client sa priorité. Tout d’abord, le choix des références n’est plus un problème. Si un consommateur ne trouve pas sa marque préférée en magasin, il peut la commander sur internet. En outre, tout article est disponible quasi immédiatement. Amazon a ancré l’idée que recevoir une livraison dans les 24h- si ce n’est dans l’heure !- est la norme. La réception du produit doit se faire à la convenance du client, qui peut moduler son parcours d’achat en combinant différents canaux. Avec Darty par exemple, on peut recevoir en 3h chez soi le bien acheté en magasin. A l’inverse, il est possible de récupérer en magasin un article commandé sur internet. C’est tout le principe du « click and collect », extrêmement en vogue, utilisé par de nombreuses enseignes comme Ikea.
Toutes ces initiatives supposent une adaptation de la logistique en amont. De nombreux dispositifs d’automatisation ont déjà vu le jour dans les entrepôts, mais dans cette vague d’innovation, le picking fin (c’est-à-dire le prélèvement d’articles aux détails, repartis dans plusieurs milliers de mètre carré) semble avoir été oublié. Il s’agit là d’une étape clé de la préparation de commande, car toute inexactitude est susceptible d’entraîner des erreurs de livraison ou des écarts dans les stocks, et c’est toute l’expérience client qui se trouve dégradée. Or, avec la multiplication des petites enseignes type commerces de proximité, dans nos gares ou centres villes et un référentiel produit de plus en plus large en entrepôt, la logistique est amenée à se complexifier et à aller vers plus de précision.
Le Goods to Man : une innovation sous-estimée et un levier de performance économique
La transformation numérique du commerce impacte lourdement la chaîne logistique en ce qu’elle exige une préparation fine de masse, sur de larges assortiments, en continu. Le Goods to Man représente aujourd’hui une réponse pertinente à cette exigence car il rend possible un picking accéléré et fiable, qui de fait favorise l’accélération du rythme de livraison, ainsi que l’optimisation des palettes et du remplissage des camions.
Pour adapter la logistique à la nouvelle réalité du commerce, le Goods to man se doit d’être flexible et fiable. Comme le confirme la dernière étude de Generix Group relative aux risques logistiques, les acteurs du secteur sont en quête de davantage de flexibilité. Ces derniers veulent pouvoir faire évoluer leur solution d’automatisation ainsi que la configuration de leur entrepôt en fonction des hausses ou baisses du volume d’activité. Quant à la fiabilité, elle constitue une exigence légitime. Pannes et performance étant antinomique, celles-ci doivent être drastiquement réduites. Autant d’enjeux appréhendés par l’approche Goods to Man et son triptyque coût-performance-agilité.
Goods to Man/ Goods for Man : le robot au service de l’homme
On peut certes arguer que cette recherche de toujours plus de rentabilité est préjudiciable au salarié. L’étude Roland Berger pointe une suppression potentielle de 1,5M d’emplois directs dans la zone euro si rien n’est fait pour accompagner la robotisation des entrepôts. Cette même étude révèle pourtant que le contexte social et la lutte contre la pénibilité vont favoriser ce type de solution, voire le rendre incontournable. Dès lors, toutes les parties prenantes doivent réfléchir de concert aux modalités d’une logistique vertueuse et responsable.
Le Goods to Man s’inscrit dans cette logique. Loin de menacer le préparateur de commande, la robotisation lui confère un rôle plus stratégique dans la supply chain. Les salariés deviennent des partenaires directs du client final. En pilotant les stocks depuis leurs stations ergonomiques, ils travaillent avec plus de sécurité et moins de risque d’erreur. La revalorisation de leur métier est rendue possible par le fait que les tâches à moindre valeur ajoutée sont assurées par les robots. De plus, les préparateurs de commande se voient délivrés de l’obligation de marcher 15km/jour, ou du risque de troubles musculo-squelettiques lié à certaines positions. En bref, ce sont eux les premiers bénéficiaires du Goods to Man. Parallèlement, le consommateur final bénéficie d’un service toujours plus rapide, tout en sachant que son acte d’achat est socialement responsable. Au niveau macro-économique, l’augmentation de productivité se traduit pour les commerçants par une augmentation substantielle de leur chiffre d’affaires.
De même que la tendance positiviste impulsée par Auguste Comte avait érigé la science comme religion, de même existe-t-il aujourd’hui un courant qui adule tout ce qui est « tech », qui admire les prouesses technologiques pour elles-mêmes et non pour ce qu’elles peuvent apporter à l’éco-système humain. Cette mouvance peut en effrayer plus d’un ; et le meilleur joueur de go battu par un ordinateur a de quoi laisser songeur… Le Goods to Man va à contre-pied de cette approche anxiogène et promeut une robotisation au service des hommes, contrôlée par les hommes. Ce n’est qu’à cette condition que la logistique sera créatrice de valeur.
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Olivier Rochet est Président et fondateur de Scallog