Être capable de mixer des Qubits et des Bits au sein d’un même processeur. Ou encore de dépasser la dizaine de qubits sans se perdre dans de complexes mécanismes de correction d’erreurs. Deux découvertes permettent d’entretenir l’espoir…

En matière d’informatique quantique, tout reste encore à inventer. Même si les premières machines existent déjà, elles restent des « nains » composés d’à peine une cinquantaine de Qubits malgré une conception de haute technologie très coûteuse et nécessitant un fonctionnement dans des environnements dont la température avoisine les -273° Celsius.

Bref, la recherche fondamentale est encore essentielle pour permettre à l’informatique quantique d’émerger un jour.

Cette semaine, deux publications scientifiques sont venues éclairer des avancées importantes pour permettre la conception d’ordinateurs quantiques plus abordables et plus fiables.

Intel rêve de Qubits chauds

La première est le fruit d’un effort conjoint mené par Intel et son partenaire QuTech. Aujourd’hui la plupart des ordinateurs quantiques fonctionnent à des températures proches du « zéro absolu » (-273° C). Les Qubits deviennent rapidement instables et incontrôlables dès que la température augmente ne serait-ce que très légèrement.

Dans un papier publié dans Nature les chercheurs des deux entités ont démontré leur capacité à contrôler des Qubits « chauds » en utilisant des spins d’électron dans du silicium. Le concept de « chaud » reste cependant ici vraiment très relatif. Au lieu de faire fonctionner leur système quantique à 100 millikelvins (soit -273,05°C), ils ont réussi à manipuler une porte quantique universelle et lire un qubit avec une stabilité satisfaisante à une température 10 fois supérieure et supérieure à 1° Kelvin (soit -272° C). On est encore très loin des températures ambiantes…

Par ailleurs, et presque simultanément, une équipe franco-australienne menait une expérimentation, elle aussi publiée dans Nature, similaire. Dirigée par l’Institut quantique et Michel Pioro-Ladrière, l’expérimentation réalisée notamment par le français Julien Camirand Lemyre démontre la possibilité là encore de manipuler des qubits à des températures supérieures à 1°Kelvin (en l’occurrence 1,5 K soit -271°C environ). La technique utilise des microaimants intégrés à des atomes artificiels de silicium, une technique très prometteuse élaborée par le professeur Pioro-Ladrière qui permet d’influer plus aisément sur les spins d’electron que d’autres mécanismes actuels.

Au delà d’une fabrication moins coûteuse des ordinateurs quantiques, l’objectif avoué d’Intel est d’arriver à construire un jour des circuits intégrés mixant une partie CPU classique et une partie quantique au lieu qu’elles soient totalement distinctes comme c’est actuellement le cas sur tous les ordinateurs quantiques créés jusqu’ici.

Le MIT a trouvé des fermions de Majorana sur de l’or

La seconde découverte nous vient des chercheurs du MIT. Ils ont observé (indirectement) des fermions de Majorana sur la surface d’un métal relativement commun : l’or ! Il s’agit d’une première observation des Fermions de Majorana sur une plate-forme qui peut potentiellement être scalable. Les résultats, publiés dans les « Proceedings of the National Academy of Sciences », constituent une étape majeure vers l’isolement de ces étranges particules pour s’en servir de qubits stables et à l’épreuve des erreurs en informatique quantique.

Rappelons que tous les travaux de Microsoft en matière de Quantum Computing reposent justement sur ces mystérieux fermions de Majorana, des particules étonnantes qui sont leurs propres antiparticules. Les chercheurs de Microsoft Research étaient jusqu’ici un peu les seuls à avoir tablé d’abord sur l’existence de ces fermions puis sur leur aptitude à servir l’informatique quantique. En les assemblant au sein d’un maillage, ils offriraient davantage de stabilité que les qubits issus des recherches actuelles de Google et IBM sur les supraconducteurs, celles de Honeywell et IonQ sur les ions piégés, ou encore celles d’Intel sur les spins d’électron en silicium.
Microsoft n’a plus évoqué la conception de son ordinateur quantique « maison » à base de fermions de Majorana et de qubits topologiques depuis la Build de 2018. Mais l’éditeur ne semble pas avoir changé de stratégie et tablerait donc toujours sur 2023 pour présenter sa première machine. Les découvertes récentes du MIT pourraient contribuer à accélérer les développements de l’éditeur. Elles donnent surtout du corps et du concret à des recherches menées par Microsoft qui semblaient jusqu’ici aussi mystérieuses que les particules sur lesquelles elles s’appuient.