En 2013, Amazon faisait sensation en présentant son projet de livraison à domicile par drone, un sujet tellement affectionné par les médias qu’il refait la Une à chaque nouveau rebondissement. Si le drone de livraison continue de susciter beaucoup d’intérêt, son développement reste limité par les problèmes de sécurité évidents que pose l’intégration de ce type d’« aéronef sans pilote à bord » dans l’espace aérien.

C’est donc, d’une manière générale, dans des domaines et sur des périmètres où des autorisations spécifiques peuvent aisément être délivrées et contrôlées par les autorités que les systèmes de drones à usage professionnel se développent le plus : la surveillance de sites industriels, l’étude et la protection des milieux naturels, la surveillance des cultures, etc.

Le vecteur ne fait pas (toute) la valeur

Au vu de cette énumération, on comprend que le marché du drone civil n’en est qu’à ses débuts et que son développement ne dépend pas tant des aéronefs eux-mêmes et de leur capacité de transport nominale que de l’intelligence des systèmes embarqués. Bien sûr, dans nombre d’applications existantes, la capacité des drones à explorer des zones dangereuses ou difficiles d’accès par voie terrestre est déterminante. Mais fondamentalement, c’est le système embarqué, et non le vecteur « drone », qui génère de la valeur. C’est en effet lui qui permet de capturer l’information utile et d’intégrer cette information dans des chaînes de traitement à valeur ajoutée.

Dans les applications industrielles, les systèmes embarqués se composent le plus souvent d’un ensemble de capteurs, de caméras haute définition et de logiciels. Typiquement, une technologie de reconnaissance d’images ou de détection de mouvements (computer vision), couplée à un algorithme de Machine Learning, permet d’automatiser la lecture et l’analyse des images capturées afin de repérer des anomalies et, le cas échéant, de déclencher une action préventive ou corrective. La valeur des systèmes de drone dans ces applications professionnelles se situe donc à la croisée des chemins entre trois domaines :

  • l’intelligence artificielle (computer vision, Machine Learning) ;
  • les objets connectés (émetteurs au sol et capteurs embarqués) ;
  • la donnée – capturée, puis analysée et comparée à des données de référence à des fins de diagnostic, et enfin réinjectée dans des systèmes opérationnels, ou de prévision ou de simulation.

Le drone s’empare de l’inventaire

Toute entreprise a l’obligation de réaliser au moins un inventaire par an afin d’établir la valeur exacte de ses stocks. Cette disposition du code du commerce oblige les sites d’entreposage à suspendre leur activité pendant plusieurs jours et, si les salariés n’y suffisent pas, à recruter des intérimaires pour établir un état complet des stocks. La possibilité d’utiliser des drones pour réaliser les inventaires est apparue il y a déjà quelques années, d’abord à l’intérieur des entrepôts puis dans les zones de stockage extérieures.

Des solutions presque clé en main existent pour ces cas d’usage. Elles s’appuient sur un ou plusieurs drones autonomes embarquant un lecteur de code-barres ou un détecteur de signal RFID. Cette option, qui suppose que chaque produit stocké soit porteur d’une puce RFID, se justifie aisément pour les biens d’équipement à forte valeur ajoutée, les marchandises sensibles ou dangereuses.

Là où 10 personnes mettaient deux jours pour mener à bien l’inventaire d’un entrepôt de 10 000 références, le drone autonome réalise l’opération en 3 ou 4 heures, sans interrompre les opérations courantes. Le gain de temps est important et l’inventaire y gagne en fiabilité.

Cela permet également d’augmenter la fréquence des inventaires, ce qui se traduit par :

  • une maîtrise accrue des stocks et de leur valeur ;
  • une connaissance fine des vitesses de rotation améliorant la planification de la production ou des approvisionnements et les prévisions de délais de livraison ;
  • une optimisation des espaces de stockage, grâce à une meilleure connaissance des mouvements d’entrée/sortie.

Les secteurs qui se sont emparés de ces nouvelles approches sont principalement le e-commerce, dont on connaît les entrepôts géants et les contraintes de réactivité, et l’automobile qui résout ainsi ses problématiques d’inventaire de véhicules parqués, en attente d’acheminement, sur des zones de plusieurs hectares.

Le drone à la conquête des zones portuaires

Les zones portuaires sont des espaces gigantesques où le suivi et la localisation exacte des marchandises revêtent une importance capitale. Les drones commencent à être utilisés sur ces sites non seulement pour localiser des conteneurs ou des objets unitaires, mais aussi pour s’assurer des conditions d’entreposage et de l’état de la marchandise.

Repérer un conteneur donné au milieu de dizaines de milliers d’autres empilés sur plusieurs étages n’est pas une mince affaire. Pour ce cas d’usage, un dispositif RFID à puces actives sera plus efficace qu’un système de lecture optique qui obligerait le drone à lire le marquage ou les plaques d’identification de tous les conteneurs pour trouver celui qu’il cherche.

L’autre domaine d’application des drones en zone portuaire, ou toute grande infrastructure logistique, concerne le suivi de l’état de la marchandise et la maintenance des conteneurs. Dans un cas comme dans l’autre, la reconnaissance visuelle et le Machine Learning y jouent un rôle central. Un système de drone peut non seulement identifier une unité de stockage, une automobile ou tout autre bien équipé d’un tag, mais aussi réaliser un état des lieux. L’exploration d’un conteneur par un drone permet, par exemple, de vérifier le bon état des parois intérieures et extérieures, des systèmes de fermeture ainsi que la lisibilité du marquage.  Pour un fournisseur gérant des milliers de conteneurs, ces inspections par drone sont un précieux gain de temps et accélèrent les décisions de retrait des matériels endommagés ainsi que les opérations de remise en état.

Quel retour sur investissement ?

Dans les cas d’usage qui viennent d’être décrits, le drone se révèle être une solution techniquement facile à mettre en œuvre et relativement peu coûteuse en termes d’investissement.

Si la relative nouveauté des systèmes de drone peut faire hésiter certains acteurs, les déploiements existants prouvent non seulement que les technologies sont matures, mais aussi que le retour sur investissement est rapide.

Les gains de temps et de précision, ainsi que les économies de personnel, apportés par ces solutions à base de drones sont des bénéfices immédiats pour les opérateurs logistiques et les exploitants d’entrepôts. La facilité d’interconnexion avec des applications métiers et des systèmes d’information tiers se traduit, quant à elle, par la possibilité d’automatiser des chaînes de traitement et de partager plus rapidement des informations à forte valeur ajoutée avec les autres acteurs de la chaîne logistique. Le drone est un outil de l’efficacité opérationnelle et contribue à rendre les processus métiers plus robustes.

Dans un monde où la logistique est devenue une fonction vitale, comme on a pu le vérifier lors de la crise sanitaire de la Covid-19, mais où les marges des différents acteurs de la supply chain sont de plus en plus serrées et les prix constamment tirés vers le bas, le drone est une solution à prendre en considération et à étudier sérieusement pour tous ceux qui veulent accroître leur efficacité opérationnelle et se démarquer par leur qualité de service.
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Par Steeve Delor, Head of Supply Chain & Operational Excellence, Keyrus Management