Après la cession de ses activités serveurs d’entrée de gamme à Lenovo qui vient d’être finalisée, IBM compte désormais moins de 80 000 employés aux Etats-Unis, alors que la filiale indienne poursuit son expansion et regroupe désormais plus du tiers des effectifs de l’entreprise.

Au 31 décembre 2013, IBM employait 431 212 salariés contre 434 246 un an plus tôt. C’est ce qu’indique le rapport annuel 2013 (What will we make of this moment?). Depuis 2009, IBM ne donne plus aucune informations sur la ventilation de ses chiffres et pour cause car ils sont plutôt délicats à commenter. Selon les dernières estimations IBM emploierait un peu plus de 70 000 salariées aux Etats-Unis contre 153 000 en 2000. A cette époque, la filiale indienne ne représentait que quelques centaines de personnes. Aujourd’hui, elle est la première force de Big Blue avec quelque 150 000 salariés (Amid Global Push, IBM Has Shrunk Its U.S. Workforce By Half Since 2000) contre 50 000 il y a une dizaine d’années (IBM Eyes 50,000-Plus Indian Employees). Ce transfert est la simple résultante du plan stratégique Roadmap 2015 lancé par Sam Palmisano, le prédécesseur de Ginni Rometty, qui avait donné comme alpha et omega de l’entreprise d’atteindre un bénéfice de 20 dollars par action en 2015 (IBM arrive-t-il au bout de son modèle ?). Pour l’atteindre, IBM s’échine à réduire les coûts, notamment salariaux. D’où ce principe des vases communiquants salariaux entre les filiales américaines et indiennes.

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« L’idée d’IBM comme une icone américaine de la technologie est passé, considère Rob Enderlé, analyste du cabinet éponyme. Il reste une icone mais est désormais une entreprise capable de réorganiser rapidement ses ressources »

Cette décision de se donner un objectif de bénéfices par action à un horizon donné a été lancée la première fois en 2005 et renouvelée ensuite pour devenir l’objectif ultime pour lequel l’entreprise semble prête à mobiliser toutes forces et à tout sacrifier.14 IBM3

Les premières manifestations de ce plan stratégique baptisé LEAN – qui n’a aucun rapport avec celui Toyota malgré l’homonymie (Lean) – « était de développer l’offshoring et l’outsourcing à un niveau jamais connu par IBM », explique Robert Cringrely, auteur du livre The Decline and Fall of IBM, end of an American Icon ? IBM étant devenu une société de services et un éditeur de logiciels, sa principale ressources est le capital humain. « L’objectif du plan LEAN n’a rien à voir avec les ressources humaines et tout avec le cours de l’action. Transférer 100 000 emplois, éliminer le poids des pensions de retraite et le prix de l’action augmentera » poursuit-il.

Cette tendance va-t-elle se poursuivre ? La prévision de Robert Cringrely est bien sombre. Que restera-t-il comme emplois aux Etats-Unis en 2015 ? questionne le consultant : « Les équipes de direction, les équipes de vente tout comme les salariés qui travaillent pour des contrats gouvernementaux souffriront mais subsisteront. Tout le reste aura disparu. Disparu ».

Forte décrue en France aussi

Suite au désengagement industriel d’IBM sur les matériels et l’importante contribution de la filiale française dans ce domaine (notamment à Corbeil-Essonnes (composants), à Montpellier dans les grands systèmes et à Bordeaux avec la fabrication de cartes), IBM a commencé à réduire ses effectifs à partir des années 90. Le premier plan d’adaptation des ressources humaines de toute l’histoire d’IBM France est annoncé en 1993. Et de fait la décrue est assez rapide puisque les effectifs de la Compagnie passent de 24 500 – le maximum jamais atteint – à 14 000 cinq ans plus tard. Cette réduction s’est ensuite poursuivie et IBM France compte aujourd’hui un peu plus de 9000 salariés.

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A l’instar de la Corp, IBM France, était organisée en deux grandes entités : Manufacturing & Development (M&D) et Sales & Distribution (S&D) expliquait Daniel Chafraix, président d’IBM France en 2008 (IBM ne s’est jamais transformé autant qu’aujourd’hui). C’était deux mondes très différents. Le premier (M&D) était déjà mondialisé. La France était alors très riche sur le plan industriel. Après, il y a eu l’évolution vers les services et il est arrivé en France ce qui est arrivé dans les autres grandes filiales industrielles du groupe. Ce monde du manufacturing a disparu et a été remplacé par celui des services, à coup de croissance organique (Axone) ou d’acquisition (CGI). De l’autre côté, le S&D existe toujours mais s’est adapté pour vendre les nouvelles offres d’IBM.

 

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En photo, l’IBM India Building situé dans le Manyata Tech Park à Bangalore.