Les entreprises – quels que soit leur taille économique et leur secteur d’activité – subissent des cyberattaques ciblées qui visent leurs actifs stratégiques pour des pertes s’élevant à plusieurs millions de dollars. Au-delà des offres technologiques de sécurité et des discours méthodologiques qui fleurissent sur le marché, une véritable politique organisationnelle formée et informée face aux dangers doit être développée dans l’entreprise. Quel rôle pour les RH ?
Le cybercrime est un phénomène complexe intégrant en son sein un spectre très large de méthodes, de cibles et de motivations. On assiste de moins en moins aux actions de l’hacker isolé uniquement motivé par la mise en lumière de ses exploits ou à celles de l’hacktiviste politique développant des attaques à des fins de sabotage. Le cybercrime est aujourd’hui de plus en plus organisé. Appâté par des gains financiers directs, il met en œuvre ses exactions via des mécaniques sophistiquées comme le spear fishing, l’ingénierie sociale ou encore les menaces furtives APT (Advanced Persistent Threats) au travers d’attaques ciblées, de grande envergure et de plus en plus dévastatrices. Et comme l’a dévoilé la retentissante affaire Edward Snowden aux Etats-Unis, les cyber armées misent en branle par les gouvernements à des fins de renseignement ou d’espionnage industriel sont également très actives.
Un contexte technologique propice aux failles mais pas uniquement …
Si les attaques cybercriminelles réussissent aujourd’hui c’est que les évolutions technologiques majeures comme le Cloud, le BYOD ou encore les objets connectés… – en augmentant de manière exponentielle les données disponibles au niveau mondial – ont ouvert et donc fragilisé, le réseau de l’entreprise. Ce contexte de démultiplication des périphériques, des utilisateurs et des usages génère des failles et des vulnérabilités, largement exploitées par les cyber assaillants. Mais même si leur impact est bel et bien réel, les transformations technologiques ne sont pas les seules au banc des accusés. En 2015, selon un rapport de sécurité Check Point, 81% des entreprises ont subi des fuites de données causées par des négligences humaines. L’humain, ce « maillon faible » est un élément clé de toute stratégie cyber défense même s’il n’est toujours pas appréhendé sérieusement par les entreprises. Et c’est là que les RH ont leur carte à jouer.
Le rôle déterminant des RH : transformer l’humain en un atout pour la sécurité de l’entreprise
Redoublant d’ingéniosité pour arriver à leurs fins, les cyber assaillants mettent en œuvre des attaques d’ingénierie sociale et d’hameçonnage qui exploitent les faiblesses humaines (vanité, reconnaissance, ignorance, gentillesse…) avec pour finalité le vol de données sensibles, le gain direct ou encore l’espionnage industriel. Ces attaques sont très difficiles à détecter par les entreprises car elles ne sont pas identifiées par leurs barrages technologiques et peuvent même passer inaperçues aux yeux de leurs victimes ! Pour déjouer les manœuvres des cybercriminels, une culture « sécurité » portée par les RH doit être mise en œuvre pour sensibiliser et responsabiliser les employés de l’entreprise, à chaque couche fonctionnelle et dans le cadre d’une véritable démarche collaborative. Comment ?
1/ En assumant la responsabilité des risques de sécurité posés par les collaborateurs de l’entreprise. La grande majorité des employés ne se sent pas vraiment concernée par les problématiques de sécurité de leur entreprise. Elle les considère comme seule responsabilité du département informatique et cette attitude rend les entreprises bien trop vulnérables. Une politique de sécurité interne ne sera efficace que si elle est comprise et intégrée par les collaborateurs via un véritable état d’esprit associé à une somme de comportements quotidiens. Les RH doivent mener des politiques de sensibilisation actives, sur la durée, portant sur les dangers, les techniques employées par les cyber délinquants et l’impact comportemental des employés sur la sécurité de l’entreprise.
2/ En identifiant le personnel vulnérable. Un des risques majeurs en matière de sécurité est l’accès des employés aux données sensibles de l’entreprise. Dans le cas du piratage de Sony Pictures, les experts ont évoqué l’implication d’un ou de plusieurs ex-employés du Groupe dont l’accès toujours actif au réseau a permis le vol d’informations critiques. En outre, les cybercriminels ont besoin du support de collaborateurs ou de partenaires de l’entreprise qui vont les aider volontairement ou non à arriver à leur fins. Ils utilisent ainsi les réseaux sociaux pour identifier leur cible/victime potentielle, celle qui aura une prédisposition à briser les systèmes de sécurité de l’entreprise, sera démotivée ou en désaccord avec sa hiérarchie. Au cœur de ces informations, les RH doivent ainsi redoubler de vigilance vis-à-vis de ressources à risques ou plus exposées comme les nouveaux arrivants, les employés sur le départ, des fonctions spécifiques (accueil/helpdesk, secrétariats, …) ou stratégiques tels que les directeurs financiers …
3/ En sensibilisant la Direction Générale. La mise en place d’une culture de la sécurité au sein de l’entreprise doit bénéficier du support du top management. Or les Directions Générales ne sont pas encore forcément sensibles à la mise en place de ces programmes de formations, orientant leurs investissements sécuritaires plutôt vers des dispositifs technologiques. Messieurs les Directeurs, comme l’a si justement souligné Derek Bok, Président de la prestigieuse université d’Harvard « Si vous pensez que l’éducation est chère, alors tentez l’ignorance » ! Il est aujourd’hui impératif pour les entreprises de mettre en place une vraie stratégie de sécurité basée sur une mobilisation interne transverse associant les métiers, le comité de direction, les RH et le RSSI.
Le cybercrime est bien réel, organisé, déterminé et atteint son but même pour les plus grandes organisations internationales aux murailles technologiques dites « infranchissables ». C’est aux entreprises maintenant de penser et de développer une organisation de sécurité en miroir, dotée d’un niveau de maturité technique et organisationnel tout aussi élevé que celui de leurs cybers assaillants. La sensibilisation de l’humain, clé de voute d’une bonne stratégie de cyberdéfense ne doit pas être négligée et les RH devront vite s’emparer du sujet avant que l’ennemi ne soit dans la place !
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Emmanuel Stanislas est fondateur du cabinet de recrutement Clémentine