Selon une enquête Nutanix, une grande majorité d’entreprises s’apprêterait à rapatrier leurs applications « cloudifiées » en interne. Mais est-ce pour mieux les basculer de nouveau dans le cloud avec une stratégie plus aboutie que celle de la première vague ? Le doute est permis…

 

Public, privé, hybride, multi… le principe du cloud séduit indubitablement les entreprises. Mais selon la seconde édition de « Enterprise Cloud Index », étude commanditée par Nutanix et réalisée par le cabinet d’études Vanson Bourne, les entreprises vont massivement faire machine arrière et rapatrier leurs applications en interne. Près des trois quarts (73 %) des entreprises interrogées ont en effet indiqué qu’elles migraient certaines applications du cloud public vers une infrastructure on premises et 22 % iraient même jusqu’à rapatrier cinq applications ou plus.

Une approche du cloud beaucoup plus dynamique

En pratique, si l’étude tient à mettre l’accent sur ce rapatriement, elle montre aussi qu’en réalité les entreprises sont surtout à la recherche de souplesse. Un point de vue partagé par IHS Markit et Fortinet qui sont arrivés à une conclusion similaire dans leur étude The Bi-Directional Cloud Highway publiée en aout dernier. D’après leur enquête, 74% des entreprises vont effectivement rapatrier leurs applications en interne. Mais l’étude spécifie aussi que derrière ce rapatriement se cache plutôt un va-et-vient entre le cloud public et l’interne, les entreprises évoluant vers une approche dynamique du multi-cloud avec des mouvements justifiés par différentes raisons : performances de l’infrastructure cloud, suite à une fusion et/ou acquisition, sécurité…

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Autrement dit, la tendance est clairement à la combinaison fluctuante de différentes formes de cloud avec une stratégie plus murement réfléchie qu’elle ne l’a été ces dernières années. D’autant que l’essor des solutions hybrides – telles que celle de Nutanix, mais aussi de VMWare et, dans une optique légèrement différente, celles d’AWS (Outposts), de Google (Anthos) et de Microsoft (Azure Stack, Azure Arc) – apporte beaucoup plus de souplesse dans la distribution des workloads sur les clouds, qu’ils soient privés ou publics. Sans oublier que la généralisation des conteneurs, et celle de Kubernetes qui unifie leur orchestration à travers toutes ces solutions, rend ces scénarios hybrides encore plus fluides, simplifiant ainsi davantage une approche dynamique multi-cloud.

Une tendance que semblent d’ailleurs confirmer les dernières estimations de Gartner. Le cabinet d’analyse vient en effet de réviser le chiffre d’affaires global du secteur avec un marché mondial des services de cloud public estimé à 266,4 milliards de dollars en 2020, contre 227,8 milliards de dollars en 2019, soit une hausse de 17%. En France, le Baromètre des Prestataires du Cloud Computing – Édition 2019 de MARKESS by exægis – confirme aussi l’engouement des entreprises pour le cloud public avec 58% des prestataires qui enregistrent une hausse de plus de 10% de la demande pour leurs solutions SaaS par rapport à l’an dernier, et 32% pour leurs solutions PaaS et iPaaS. Autrement dit, le cloud public se porte très bien et le total rapatriement en interne ne semble pas d’actualité…

De l’engouement irréfléchi à la maturité

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De fait, aux premières heures du cloud, bon nombre d’entreprises ont cédé au chant des sirènes, profitant d’une fin de contrat sur un serveur ou sur un logiciel pour adopter une application en mode SaaS ou transposer leur existant dans le cloud. Elles ont ensuite réalisé un peu tard que les économies attendues n’étaient pas au rendez-vous. En réalité, la transposition d’un existant qui n’a pas été pensé pour les mécanismes et les subtilités du cloud est rarement payante.

Public ou privé, le cloud suppose des architectures adaptées et des gestions fines pour tirer pleinement profit des infrastructures. Typiquement, oublier de décommissionner une VM en interne a un impact relativement limité. Sur un cloud public, ce genre de pratique peut rapidement faire exploser la facture. Fort heureusement, il existe aujourd’hui nombre d’experts et d’outils de gouvernance pour accompagner les sociétés dans l’optimisation des coûts. Et après une première vague de migrations plus ou moins maitrisées, les entreprises ont gagné en maturité et commencent à mieux gérer leur voyage vers les grands nuages.

D’ailleurs, selon l’enquête « State of Cloud » de RightScale, cette optimisation de l’utilisation existante du cloud en vue de réduire les dépenses a été la grande priorité des DSI en 2019, suivie par « plus de transferts de workload dans le cloud ». Autrement dit, le cloud public n’est peut-être pas la solution financière miracle que les entreprises avaient espérée, mais il reste rentable dès lors que son usage est maitrisé, comme le souligne Marco Meinardi, Directeur de recherche de Gartner dans son billet « Is Public Cloud Cheaper Than Running Your Own Data Center ? ».

Le vrai faux argument de la sécurité…

D’ailleurs, parmi les raisons justifiant le « retour à la maison » citées par les entreprises interrogées dans le cadre de l’étude de Nutanix, le coût ne figure pas parmi les premiers arguments. Et ce, même si la majorité des entreprises estime avoir dépassé le budget initialement prévu.

L’étude précise en effet que les entreprises sont avant tout à la recherche d’une flexibilité que seul le cloud hybride peut offrir et que les choix en termes de déploiement entre le privé et le public sont surtout motivés par la sécurité, principal facteur ayant un impact sur les stratégies des entreprises en matière de cloud computing. Ainsi, plus de la moitié des personnes interrogées (60 %) regarderont de près l’état de sécurité des différents clouds du marché avant de faire leur choix. De même, la sécurité et la conformité des données constituent la principale variable (26 %) pour déterminer où une entreprise exécutera une charge de travail donnée.

Et c’est là qu’on peut raisonnablement se demander si les entreprises françaises et d’ailleurs pensent réellement qu’elles disposent de ressources et moyens supérieurs à celles et ceux d’un AWS, d’un Google ou d’un Microsoft pour sécuriser leurs données. Certes, ces fournisseurs sont américains et donc soumis au Cloud Act, mais comme l’a souligné Carlo Pussanta, Président de Microsoft France à l’occasion de la conférence de rentrée de l’éditeur : « On fait toute une histoire du Cloud Act, alors qu’il ne s’appliquera que dans un très faible nombre de cas et seulement après une décision de justice. En revanche, les failles de sécurité sont quotidiennes. Le plus grand enjeu des entreprises, c’est la sécurisation des données ».

Enfin, s’il parait évident que l’avenir du cloud est hybride, il est encore plus manifeste qu’il sera « multi », voire « omni », car on voit mal les entreprises réintégrer en interne des solutions pour lesquelles elles ont bien du mal à trouver les talents pour les gérer, notamment dans le domaine de la cybersécurité.