En 1965, Gordon E. Moore anticipait le doublement de la complexité des semi-conducteurs à coût constant tous les ans. En 1975, le même Gordon E. Moore ajustait ses prévisions et formulait une prédiction : « le doublement du nombre de transistors des micro-processeurs tous les deux ans ».

Gordon E. Moore est le cofondateur d’Intel en 1968 dont il devient président en 1975 au moment d’énoncer une prédiction qui va guider l’entreprise jusqu’à aujourd’hui. Moore estimait à l’époque que sa « Loi » serait vraie jusqu’en 2015 où la taille des atomes deviendrait un obstacle. Et la Loi s’est révélée très juste jusqu’en 2001. Depuis, elle est ajustée et revisitée régulièrement car, au-delà des problèmes atomiques que Gordon Moore entrevoyait, sont venus se greffer des problèmes de consommation électrique alors que l’urgence climatique et l’avènement des smartphones (et de la mobilité numérique) venaient bouleverser les priorités.

Néanmoins, Intel n’est pas près d’oublier l’esprit de la « Loi de Moore » et veut lui donner un futur jusqu’en 2025 et même au-delà. Et pour cela le fondeur compte sur des innovations technologiques qu’il vient de dévoiler en partie lors de l’édition 2021 de l’IEDM (IEEE International Electron Devices Meeting).

« Chez Intel, la recherche et l’innovation nécessaires pour maintenir la loi de Moore en bonne santé ne s’arrêtent jamais. Notre Components Research Group a partagé les principales percées de notre recherche à l’IEDM 2021 en apportant des technologies de processus et de conditionnement révolutionnaires pour répondre à la demande insatiable pour une informatique puissante dont dépendent notre industrie et notre société. C’est le résultat du travail acharné de nos meilleurs scientifiques et ingénieurs ; ils continuent d’être à la pointe des innovations pour faire perdurer la loi de Moore » évangélise Robert Chau, Senior Fellow d’Intel et directeur général de Components Research.

Et pour maintenir en vie la Loi de Moore, Intel compte sur plusieurs innovations :

Multiplier par 10 la densité d’interconnexion dans le conditionnement (le packaging) des processeurs. La technologie s’appelle Foveros Direct et utilise un assemblage hybride 3D pour réunir davantage de composants sur une surface réduite avec des écarts entre les « pattes » inférieurs à 10 microns.

– Toujours dans l’idée de réduire la consommation d’espace, Intel met au point une technique d’empilement en 3D des transistors connue sous le nom de RibbonFET, technologie qui succède à son actuel système FinFET.

– Intel ouvre également la voie à la progression de la loi de Moore vers l’ère de l’Ångström. On le sait, la marque ne veut plus parler en « nanomètre » en matière de résolution de gravure. D’où la dénomination « Intel 20A » pour la génération de processeurs attendue en 2024. « A » pour Ångström… « 20A » revient à « 2 nm » mais marque l’ambition de graver à l’avenir sous la barre du nanomètre. Grâce à des recherches prospectives montrant comment de nouveaux matériaux d’une épaisseur de quelques atomes seulement peuvent être utilisés pour fabriquer des transistors, Intel espère bien approcher les 9 Ångstroms dans la prochaine décennie.

– Deux avancées visent parallèlement à offrir de nouvelles fonctionnalités au silicium.
Tout d’abord en y intégrant des commutateurs d’alimentation (power switches) à base de Nitrure de Gallium (GaN) et de CMOS sur un wafer de 300 mm. Objectif ? Obtenir des alimentations électriques à très faible perte et ultra rapides pour alimenter les processeurs tout en réduisant le nombre de composants et l’occupation des alimentations.
La deuxième avancée porte sur l’efficacité des mémoires : Intel veut moderniser les DRAM en utilisant de nouveaux matériaux ferroélectriques. Grâce à ces nouvelles mémoires, les chercheurs veulent non seulement améliorer les performances en lecture/écriture mais également fournir des mémoires bien plus capacitives pour animer des IA toujours plus gourmandes.

– Enfin Intel croit au potentiel des technologies quantiques. Au-delà des ordinateurs quantiques et des processeurs quantiques sur transistors en silicium (Intel a d’ailleurs présenté un processus de fabrication de processeurs quantiques à qubits sur des wafers de 300 mm) sur lesquels planche le fondeur depuis de nombreuses années, ses chercheurs espèrent un jour pouvoir remplacer les transistors MOSFET classiques avec de nouvelles technologies qui restent à maîtriser comme des composants MESO (Magneto Electric Spin-Orbit, des sortes de commutateurs à base d’aimants mais réalisés à l’échelle nanométrique) fonctionnant à température ambiante.

Difficile de dire quand toutes ces recherches aboutiront à des produits commerciaux. Mais Intel veut montrer que l’innovation reste son moteur et que ses équipes ont de la suite dans les idées pour continuer de faire évoluer l’informatique à grands pas et lui ouvrir de nouveaux horizons à l’ère quantique et l’ère Ångström…