La collecte et le stockage en masse de données, qualifiées de nouvel or noir, est devenue un enjeu majeur. La data – ainsi que la capacité à la gérer, l’exploiter, la rendre accessible – serait désormais la clef de voute de la performance. A condition qu’elle soit le double numérique fidèle du monde réel. Alors, elle remplira pleinement sa fonction : servir les objectifs business de l’entreprise.
Pour tirer parti de ce gisement que constitue la data, de nouvelles fonctions se sont créées, aux premiers rangs desquelles celle de CDO (Chief Data Officer) ou Directeur des données. Certains ont cru à une mode, une fonction éphémère. Mais force est de constater que le profil trouve une place durable dans les organigrammes. C’est ce que révélait déjà une étude menée par PwC en 2017. Le cabinet avait identifié que près de 20% des 2 500 plus grandes entreprises au monde, quelle que soit leur taille, avaient nommé un responsable, généralement un CDO, pour orchestrer leur transformation digitale. Soit trois fois plus qu’en 2016. Le Gartner prévoit pour sa part qu’en 2019, 90% des grandes entreprises auront recruté un tel profil.
Parmi leurs responsabilités, les Chief Data Officer et autres data spécialistes doivent assurer la gouvernance d’une matière numérique en croissance exponentielle. Les chiffres donnent la dimension du phénomène : selon IDC, d’ici à 2025, 163 zettaoctets (zo) de données seront créés, dont 60 % par les entreprises. Et le volume pourrait dépasser le seuil des 2 000 zo à l’horizon 2035. Cela signifie que dans les six années à venir, nous produirons trois fois plus de données que ce que nous stockons actuellement.
Si le volume explose, c’est parce qu’avec la révolution digitale en marche, nous vivons une mise en données généralisée. On digitalise des produits et des services mais aussi les processus qui permettent de les créer et de les commercialiser. La donnée joue un rôle fondamental car elle est au cœur de l’optimisation de ces processus physiques. Elle lui est indispensable, comme l’eau l’est à la vie. C’est elle qui doit permettre de passer du monde virtuel au monde réel pour acheter, fabriquer, prévoir, planifier, contrôler la qualité, livrer, … avec le plus d’effectivité possible. La donnée est à la fois la représentation de la réalité et le support de l’exécution de l’activité de l’entreprise.
D’où le lien crucial qui existe entre la donnée (information virtuelle) et la réalisation. Une donnée de mauvaise qualité – ancienne, non vérifiée, corrompue, incomplète – a en effet toutes les chances de conduire à une mauvaise exécution. Et, une erreur en entraînant une autre, un mauvais enregistrement de transaction conduira à d’autre mauvaises opérations (réassorts, comptabilité …) et pourra perturber l’ensemble du fonctionnement de l’entreprise.
Pourquoi un tel effet de propagation ? Parce que la digitalisation s’accompagne d’un changement fondamental de paradigme : alors que les comptabilités ont pendant longtemps reflété à elles seules – ou quasiment – le fonctionnement de l’entreprise, elles ne sont plus aujourd’hui que des sous-ensembles de réservoirs de données beaucoup plus vastes. A ce nouveau niveau d’échelle, une donnée de mauvaise qualité peut avoir des conséquences dommageables pour l’entreprise tout entière. Tout comme une eau de mauvaise qualité peut provoquer des maladies.
Le coût à supporter peut être considérable. Ainsi, tel laboratoire spécialisé en traitements des allergies, devenu incapable, à cause d’un problème de système d’information, d’adresser le bon produit à la bonne personne. Un problème manifeste de données s’est transformé en crise sanitaire. L’entreprise a été contrainte de mettre l’une de ses unités de production à l’arrêt pendant trois mois et a vu ses bénéfices s’écrouler.
Gérer les données comme un produit
A son poste, le CDO va appréhender et gérer la donnée comme un Directeur des approvisionnements a mission de le faire pour les matières premières et les produits achetés par l’entreprise. Avec la même préoccupation qualité.
Et pour que ce lien entre la donnée et l’exécution soit efficace, il doit faire en sorte – à des conditions de coût acceptables et supportables – que soient respectées les conditions suivantes :
Accessibilité : la donnée doit être accessible – de manière sécurisée – par ses utilisateurs : cela signifie qu’ils savent où la trouver, comment l’utiliser ou la manipuler.
Qualité de la donnée à l’entrée : en tant que matière première, la donnée doit être traitée comme telle. Testée dans sa forme et son contenu, elle doit répondre à des critères exigeants de respect de normes.
Conservation et maintenance : tout comme un produit frais, elle doit être conservée dans des réceptacles adaptés dont les conditions de fonctionnement et de sécurité sont vérifiées et vérifiables.
Traçabilité : la donnée doit pouvoir être modifiée et l’on doit savoir ce qui est modifié.
Surveillance : la gestion des données tout au long de leur cycle de vie nécessite de garantir le respect de la réglementation et la transparence imposées par la loi (CNIL, RGPD).
Utilité et pertinence : la gestion des données a un coût et toutes n’ont pas vocation à être conservées.
Prospective : gérer ses données, c’est aussi faire de la prospective en intégrant la nécessité de saisie d’informations nouvelles. Ainsi, la livraison par drone, déjà une réalité dans certains pays, demandera de renseigner avec précision des coordonnées comme l’aire d’atterrissage (jardin, toit d’un immeuble …).
Sécurité : Comme pour tout produit sensible, l’accès à la donnée doit faire l’objet d’une surveillance et être restreint aux personnes qui en ont besoin.
Si l’entreprise veut gérer efficacement ce précieux capital numérique, l’écosystème de gestion de ses données s’appuiera sur trois catégories de systèmes :
- Les outils de traitement des données, qui viennent en support des opérations (transactions courantes, commandes, …) de type ERP.
- Les systèmes de stockage de type datalakes (lacs de données) utilisés par le big data et qui ont vocation à stocker des données sur une plus longue période. Ils viennent en complément de datamarts ou de datawarehouses.
- Les outils de gestion de données qui permettent de contrôler les données, en amont de l’alimentation ou a posteriori, mais aussi de les extraire, de les enrichir et de les réinjecter dans les systèmes.
La cohérence et la performance de cet écosystème est la condition sine qua none de la capacité de l’entreprise à réussir, d’abord sa transition digitale, puis son évolution dans le monde numérique. Face aux contraintes que peuvent engendrer des ERP chargés de gérer la diversité des conditions rencontrées par l’entreprise (législations, mouvements de marchés, usages…), celle-ci y gagnera à disposer d’outils de transition qui éviteront la multiplication de développements spécifiques et de dérogations, tout en permettant la fluidité de traitements attendue.
Devenir une entreprise data-driven est bel et bien une nécessité pour créer de la valeur. Mais les gains liés à la digitalisation ne seront véritablement acquis que si l’entreprise réussit également l’étape d’après : l’intégration du virtuel dans le réel.
Par David Coerchon chez Winshuttle France