Entre vulnérabilités inscrites au cœur même de ces processeurs, des difficultés à passer aux nouvelles finesses de gravure et la concurrence pressante d’ARM et AMD, le fondeur connaît des temps difficiles. Mais, sous la houlette de son nouveau CEO, l’entreprise se réorganise et offre plus de transparence.

Depuis quelque temps déjà, le fabricant de microprocesseurs Intel est dans une mauvaise passe. Ses difficultés à produire ses nouvelles gammes de processeurs affectent les livraisons de PC et de serveurs et l’entreprise a vu son image ternie par plusieurs épisodes de cybersécurité fâcheux.
Pour certains, le fondeur s’est endormi sur ses lauriers et n’a pas su prendre les virages qui s’imposaient. Meilleur exemple en date AMD. Avec ses gammes Ryzen et Threadripper, ce dernier propose des processeurs offrant le double de cœurs et de threads que les modèles équivalents chez Intel. Même dans l’univers des serveurs AMD a fait un retour foudroyant avec ses processeurs Epyc qui ont, par exemple, été préférés aux processeurs Intel pour 2 des 3 supercalculateurs exaflopiques en cours d’assemblage aux USA. Et, les fabricants de PC s’intéressent de plus en plus à l’offre AMD à l’instar de l’exemple symbolique de Microsoft qui a opté pour des processeurs AMD sur son Surface Laptop 3 15 pouces ou encore, plus symbolique, des rumeurs plus qu’insistantes qui affirment qu’Apple pourrait prochainement lancer des Macbooks à base de processeurs ARM plutôt qu’Intel.

Des failles dans un roc

La découverte des failles Spectre et Meltdown en 2018 a fragilisé l’entreprise et obligé ses ingénieurs à retourner à la table à dessin pour réinventer une partie essentielle du cœur même commun à tous ses processeurs. Depuis la découverte de ces failles, les trouvailles des cyber-chercheurs et hackers n’ont cessé de se multiplier et il ne s’écoule pas un trimestre sans que de nouvelles vulnérabilités ne soient mises à jour dans les processeurs Intel.
La dernière en date s’appelle Curveball et a été dévoilée cette semaine. Elle touche tous les processeurs Intel sortis depuis 5 ans sauf la toute dernière génération de Core i (10th Gen). Et elle permet aux cybercriminels de compromettre les clés de chiffrement et dès lors de dérober des informations pourtant chiffrées. La faille « CVE-2019-0090 », découverte par la NSA, affecte la fonctionnalité CSME (Converged Security & Mangement Engine) des processeurs Intel.
Toutes ces vulnérabilités ont nécessairement un impact dans la conception des futurs processeurs Intel et retardent les évolutions.

Un changement de culture s’impose

Par ailleurs, depuis bientôt deux ans, Intel accumule les retards dans la conception des processeurs 10 nm et dans la mise au point des chaînes de production pour les fabriquer, obligeant le fondeur à prolonger ses cycles de processeurs 14 nm. Pendant ce temps-là, des concurrents comme TSMC sont déjà passés au 7 nm et préparent l’arrivée des processeurs 5 nm.
S’exprimant lors d’une conférence Morgan Stanley cette semaine, George Davis le CFO d’Intel a admis que son entreprise avait pris du retard sur ses concurrents et qu’il lui faudrait au moins deux ans pour le rattraper : « comme nous l’avons exprimé en mai 2019, la génération 10nm ne sera pas le meilleur moment connu par Intel. Elle sera moins productive que la génération 14 nm et même que la génération 22 nm mais nous sommes enthousiastes des progrès récemment réalisés et nous comptons démarrer la période 7nm avec un profil de performance bien meilleur dès la fin 2021 ». Certes, mais TSMC, lui, compte bien basculer en 3 nm dès 2022…
Intel cherche un nouveau souffle. Son nouveau CEO, Robert Swan (officiellement nommé en Janvier 2019 mais CEO intérimaire depuis juin 2018), a rapidement évalué le mal dont souffrait le fondeur. Il a insufflé un changement de culture « One Intel » qui commence à porter ses fruits. Interviewé par le journal américain Times, Robert Swan a dévoilé les trois clés de ce changement de culture : la culture de la transparence (qui permet de révéler les problèmes cachés), la culture du partage d’informations (trop d’anciens managers voient la thésaurisation des informations comme une bonne chose), et la culture de l’agilité (Intel était devenue une société bureaucratique selon son CEO). Typiquement, Robert Swan raconte que depuis sa prise de fonction les réunions commencent par lister les problèmes plutôt que ce qui fonctionne. Et les processus de création s’accélèrent grâce à une meilleure collaboration des différentes équipes.

Bien sûr, ce n’est pas la première fois qu’Intel connaît des « bas ». Chaque fois que cela est arrivé, le fondeur est toujours revenu plus en force et plus dynamique. À la concurrence de se méfier…