Les secteurs industriel, de la santé, de la mobilité, de l’énergie et de l’environnement sont les quatre secteurs qui seront impactés en priorité par l’intelligence artificielle.

C’est ce qu’indique un rapport intitulé que vient de publier le cabinet Atawao « Intelligence artificielle – Etat de l’art et perspectives pour la France » missionné par la Direction générale des entreprises (DGE), qui pilote le volet économique de la stratégie nationale pour l’IA, le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) et Tech’in France.

Le secteur de la santé est aujourd’hui l’un des secteurs les plus dynamiques en intelligence artificielle que ce soit en médecine préventive ou en diagnostic médical. Cette dynamique s’explique par un accès à des volumes importants de données. La médecine préventive bénéficie de données transmises par un nombre croissant d’objets connectés (mouvement, rythme cardiaque ou poids) et par l’effort de R & D majeur des GAFA (Apple et GAFA en tête) dans ce domaine.

L’IA permet de fournir des conseils personnalisés de qualité de vie ou d’anticiper un épisode chronique (BE.CARE). L’aide au diagnostic et au soin est le second domaine de recherche majeur en IA notamment grâce aux données déjà majoritairement digitalisées (imagerie, électrocardiogramme ou publications médicales). L’apprentissage sur des données d’imagerie ou des électrocardiogrammes fournit déjà pour certaines pathologies comme l’arythmie cardiaque ou la mammographie, un niveau de performance supérieur à 98 % soit celui des meilleurs spécialistes humains.

L’apprentissage sur des publications médicales fournit des résultats plus aléatoires pour le moment en raison, par exemple, des biais de généralisation des études cliniques ou des règles de médecines qui s’appliquent différemment d’un pays à un autre. Dans l’aide aux soins, l’IA est utilisée pour réduire les risques en contrôlant automatiquement, via un agent conversationnel l’état d’un patient à la place d’une infirmière ou, via une analyse d’image les gestes d’un chirurgien pendant une opération. Dans le domaine du contrôle des risques, les résultats sont particulièrement prometteurs. L’IA est également utilisée en recherche clinique pour des études épidémiologiques ou pour accélérer la mise au point de nouvelles molécules.

Pour développer les usages de l’IA en santé, l’accès à des données en volume et en qualité est une clé de performance majeure. En France, la santé est le secteur où les données disponibles sont à la fois très nombreuses par rapport à d’autres pays et en même temps le plus difficilement accessibles pour les innovateurs du fait de la législation en vigueur. C’est le frein majeur en IA aujourd’hui qui conduit les les personnes souhaitant innover à se tourner vers l’étranger.

Le secteur des transports et de la logistique devrait pouvoir relever des défis majeurs grâce à l’intelligence artificielle : conduite autonome, innovation de rupture dans l’optimisation de la mobilité et de la logistique. Le développement du véhicule autonome fait l’objet d’une compétition mondiale entre les constructeurs automobiles traditionnels et les géants technologiques (Google, Tesla et Apple en tête). Plus de 80 milliards de dollars ont déjà été investis depuis quatre ans, soit plus de 10 % des dépenses mondiales annuelles de R & D.

La France est particulièrement en pointe dans le domaine des véhicules de transport en commun (NAVYA, EASYMILE) avec des offres déjà commercialisées. Les grands industriels du transport comme RENAULT ont également une dynamique d’innovation importante.

Dans le domaine de la logistique, les bénéfices de l’intelligence artificielle seront beaucoup plus difficiles à capter à court terme. Une chaîne logistique complète entre deux points est souvent le fait de plusieurs acteurs avec des ruptures de système d’information et donc d’accès aux données tout au long de la chaîne. De ce fait, il est déjà pratiquement impossible d’optimiser une chaîne logistique multi-acteur et donc d’utiliser une intelligence artificielle pour le faire. Le partage de données entre acteurs logistiques est une condition préalable au développement de l’intelligence artificielle dans ce secteur.

Concernant le transport multimodal, plusieurs applications basées sur l’utilisation d’un calculateur prédictif pour les usagers existent. A titre d’exemple, des applications telles que CITYMAPPER, OPTYMOD’LYON ou MOOVIT permettent déjà le calcul en temps réel du meilleur itinéraire, selon différents modes de transport. WAZE l’application de navigation automobile a lancé en France, Connected Citizens, un programme d’échange de données permettant d’avoir une vision exhaustive du trafic. WAZE fournit à plus de trente partenaires (villes, entreprises) des données sur les accidents et les ralentissements signalés par les Wazers. En échange, ces derniers communiquent sur les routes fermées, les accidents, les travaux de voiries

Pour le secteur industriel, bien que l’évolution des modèles économiques induise une remontée de la chaîne de valeur du produit vers les services, l’activité manufacturière repose toujours sur l’existence d’usines avec des procédés de fabrication. Même si l’IOT est en plein développement, la digitalisation de ce secteur s’effectue lentement. Le potentiel de gisement d’applications IA est très variable selon le type d’industrie, à la fois pour des aspects culturels, mais aussi en raison des fortes contraintes de fiabilité, sécurité et sûreté. Ces contraintes se traduisent par des réglementations strictes limitant les approches probabilistes de type « boîte noire » sur des procédés critiques.

