Aux USA, une « class action » intentée par des utilisateurs du navigateur Google Chrome accuse Google de violer leur vie privée en continuant de réaliser un tracking même lorsque le mode Incognito est activé.
L’affaire est loin d’être anodine. Car elle met en cause le fonctionnement même des modes de « navigation privée » présents dans les différents navigateurs et connus sous le nom de « Mode Incognito » sous Google Chrome.
Souvent dénommée « Porn Mode », cette fonctionnalité a été créée à l’origine pour permettre aux utilisateurs de naviguer sur Internet sans laisser de traces dans les historiques de leur machine. Officiellement, ce mode permettait à un utilisateur sur une machine partagée au sein d’un foyer d’acheter un cadeau surprise sans que le destinataire ne puisse le découvrir avant l’heure en explorant l’historique de navigation. Plus officieusement, ce mode permettait de naviguer sur les sites pornographiques sans laisser de traces dans les historiques. Autrement dit, le mode masque l’activité sur la machine elle-même, mais les serveurs WEB visités continuent eux de fonctionner normalement (et donc d’afficher des publicités et de collecter des données sur l’utilisateur connecté).
Trois utilisateurs américains ont monté une « class action » en juin dernier, accusant Google de « pratiquer un suivi omniprésent des données » et « de collecter toutes sortes de données d’activités personnelles sur le Web même lorsque les utilisateurs tentent de s’en protéger en activant, par exemple, le mode Incognito ».
Pour Google, il a toujours été très clair que ce mode « donne à l’utilisateur le choix de naviguer sur Internet sans que son activité soit enregistrée sur son navigateur ou appareil. Comme nous l’indiquons clairement chaque fois que vous ouvrez un nouvel onglet incognito, les sites Web demeurent en mesure de collecter des informations sur votre activité de navigation pendant votre session ».
L’éditeur américain avait demandé à la justice de laisser tomber l’affaire qui n’avait pas lieu d’être selon lui : « Les plaignants ont explicitement consenti à notre politique de confidentialité et de collecte de données. En outre le mode Incognito ne signifie pas être invisible. Il est clairement précisé que l’activité de l’utilisateur pendant une session Incognito peut être visible par les sites qu’ils visitent, ainsi que par les services d’analyse ou de publicité des sites visités ».
Le problème réside dans la différence entre la perception que les utilisateurs se font du mode Incognito et sa réalité technique.
En fin de semaine dernière, un juge fédéral de San José a rejeté la demande de Google de rejeter l’affaire : « La cour conclut que Google n’a pas notifié les utilisateurs que Google poursuit sa propre collecte de données pendant que l’utilisateur est en mode navigation privée ».
L’éditeur américain a annoncé contester fermement ces affirmations et avoir l’intention de se défendre vigoureusement.
Rappelons que parallèlement Google a annoncé en mars sa volonté de supprimer les cookies tiers de Chrome l’an prochain. Dans un billet de blog, l’auditeur s’engage « à redoubler d’efforts pour développer la Privacy Sandbox, en collaboration avec les secteurs du Web et de la publicité en ligne, pour concevoir des outils innovants afin de protéger l’anonymat des internautes tout en répondant aux besoins des annonceurs et des éditeurs. Certains nous demandent encore si nous allons remplacer les cookies tiers par d’autres identifiants d’utilisateurs, comme d’autres entreprises du secteur de l’adTech prévoient de le faire. Aujourd’hui, nous déclarons explicitement qu’une fois les cookies tiers supprimés, nous ne créerons pas d’autres identifiants afin de suivre les individus lorsqu’ils naviguent sur le Web, et nous ne les utiliserons pas non plus dans nos produits ».
Une initiative diversement saluée, certains y voyant un nouveau moyen pour Google de conserver son monopole sur la publicité Web et la recherche en éliminant les technologies actuelles pour mieux imposer ses propres nouvelles technologies d’analyse des comportements Web.