Un grand nombre de voies à explorer pour espérer lever les verrous conceptuels et technologiques. Le CEA entend bien en défricher une.

Un grand nombre de voies de réalisation physique – A base d’atomes froids, d’ions ou d’atomes piégés, de centres NV, de photons, de supraconducteurs, de semi-conducteurs… –  est développé en parallèle. Aucun consensus ni aucun argumentaire robuste n’existe aujourd’hui sur la solution la plus adaptée pour réaliser un ordinateur quantique comprenant plus d’une dizaine de qubits.

Tous les systèmes étudiés jusqu’à présent se sont en effet heurtés aux problèmes de décohérence et de complexité rapidement croissante des dispositifs quand le nombre de qubits augmente. En particulier, le problème de la correction d’erreurs est plus qu’ardu car ses difficultés sont d’ordre à la fois conceptuel et technologique, liant degrés de liberté, interactions, complexité, méthode d’adressage, méthode de mesure, décohérence. A ces questions s’ajoute la vaste problématique de l’algorithmique et de son implémentation pratique dans une architecture donnée (traitement des erreurs, langage de programmation…)

La recherche sur l’informatique au CEA remonte à 2002 en développant un premier circuit électronique pouvant être à la base d’un ordinateur quantique. Le CEA-Leti et l’Institut Nanosciences et cryogénie (Inac, CEA/UGA) ont franchi une étape importante vers la fabrication à grande échelle de boîtes quantiques (qubits), briques élémentaires des futurs processeurs de calcul quantique : le CEA et ses partenaires ont ainsi annoncé en mars dernier la mise au point d’un procédé pour obtenir des galettes de silicium enrichi en silicium 28 qui peuvent servir de support en vue de produire, en série, des milliers de boîtes quantiques. Cette étape permet un procédé utilisant l’isotope silicium 28, compatible avec les chaînes de production industrielles aux normes CMOS. Elle suit la réalisation du premier qubit silicium en technologie industrielle CMOS en 2016.

Ce résultat a été obtenu par un procédé de dépôt chimique en phase vapeur (CVD) sur une plateforme pré-industrielle utilisant des galettes de silicium de diamètre 300 mm, standard largement utilisé sur les lignes de production de masse de l’industrie microélectronique. Le gaz de silicium enrichi en isotope 28 utilisé en CVD a été fourni par l’institut de chimie des substances de haute pureté de l’Académie des sciences de Russie, avec le soutien de la société Air liquide.

Les équipes du CEA poursuivent aussi des recherches dans d’autres domaines, complémentaires et indispensables à l’émergence des technologies de l’ordinateur quantique et de l’ingénierie quantique : l’électronique cryogénique, la nano-implantation contrôlée d’ions dans les matériaux, des sources de photons micro-ondes intriqués et des briques technologiques permettant d’utiliser des photons et des électrons comme systèmes quantiques, des sources électroluminescentes à molécules organiques uniques, des dispositifs spintroniques en régime quantique.

Des applications dans de nombreux domaines

Des programmes de recherche importants sont menés selon trois grandes voies de l’ingénierie quantique qui étudie ce qu’il est possible de réaliser en termes d’application en exploitant les propriétés d’intrication, de non localité et de superposition, propre à un système quantique :

– Les capteurs : une information portée par un qubit est très sensible aux perturbations apportées par son environnement ; c’est une difficulté pour réaliser un ordinateur mais cela peut permettre de construire une sonde très sensible.

– Les ordinateurs de très grande performance : le calcul quantique est intrinsèquement parallèle et permet de traiter en un temps très réduit de grandes quantités d’information, avec des performances inaccessibles au calcul classique pour certaines applications.

– Les télécommunications protégées : Les corrélations quantiques entre des particules intriquées permettent de coder un message garantissant l’absence d’interception lors de sa transmission. Le codage à base de clefs publiques trop difficiles à factoriser par les ordinateurs actuels pourrait être cassé par un ordinateur quantique ayant un nombre suffisant de qubits (de l’ordre du nombre de bits de la clef).

Le calcul massivement parallèle, intrinsèque à l’ordinateur quantique, permet de sonder l’espace des états d’un système comportant de très nombreux paramètres. Cette caractéristique permet déjà d’identifier quatre grands domaines d’application :

– La chimie : simuler, in silico, de manière exacte, la structure et le fonctionnement de grosses molécules d’intérêt pour la pharmacologie ou pour l’agronomie. Avec les plus puissants ordinateurs actuels, même les plus puissants, il est possible de simuler des petites molécules mais il est souvent nécessaire de recourir à de fortes approximations dès que la taille du système étudié augmente.

– Le Data Mining : accélérer la recherche d’une information spécifique dans une vaste base de données ;

– L’optimisation de procédés de l’industrie 4.0 : trouver une solution optimale dans un système complexe multiparamétrique, comme par exemple la tournée la plus rapide d’un camion de livraison ou ajuster l’offre à la demande sur un réseau électrique très décentralisé ;

– L’intelligence artificielle : au cours de la phase d’apprentissage d’un système d’IA, telle qu’une reconnaissance d’images, les informations pourront être simultanément reconnues et non de façon séquentielle comme c’est le cas avec des processeurs classiques (examiner une situation, puis une autre, etc.).