Pourriez-vous passer votre journée à enseigner à une machine à mieux faire son travail ?
Dans un futur où l’automatisation est amenée à se développer, avec plusieurs péta-octets de données à traduire en informations exploitables, le rôle de l’homme et celui de la machine vont devenir de plus en plus distincts. Celui qui se dessine pour les hommes sera d’améliorer les systèmes d’apprentissage automatique.
Avec l’aide des humains, l’apprentissage automatique annonce la fin de la programmation informatique telle que nous la connaissons. À l’heure actuelle, les programmes informatiques servent à automatiser les actions. Mais, pour modifier le comportement desdits programmes, la présence d’un ingénieur logiciel est requise. Grâce à l’apprentissage machine, le comportement du programme s’améliore automatiquement, l’homme l’aidant à distinguer les bonnes actions des mauvaises.
Apprendre grâce au big data
Depuis l’époque de Turing, les scientifiques s’intéressent à la manière dont les ordinateurs peuvent se perfectionner au fil du temps. Ainsi est née l’idée d’apprentissage automatique, qui a introduit à son tour le concept d’intelligence artificielle. Un temps oublié, ce sujet connaît depuis quelques années un regain d’intérêt important auprès de la communauté scientifique.
Longtemps délaissée, l’étude des réseaux neuronaux est actuellement remise au goût du jour par des chercheurs tels qu’Andrew Ng (Google), qui a récemment développé des réseaux neuronaux artificiels à grande échelle en s’appuyant sur l’infrastructure informatique distribuée de Google. Ces réseaux ont été conditionnés pour identifier des concepts particulièrement complexes comme par exemple apprendre à reconnaitre des chats, uniquement en « regardant » des vidéos YouTube. En outre, l’étude des algorithmes d’apprentissage profond qui ont aidé Facebook à exécuter des tâches telles que l’indexation automatique des photos téléchargées, a retrouvé la faveur des plus prestigieux laboratoires de la planète.
Ce retour en grâce s’explique notamment par la montée en puissance du Big Data. Alors que les entreprises sont amenées à traiter des volumes exponentiels d’informations, organisées le plus souvent de façon anarchique, les humains ont compris tout l’intérêt de confier ces données à des machines capables de leur donner un sens et de les exploiter à une vitesse tout bonnement inimaginable.
L’objectif est d’aider les entreprises à anticiper les évolutions et les besoins des clients. Les possibilités d’amélioration offertes en termes d’efficacité et d’expérience client sont tout simplement ahurissantes et induisent que l’essor de l’apprentissage automatique n’en est qu’à ses prémices.
L’apprentissage automatique dans le monde d’aujourd’hui
Les bénéfices de l’apprentissage automatique sont évidents, notamment dans le domaine de la relation client. La technologie d’agent virtuel – développée par WDS, une filiale Xerox – est désormais en mesure d’apprendre à partir d’interactions en ligne et en temps réel avec des clients, de diagnostiquer ainsi des problèmes et de proposer les solutions adéquates. Mais pour l’heure, les machines présentent généralement des lacunes en termes de raisonnement sémantique et ont des difficultés à détecter des critères tels que l’émotion dans le langage. Facteur déterminant dans l’interaction entre l’être humain et la machine, la gestion du dialogue sera principalement fondée sur l’apprentissage auprès d’êtres humains, de manière à rendre possible une véritable conversation.
Au fur et à mesure de cet apprentissage, la machine devrait être capable de prendre en charge la plupart des appels. Les opérateurs feront office de formateurs, leurs corrections permanentes permettant d’améliorer les performances de la machine. Ils resteront néanmoins en contact direct avec les clients pour les problématiques plus complexes nécessitant une expertise humaine.
Le formateur aura l’impression de travailler avec un animal domestique. Les résultats sont instantanés et il récoltera ainsi immédiatement les fruits de son travail.
Le rôle de l’humain
Ces exemples montrent clairement que la production des algorithmes animant nos programmes informatiques au quotidien sera de plus en plus automatisée.
L’apprentissage automatique s’apprête à révolutionner et à démocratiser la programmation informatique traditionnelle. Plus besoin de demander aux programmeurs d’effectuer des changements et des mises à jour ! Les machines seront parfaitement capables de le faire elles-mêmes à partir de ce qu’elles auront appris.
Quelles seront les conséquences de cette évolution ? Très positives selon moi, notamment dans le cadre de ma profession.
Prenons l’exemple de la technologie d’agent virtuel dans le domaine de la relation client. Les consommateurs peuvent désormais être mis en relation avec des services d’assistance qui connaissent et anticipent leurs besoins. Ces agents virtuels sont proactifs : ils savent à quel moment s’adresser à l’utilisateur si un problème surgit et peuvent adapter leur discours selon le niveau de compétence et la personnalité de l’interlocuteur.
Si les machines étaient capables d’appliquer l’apprentissage automatique au domaine de la programmation, cela conduirait à une automatisation totale de ce dernier. Dès lors, il nous suffirait de communiquer nos nouvelles idées à la machine pour les voir prendre forme automatiquement.
La programmation automatisée ferait tomber toutes les barrières techniques en termes d’innovation, démocratisant du même coup la création de nouveaux logiciels. Cela ne remplacerait pas pour autant l’intervention humaine, mais offrirait au contraire la capacité d’aller plus loin.
Pour comprendre les problèmes, les programmes automatisés s’appuieront toujours sur l’analyse des données, supervisée par les hommes. Avec une telle masse d’information à portée de main, les machines sont conçues pour résoudre pratiquement n’importe quelle équation – tout dépendra bien entendu des données qui leur sont fournies.
Concevoir des agents virtuels pour répondre aux besoins du quotidien contribue à un nouveau modèle économique. Et ceux qui ont désormais le vent en poupe s’appuient de plus en plus sur des services externalisés, assurés ou non, par des agents virtuels automatisés.
L’essentiel réside dans l’impact produit sur l’individu ciblé.
Plus que jamais, nous aurons tous un rôle à jouer pour aider les chercheurs à créer des technologies capables de combler, voire de dépasser nos attentes.
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Guillaume Bouchard est Senior Scientist, Xerox Research Center Europe