Par la faute de son ordinateur de bord, situé dans son volant, le leader du championnat du monde de formule 1 a peut-être perdu hier le championnat 2014.

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Nico Rosberg au départ du Grand prix de Singapour s’est retrouvé bloqué au point mort, sans pouvoir passer la première vitesse de sa Mercedes, via une palette (à l’arrière sur la photo) qui actionne électroniquement les différents pignons de la boîte de vitesse, celle-ci étant hors circuit par moment. Il est ainsi resté cloué sur la grille de départ alors que depuis 45 minutes, l’équipe d’ingénieurs du constructeur tentait de vérifier tous les circuits mis en cause. Preuve d’une réelle fébrilité, plus de 4 ordinateurs portables étaient connectés aux différents ports du véhicule sans compter la centrale habituelle qui contrôle tous les capteurs. Rosberg parvint tout de même à prendre son envol après avoir changé son volant-ordinateur, mais ensuite, il ne put sélectionner les différents réglages – en particulier- la partie électrique de son propulseur et du rentrer au stand définitivement. Ce n’est pas la première fois que la complète dépendance à l’électronique et à l’informatique remet en cause le championnat. En 2007, Lewis Hamilton, l’actuel rival de Rosberg pour le championnat 2014, avait tout perdu avec la défaillance électronique de son système de bord, lors de la dernière course au Brésil.

L’informatique a révolutionné la F1

Depuis les années 90, les ordinateurs de bords ont permis le contrôle de toute l’électronique, celle des boîtes de vitesses, des moteurs et des suspensions. A tel point qu’à la fin 1993 , la plupart des aides électroniques furent bannies. Mais l’investissement pour l’administration électronique n’a fait que s’amplifier.

(ci dessous une image du système atlas des Maclaren il y’a quelques années )f946-2aFerrari n’hésite pas à avouer que plus de 200 capteurs servent lors des essais.

Sap, Oracle, Microsoft collectent les données dans leurs bases de données et leurs outils de big data pour restituer aux ingénieurs des données pertinentes. Ils sont plus d’une cinquantaine d’ingénieurs informatique de terrain, dans les stands, chaque week-end de course, à administrer les infos. Celle-ci sont toujours  transmises aux usines via sattelites où veillent d’autres équipes qui « épluchent » les données issues des capteurs. Dans les années 2000, le système « Drive by wire » a permis d’éviter toute tringlerie (freins, accélérateurs, embrayages, tout est électrique comme sur les derniers avions) mais l’arrivée des système hybrides, cette année, a apporté une complexité extrême que les trois constructeurs de moteurs (Mercedes, Ferrari et Renault) peinent parfois à contrôler. La surcharge électrique liée au stockage dans des condensateurs spéciaux et batteries « Ion Lithium » est parfois tellement importante que de véritables « fuites électriques » grillent de temps en temps complètement certains composants. Depuis cette année le kers, (kinetics energy recognition sytem) qui accumulait depuis 2009 l’énergie d’une partie du freinage et la transformait en électricité, a évolué. Cette énergie cinétique qui sera restituée sous forme de « boost » au moment opportun est associée à une nouvelle source d’énergie. Le nouveau système, baptisé ERS (Energy Recovery System) est bien plus puissant et complexe. Il comporte notamment deux moteurs électriques : le MGU-K et le MGU-H.

Le MGU-K reste un KERS évolué, qui permet de récupérer l’énergie cinétique, accumulée au freinage. Mais l’autre moteur électrique, le MGU-H, est chargé de restituer l’énergie issue de la combustion des gaz d’échappement du V6 turbo. mouteur-F11L’ERS offre environ 160 chevaux pendant une trentaine de secondes par tour. La puissance électrique d’appoint s’ajoute aux 500 chevaux fournis par le moteur à essence de deux litres turbocompressé qui peut tourner à 15 000 tours/minute. Le retour des turbos, exclus depuis 1988, est synonyme de très hautes températures et de pressions extrêmes et les défaillances se multiplient, l’électronique toute proche subissant des contraintes extrêmes. Les différentes fréquences engendrées par les multiples éléments mobiles des moteurs (vilebrequin et arbres à cames, turbos), boîtes de vitesse, suspensions et systèmes de récupération d’énergie seraient, selon les spécialistes de l’informatique embarquée, comme ceux de Magneti-Marelli, un cauchemar absolu, les vibrations remettant en cause la parfaite connectique des différents éléments, capteurs ou unités centrales, parfois de manière périodique. Pour administrer les deux sources d’énergie, un ordinateur central qui transmet en permanence via radio les données du moteur et des milliers de paramètres issus de plus de 100 capteurs (centrale inertielle, gyroscope freinage, températures des lubrifiants, eau, pression des pneus, accéléromètres) donne le tempo à suivre. Mais parfois, à la faveur de surchauffe, (il faisait plus de 35° Celsius à Singapour et 50 degrés à bord des monoplaces), les sondes ont dépassé les seuils de leurs plages d’utilisation.

 

Une électronique embarquée soumise à des conditions climatiques

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Le français Grosjean de l’écurie Lotus a subit samedi les affres d’un système qui – au moment crucial – mettait son moteur Renault en mode « dégradé. » Là encore les températures atteintes par les composants et les charges électriques favorisent la polarisation de différents supports qui à la faveur de l’humidité évolue. Sous la pression et les vibrations, l’humidité s’infiltre partout et des éléments à priori « neutres » deviennent les conducteurs de décharges électriques. Ils transmettent des tensions inimaginables sur des composants qui n’ont pas été conçus pour cela. En aviation militaire, on a souvent vu des équipements de détections (radar, système de vision nocturne, sondes de température) rendus complètement « aveugles » à la suite d’orages ou de pluies torrentielles, le gel parfois paralysant le plus souvent les mécaniques asservies à hautes altitudes. La firme Airbus qui sponsorise l’écurie Catheram, en compagnie de General electric, le fabricant de moteurs d’avions, avoue retrouver dans les formule 1, souvent comparée à des avions sans ailes, les conditions extrêmes pour une électronique embarquée. Pour les constructeurs de moteurs, la course constitue un banc d’essai impitoyable.