Depuis plusieurs mois, le fondeur traverse une zone de fortes turbulences. Concurrencé par ARM et AMD sur un peu tous les secteurs du marché, des ultra-nomades aux HPC en passant par les PC, les Mac et les serveurs, Intel annonce une profonde restructuration…

La semaine dernière, Intel annonçait des résultats financiers pour le second trimestre 2020, un trimestre entièrement marqué par la pandémie, plutôt meilleurs qu’attendu.

Avec un chiffre d’affaires de 19,7 milliards de dollars et un bénéfice de 1,23 milliard de dollars, le fondeur a profité d’une relance des ventes de PC portés par les besoins du télétravail.

Sa division « PC Centric » a en effet vu ses revenus augmenter de 7% par rapport au même trimestre 2019.

Et la division « Data Center Group » a connu une croissance spectaculaire de 43% par rapport à l’an dernier.

Malheureusement, dans le même temps les divisions IoT et mobilité (MobilEye) ont respectivement perdu 32% et 27% par rapport au second trimestre 2019.

Un retard irrattrapable

Ces résultats auraient pu réconforter les investisseurs mais les propos tenus par Bob Swan, le CEO d’Intel ont largement refroidi l’atmosphère. Car le fondeur a perdu sa suprématie technique et se fait tailler des croupières par la concurrence. Alors qu’AMD et ARM gravent désormais leurs nouvelles générations de processeurs en 7 nm, Intel n’a réussi à basculer sa fabrication de processeurs mobiles en 10 nm il y a à peine un an et continue de produire des processeurs PC et serveurs en 14 nm ! Les processeurs Xeon en 10 nm ne sont pas attendus avant la fin 2020 et les processeurs PC pas avant la mi-2021.

Bob Swan a d’ailleurs admis un retard d’au moins deux ans sur le passage au 7 nm qui n’interviendra pas avant 2022 au mieux. Intel est donc resté coincé près de 6 ans sur la finesse 14 nm alors que pendant le même temps, ses concurrents basculaient du 14 nm au 7 nm et seront probablement sur du 5 nm dans moins de deux ans.

L’impensable devient probable

Le problème pour Intel, c’est que son retard est d’autant plus difficile à combler que ses concurrents ARM et AMD lui mettent une énorme pression sur tous les secteurs du marché : mobilité, PC, serveurs et même super-calculateurs.

Et pour la première fois, Bob Swan a admis officiellement que son entreprise pourrait être amenée à externaliser la production des puces pour rester compétitive face à ses concurrents plus agiles et innovants. « Externaliser la production »… Une vraie révolution pour le fondeur ! Et surtout une façon d’admettre que le fondeur américain n’arrive plus à mener de front tous les combats. Et que la société n’a pas d’autre alternative que se réinventer…

Réorganisation en profondeur

Dans la foulée de ces révélations, Intel a annoncé hier une profonde réorganisation de ses divisions technologiques, architectures systèmes et PC (client group). Murthy Renduchintala, le grand manitou de l’ingénierie chez Intel, quitte ses fonctions !

À compter de maintenant, Intel veut s’articuler autour de nouvelles entités plus autonomes et agiles dont chaque patron rapportera directement du CEO :
– Entité « Développement technologique », dirigée par la Dr Ann Kelleher, dont la priorité sera de se concentrer sur les processus de fabrication en 7 nm et 5 nm.
– Entité « Fabrication et exploitation », dirigée par Keyvan Esfarjani, qui agira dans la continuité de la division précédente pour développer de nouvelles capacités de production.
– Entité « Ingénierie Design », dirigée temporairement par Josh Walden en attendant qu’Intel débauche une pointure chez les concurrents.
– Entité « Architecture, Logiciel et Graphique » qui continuera d’être dirigée par Raja Koduri et qui est responsable du développement de l’architecture et de la stratégie logicielle d’Intel, ainsi que de la gamme de GPU.
– Entité « Chaîne d’approvisionnement », dirigée par le Dr Randhir Thakur, qui veillera à ce que la chaîne d’approvisionnement devienne un véritable avantage concurrentiel pour Intel.

Une telle réorganisation en profondeur de l’entreprise ne portera probablement pas ses fruits avant de longs mois. En cette période pandémique, elle pourrait même encore un peu plus retarder l’exécution des projets actuels. En attendant, Apple va adopter ses propres processeurs sur ses ordinateurs abandonnant progressivement (mais rapidement) Intel, AMD continue d’accélérer très fortement sur les marchés du PC et du serveur et ARM pousse chaque jour un peu plus fort pour se trouver une place sur le marché des PC ultra-mobiles. Intel va devoir encore voler en zone de fortes turbulences pendant plusieurs années…