Nous avons une histoire particulière avec le papier. Pas les feuilles au format A4 qui sortent de l’imprimante, mais le papier un peu froissé d’avoir été beaucoup lu, qui porte encore la trace de mots intemporels ou l’expression passée d’une âme chère à nos cœurs et qui nous a quittés. De ce papier dont sont faits les rêves, les récits et l’histoire.

Le papier est le support de nos mots aussi bien publics que privés. En 2005, dans la cave d’un avocat suisse, on a retrouvé une riche collection de lettres anciennes.  L’un d’elle était adressée par Napoléon Bonaparte à sa future épouse, Joséphine de Beauharnais, alors qu’ils venaient de se quereller au sujet des préparatifs de leur mariage : « Je le sens bien, si nous avons des disputes ensemble, tu devrais récuser mon cœur… As-tu seulement pensé deux fois à moi ? ». Une autre est de la main de la romancière victorienne, Charlotte Brontë, qui commente une critique négative de son dernier livre : « quand on leur demande de critiquer des œuvres de fiction, ils sont comme un sourd à qui l’on demande d’écouter de la musique ou un aveugle à qui l’on demande son avis sur une peinture. »

Ces papiers nous donnent à vivre ces figures historiques, leurs émotions, leur voix, comme si nous pouvions les entendre ou les toucher. Pourtant, le papier est aussi fragile que sa force évocatrice est puissante ; le risque est grand de l’abîmer, de le perdre, qu’il tombe entre de mauvaises mains. Et bien souvent, on ne ressent la blessure de la perte qu’une fois qu’il est trop tard.

Une récente étude européenne auprès de consommateurs[i] révèle qu’on ne mesure l’importance de certains documents papier qu’après les avoir perdus. C’est le cas des photos d’un premier amour (n°3 dans la liste des regrets, à 12 %) ou de la déclaration d’un(e) ex prétendant(e) (regretté par 7 % des sondés). Aucun ne rivalise avec la tête de liste des papiers que l’on chérit le plus et que l’on garde jalousement : les photos de proches qui nous ont quitté et les manifestations d’affection de personnes que nous fréquentons toujours.

Si le temps et les circonstances influencent ce qui est cher à notre cœur, il apparaît que ce qui compte le plus aujourd’hui ne le sera peut-être plus demain. A nous de conserver nos papiers les plus précieux avec soin, dans un lieu où nous savons qu’ils résisteront au temps et que nous les retrouverons quand nous en aurons besoin.

En tant que professionnels de l’information, nous sommes des spécialistes de la gestion responsable des documents papier, de l’archivage et de la numérisation, ce qui suppose de conserver les archives papier dans des coffres sécurisés, à la température contrôlée et, si possible, de les scanner pour les transformer en dossiers électroniques, faciles à protéger, à consulter et à partager, sans risque pour leur préservation. Nous collaborons avec des organisations afin de numériser des documents anciens importants. Les dernières volontés des soldats de la première guerre mondiale, par exemple, qui ont été mises en ligne récemment. Une fois ces documents scannés, il devient possible pour les descendants et les universitaires d’y faire des recherches et de transformer ces fragments d’histoire disparates en un fonds commun de savoir et de sagesse.

Il est de notre devoir de protéger d’anciens documents papier, rares comme ceux-là, pour les générations futures. Nous pouvons et devons les numériser grâce aux capacités informatiques d’aujourd’hui et les conserver en toute sécurité dans un environnement propice, à l’atmosphère contrôlée, comme c’est le cas des actuels sites de stockage modernes.

Les entreprises ont beaucoup à gagner à suivre la même approche. Beaucoup continuent d’empiler des cartons de dossiers dans des caves humides, des placards bondés ou des classeurs à tiroirs non verrouillés. Pour conserver durablement leur valeur, il faut les en sortir, les classer par catégories et les gérer, autrement dit répertorier leur contenu et pouvoir extraire et valoriser le savoir dont ils regorgent. Une telle approche offre aussi les avantages d’une moindre dépendance au papier, d’un moindre encombrement et d’une plus grande efficacité opérationnelle.

De prime abord, on pourrait penser qu’un fossé sépare le trésor des archives personnelles d’un individu et le programme de gestion des informations d’une multinationale. Les approches ne sont pourtant pas si différentes. Qu’il s’agisse d’un billet doux caché amoureusement dans un carton sous un lit ou d’un tiroir de bureau rempli de vieux papiers, on a tendance instinctivement à garder ce qui nous est cher à portée de main.  Mais souvent cette proximité qui rime avec facilité d’accès se fait au détriment de la sécurité.

Il en va de même pour l’entreprise et/ou ses informations sensibles. La numérisation et l’archivage sur site distant offrent l’avantage de l’accès instantané à l’information, numérisée et délivrée en ligne, ou commandée en ligne pour être livrée rapidement, avec les garanties supplémentaires de sécurité et de gestion.

Il n’est pas nécessairement utile d’aller aussi loin pour ses souvenirs de famille. Les polaroïds des vacances de vos parents dans les années 1970 qui immortalisent si bien l’originalité de leurs coiffures et tenues peuvent bien attendre encore un peu dans leur boîte à chaussures.

 


[i] Iron Mountain et Survey Monkey, novembre 2013.

 

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Marc Delhaie est Président-Directeur Général d’Iron Mountain France