Cette semaine, pour notre rendez-vous l’invité de la semaine d’un format particulier, InformatiqueNews a le plaisir de recevoir Loïc Rousseau, directeur de Zoom en France

 Dans les conditions très particulières et extrêmes que nous vivons, quel est l’élément ou le point qui a retenu votre attention ?

Ce qui m’a le plus frappé, c’est la dichotomie entre la taille du virus et l’impact mondial. Une toute petite chose a confiné la moitié de la population mondiale. Et nous sommes d’ailleurs heureux de pouvoir connecter presque 10% de cette population tous les jours.

Avant de parler des solutions proposées par Zoom, pouvez-vous nous expliquer comment vous avez organisé la vie de l’entreprise ? Après plus d’un mois et demi de confinement et de télétravail, avez-vous déjà tiré des leçons ?

Nous avions reçu des directives pour être confinés déjà deux semaines avant le début effectif du confinement en France. Comme beaucoup d’entreprises, nous n’avions pas de politiques de home office et nous nous y sommes adaptés, comme tout le monde. Nous faisons des meeting tous les matins, des jeux.

Il est à noter que nous sommes devenus beaucoup plus proches malgré la distance. Avec cette dernière, nous recherchons encore plus le contact avec les autres. Lors de nos appels matinaux, nous sommes tous ensemble, ce qui finalement n’était pas le cas en temps normal. Nous avons au final beaucoup plus d’interaction. Il y a finalement plus de contact.

 En quelques mots, Zoom Video Communications a été fondée en 2011 par un ingénieur de Cisco Systems. Elle fournit un service de conférence à distance qui combine la vidéoconférence, les réunions en ligne, le chat et le partage de documents. Le service a commencé en janvier 2013. Avec la crise du Covid-19, le service a explosé et a atteint 300 millions d’utilisateurs. Comment avez-vous fait pour supporter une telle augmentation de charge ?

Nous avons été sensibilisés très tôt à la situation, notamment par nos bureaux de la région Asie-Pacifique qui ont vu en premier la vague arriver. C’est aussi pour cela que Zoom a tout de suite décidé d’ouvrir la limite de 40 minutes pour les écoles dans les pays touchés par la pandémie. Pour anticiper la montée en charge, nous avons ouvert deux data centers et prévu des débords sur AWS. Nous nous efforçons toujours d’avoir le double de capacité disponible que ce qui est utilisé sur la plateforme.

Cette solution a été très critiquée sur les aspects de sa sécurité et du non-respect de la vie privée de ses utilisateurs. Face à ces critiques, vous avez développé en urgence la version 5.0 annoncée le 26 avril dernier. Cette version est-elle principalement une version apportant des correctifs ou apporte-t-elle aussi de nouvelles fonctionnalités ?

Les sujets de sécurité et de respect de la vie privée sont très importants pour Zoom. Nous avons donc voulu réagir très rapidement aux problèmes qu’on nous a remonté. Concrètement, la version 5.0 n’apporte pas seulement des correctifs. Elle apporte tout un ensemble de nouvelles fonctionnalités qui viennent renforcer la sécurité des utilisateurs, notamment la norme de chiffrement 256 GCM. Nous avons aussi revu nos interfaces et mis en place des outils qui viennent faciliter la gestion de la sécurité par les utilisateurs.

Pouvez-vous donner quelques détails sur l’apport de cette nouvelle version sur les failles de sécurité et les problèmes liés à la protection des données personnelles (cf notre article la dure rançon de la gloire ?)

Nous avons fait des ajouts significatifs pour renforcer notre sécurité et protéger la vie privée de nos utilisateurs. On peut citer par exemple l’ajout d’un bouton sécurité facilement accessible et des différentes fonctions qu’il regroupe permettent d’éliminer le risque de meeting bombing. Il y a aussi le chiffrement renforcé pour mieux protéger les données. D’autres initiatives, comme l’augmentation de la complexité des identifiants de réunion, le fait que ces derniers ne soient plus affichés publiquement, le renforcement des mots de passe pour accéder aux enregistrements et aux salles de réunion ou encore la possibilité de choisir par quelles régions du globe transitent les données répondent à bon nombre des critiques qui nous été adressées.

Avec la crise du Covid, l’usage de la vidéoconférence va devenir courant dans le grand public et les entreprises. Mais cela semble susciter beaucoup d’intérêt chez les fournisseurs ? Comment voyez-vous la concurrence dans les mois à venir et quels seront les facteurs différenciants ?

Oui, beaucoup d’acteurs essayent de s’imposer sur ce marché et de prendre leur part du gâteau. Mais les problématiques de ce marché vont au-delà du fait de juste pouvoir mettre en relation 3-4 personnes par la vidéo. Proposer des services efficaces de vidéoconférence et de communications unifiées demande beaucoup d’expertise. Il faut être capable d’offrir un confort d’utilisation optimale pour les entreprises et les particuliers tout en répondant à leurs divers besoins. Zoom existe depuis 10 ans et nous sommes experts dans ces domaines avec Zoom Phone, Zoom Meeting, Zoom Room et les webinaires. Nous avons déjà une certaine avance et nous n’avons pas fini d’essayer d’innover.

Cette évolution vers le tout télétravail n’est pas sans poser de problèmes. Une enquête d’Opinion Way a montré que 44 % des salariés français interrogés se sentent en situation de « détresse psychologique », et un quart d’entre eux est en risque de dépression. Il faudra donc trouver le bon équilibre. Qu’en pensez-vous ?

Sur l’équilibre personnel, évidemment que le tout télétravail pèse sur les équipes. Lors de nos réunions matinales, nous nous sommes rendu compte que nous n’arrivions plus à nous accorder des pauses. Il a fallu que chacun s’astreigne à bloquer des créneaux de pause pour ne pas être complètement décalé. C’est effectivement un exercice compliqué et il va falloir s’adapter en gérant au mieux son temps et se forcer à s’accorder des moments de repos.

Vous visez les secteurs grand public et professionnel alors que les besoins et les attentes sont assez différents. La version grand public sera-t-elle seulement une version dégradée de la version entreprise ?

Zoom est avant tout une solution professionnelle. La version gratuite qui fait l’engouement du grand public depuis le confinement apporte les mêmes fonctionnalités et la même qualité que la version entreprise. Concrètement, les points différenciants sont la limite de temps et de participants, qui est tout de même à 100 utilisateurs pour l’offre basic, donc largement suffisante pour un usage personnel. Évidemment, les versions entreprises ont plus d’outils d’administration et de monitoring qui sont adaptées aux besoins des environnements professionnels.

L’utilisation de vos services est-elle très standard ou peut-elle être mise en œuvre de manière différente ? Pouvez-vous donner des exemples de grands clients français ?

Zoom offre plein de possibilités et pourtant depuis le confinement nous avons été surpris par ce que nos utilisateurs réussissent à faire avec Zoom. Au-delà des désormais classiques Zoom apéros, il y a aussi des concerts comme celui de David Guetta à Miami, on à des mariages, les anniversaires, dont celui de la reine d’Angleterre, etc. J’ai moi-même développé des jeux avec mes amis. Parmi nos clients français, je peux citer Sanofi, Deezer, AFNOR et Havas.