Pour autant, la donnée machine est peut-être générée rapidement en volume important ce qui fait de l’industrie un secteur très prometteur pour l’intelligence artificielle. Des applications IA (exemples : contrôle qualité, maintenance prédictive) existent aujourd’hui déjà et sont appelées à se développer. La mutation actuelle vers l’industrie 4.0 crée de nouveaux défis à relever : nouvelles architectures industrielles, nouveaux systèmes de monitoring, nouvelles approches de régulation industrielle, intégration plus forte avec l’amont et l’aval, nouvelles exigences environnementales ou de cybersécurité.

Les secteurs de l’énergie et de l’environnement constituent dès à présent des lieux d’application à fort impact de l’IA. C’est le cas, par exemple, des apports de l’IA pour : le pilotage des réseaux électriques intelligents, les stratégies d’efficacité énergétique ou encore l’anticipation des chocs météorologiques ou de celui du changement climatique.

Les atouts de la France

La suprématie américaine se retrouve au niveau de la concentration de start-up dans deux villes : San Francisco, premier pôle IA au monde (17 %) et New York, quatrième pôle (5 %), c’est-à-dire près de six fois et deux fois plus que la France. Les usages IA les plus importants sont développés par des entreprises situées à San Francisco et dans la Silicon Valley (Google, Facebook, Facebook, Twitter, LinkedIn, etc.) et dans la région de New York également, du fait des applications dans la publicité, le marketing ou les Fintech par exemple.

La Chine est devenue la deuxième puissance en IA et entend bien rivaliser avec les Etats-Unis. Le 20 juillet 2017, la Chine a rendu public un plan de développement national de l’intelligence artificielle, visant à faire passer son poids économique dans l’économie nationale, de plus de 22 Mds de dollars à l’horizon 2020 à 59 Mds de dollars d’ici 2025, puis 150 Mds de dollars en 2030, selon des chiffres du Conseil d’État. Avec un tel plan, la Chine souhaite rivaliser avec les États-Unis.

De son côté, la France recèle de nombreux atouts dans ces domaines : outre la présence sur le sol national de grands groupes leaders mondiaux (EDF, Engie, Legrand, Veolia…), ainsi que de PME (exemple : Socomec) et de start-up innovantes (exemples : DC Brain, Energiency) sur toute la chaîne de valeur, le pays compte aussi de grands centres de recherche publics (CEA, par exemple). Atouts qui se sont traduits pour l’heure dans la mise en œuvre de nombreux projets et démonstrateurs intégrant des composantes d’IA. Cette base solide pourrait constituer le socle d’une ambition nationale plus forte et plus ciblée de l’IA pour l’énergie et l’environnement, dans le cadre de stratégies partenariales public-privé à amplifier par la dimension européenne.

3 645 start-ups appartiennent au domaine de l’IA dans le monde dont 40 % aux États-Unis, 11 % en Chine, 10 % en Israël et 7 % au Royaume-Uni. Avec 109 start-ups, la France est au septième rang mondial (3,1 %) proche du Canada, du Japon et de l’Allemagne.


Les recommandations du rapport

Cette étude montre que l’IA pourrait représenter de réelles opportunités pour la France, à condition qu’elle encourage son développement. Pour cela, le rapport formule plusieurs recommandations pour d’une part, favoriser la création de jeux massifs de données et faciliter l’accès à ces données aux acteurs économiques, et d’autre part soutenir le développement de d’expertises nationales en IA, notamment :
– créer un cadre légal d’expérimentation à partir de données afin de faciliter l’accès en temps et en procédure ;
– créer des zones d’expérimentation à grande échelle pour tester en « grandeur nature » des solutions innovantes basées sur l’IA : un hôpital pour les solutions en santé, une ville pour les solutions de mobilité, un quartier pour les solutions de gestion de l’énergie ;
– créer un marché protégé pour les startups afin de favoriser l’émergence de sociétés viables économiquement ;
– encourager des projets centrés sur les assistants intelligents, dans le but de proposer une solution de facilitation des besoins quotidiens du grand public.


 

Intelligence artificielle : État de l’art et perspectives pour la France – Rapport

Intelligence artificielle : État de l’art et perspectives pour la France – Synthèse