Michael Dell aura donc réussi son opération de rachat de sa propre entreprise qui va pouvoir désormais se consacrer pleinement à sa stratégie

La saga de l’été se termine à peu près au même temps que le cycle des saisons. Michael Dell souhaitait extraire son entreprise des incertitudes, des aléas, de la dictature de la bourse et son obsession du court terme. Les actionnaires ont donc voté pour l’OPA lancé par le fondateur associé au fonds d’investissement Silver Lake pour un montant de 25 milliards de dollars. Au passage, on indique que Twitter qui a annoncé sa décision de s’introduire en bourse pourrait, lui, récolter quelque 15 milliards de dollars. La transaction devrait être finalisée avant la fin du troisième trimestre 2014 (l’exercice de Dell se clôture en fin janvier). A l’inverse le trublion Carl Icahn, qui était devenu le deuxième actionnaire, a baissé les armes et va porter son attention sur une autre proie. Pendant un temps, il s’était intéressé à Apple, mais il avait sans doute les yeux plus gros que le ventre.  Les marchés financiers sont restés relativement insensibles au nouveau chapitre de la firme texane avec une hausse quasi invisible de 0,14 % du cours de l’action au Nasdaq.

Les problèmes sont-ils réglés ? Certainement pas, ils ne font que recommencer pourrait-on dire car cet épisode de l’OPA a détourné l’attention la direction de l’entreprise qui va devoir se replonger dans sur la vraie question : l’avenir de l’entreprise. Selon l’agence Reuters, le cabinet Boston Consulting, engagé par Dell pour évaluer l’offre de rachat, prévoit une baisse continue de son chiffre d’affaires jusqu’en 2016, même si la fabrication de PC ne représente déjà plus que la moitié de ses ventes

Depuis qu’elle a été formulée – dit simplement aller vers les logiciels et les services -, le marché de l’IT a évolué sensiblement avec une baisse significative des ventes de PC, qui reste au cœur de l’activité, avec une explosion des smartphones et  des tablettes comme nouveaux postes de travail à part entière. Deux activités sur lesquelles Dell est quasi absent. Et à force de sous-traiter la fabrication par les autres, les constructeurs américains de PC ont perdu leurs compétences industrielles et perdu du terrain. Un temps, numéro Un de ce marché, Dell n’a cessé de perdre du terrain pour être aujourd’hui numéro trois.

Dans une lettre adressée aux clients, Michael Dell se félicite évidemment de cette issue heureusement pour lui et indique les axes dans laquelle doit se situer la stratégie de l’entreprise : « The forces of cloud, big data, mobile and security are changing people’s relationship with technology, just as the PC did almost 30 years ago ». C’est évidemment très général et pourrait être endossé par toutes les entreprises du secteur.

Comme les autres grands de l’informatique, Dell s’est lancé dans un activisme de rachats d’entreprise à partir de 2006 et sa première opération dans les services remonte à 2009 avec le rachat de l’intégrateur texan Perot System pour près de 4 milliards de dollars. L’équivalent de PwC pour IBM en 2002 ou EDS pour HP en 2008. « Ensuite, Dell a multiplié les acquisitions à un rythme rapide dans les domaines de la sécurité, du stockage. Autre particularité, la très grande majorité des entreprises rachetées sont américaines, on ne compte que deux anglaises et une israélienne sur la trentaine acquises depuis 2006. La pause marquée depuis  quelques mois suite à l’initiative de Michael Dell de racheter sa propre entreprise va donc s’achever et les acquisitions vont certainement reprendre.

Dans les quatre grandes divisions qui structurent l’activité de Dell, c’est l’activité grand public qui a souffert le plus et s’est effondrée passant de 14,4 $mds en 2011 à 10,9 $mds en 2013 écornant au passage le modèle direct qui avait fait un temps le succès de l’entreprise. De même le secteur public, qui constitue une des forces de Dell, a cédé du terrain. Globalement, Dell a réalisé un chiffre d’affaires inférieur sur l’exercice 2013 qu’en 2007.

Aujourd’hui, la transformation souhaitée par Michael Dell depuis 2008 d’aller vers les logiciels et les services reste largement à concrétiser. Dell est un peu engagé dans une course de vitesse entre développer ces deux nouvelles activités plus vite que le business autour du poste client (regroupant PC de bureau et Mobility) ne se détruit. Ce dernier  s’est réduit de 5 $mds en passant de 33 $mds en 2011 à 28 $mds en 2013. Pour le dire rapidement, Dell perd du terrain sur un marché en perte de vitesse : celui du PC. A l’inverse, l’activité services ne progressent que très modérément passant de 7,6 $mds en 2011 à 8,4 $mds en 2013. La bonne nouvelle est que les ventes de serveurs et d’équipement de réseaux ont progressé  et que l’activité entreprises (grands comptes et PME),  qui peut servir de socle pour y faire fructifier une offre de services, a tenu bon. C’est ce sur quoi Michal Dell va devoir s’atteler rapidement dans les mois à venir. Il s’est libéré des griffes de la bourse, il faut espérer pour lui et pour les 110 000 salariés que son investisseur associé Silver Lake lui laissera les coudées franches.