Dans un rapport réalisé et récemment publié par Cap Gemini sur l’utilisation de l’IA dans l’Automobile, il apparait que les constructeurs et les équipementiers ont ralenti leurs efforts et leurs investissements en matière d’Intelligence Artificielle.
La semaine dernière au salon automobile de Genève, Carlos Tavares, Président du directoire du constructeur automobile Français PSA indiquait que le groupe abandonnait purement et simplement les développements liés à la voiture autonome au-delà du niveau 3, pour les véhicules destinés aux particuliers. Coup de frein donc sur la voiture capable de prendre elle-même des décisions de sécurité ou encore de se déplacer sans conducteur (niveau 4 et 5). Ce coup d’arrêt après le CES 2019 de Las Vegas semble à priori plutôt surprenant alors que tout le monde semblait s’accorder sur un avenir radieux et presque immédiat de la voiture sans chauffeur. La raison invoquée par le patron de Peugeot est un problème de coût : « Compte tenu du coût additionnel de la technologie, le coût de la voiture devient tel que celui qui peut se la payer n’est de toutes les façons pas derrière le volant, mais plutôt sur la banquette arrière… »
1 seul constructeur ou équipementier sur 10 utilise l’IA à grande échelle aujourd’hui
Mais cette semaine, Le Cap Gemini Research Institute présentait les résultats d’une recherche effectuée en décembre 2018-janvier 2019 auprès de 500 constructeurs et équipementiers dans le monde entier qui semble confirmer ce fléchissement de la tendance poussant à une certaine reprise en main des investissements, plus particulièrement ceux qui tournent autour de l’Intelligence Artificielle, c’est-à-dire la plupart des développements autour de l’autonomie. L’IA pour Cap Gemini, c’est toutes les capacités des systèmes d’apprentissages qui sont perçus par les humains comme représentant l’intelligence. Y sont inclus la parole, la reconnaissance d’image et de video, les objets autonomes (IoT), le traitement du langage naturel, les agents conversationnels (chatbots), les modèle prescriptifs, la créativité augmentée, l’automation intelligente, la simulation et enfin les analytics et les prévisions complexes.
Etat des implémentations de l’IA dans les organisations automobiles.
Leur nombre a augmenté de façon marginale
Résistance à la transformation, manque de fiabilité des données d’apprentissage
Première constatation de l’Etude, peu de constructeurs ont réellement déployé des systèmes d’IA sur une grande échelle au cours de ces deux dernières années. Ils étaient 7% en 2017, ils sont maintenant 10% à la fin de 2018, c’est-à-dire 1 acteur sur 10 (constructeur ou équipementier), alors que les nombres d’implémentations sélectives et de pilotes ont baissé de façon assez significative, et que le nombre de sociétés qui n’utilisent pas du tout l’IA a augmenté. Les raisons principalement invoquées seraient liées à au manque de sensibilisation aux nouveaux outils d’IA, de compétences pour les utiliser, et aussi aux difficultés d’intégration des technologies IA dans les systèmes de traitement de l’information existants qui ont du mal à se parler entre eux. Est aussi mentionné le manque de précision et de fiabilité des données utilisées pour les systèmes d’apprentissage. Une autre raison est la difficulté de trouver de bons cas d’usage à grande échelle pour prouver les bénéfices et retours sur investissement des pilotes dans l’environnement d’hyper buzz qui règne depuis quelques années.
Les Etats Unis toujours en tête, L’Angleterre et l’Allemagne viennent devant la Chine
Au niveau régional, les Etats Unis continuent de développer l’IA à grande échelle dans l’automobile à un rythme soutenu, passant de 18% en 2017 à 25% des constructeurs aujourd’hui. L’Angleterre a fortement progressé de 9 à 14% alors que l’Allemagne, en 3ème position, a peu augmenté de 11 à 12%. En revanche, la Chine passe de 5 à 9% devant la France, assez frileuse, passant de 6 à 8%. En France, près de la moitié des organisations automobiles (49%) n’utilisent pas du tout l’IA. L’étude mentionne le Dr Kai-Fu Lee, ancien président de Google China et auteur du livre « AI Superpowers, China, Silicon Valley and the New World Order » qui précise : « Je pense que la Chine sera aussi forte que les US. Il y a beaucoup de cas d’utilisation de l’IA en Chine qui pourraient inspirer les organisations américaines. » La Chine, pour accélérer ses développements, utilise une approche de plateforme ouverte à l’opposé des approches propriétaires des autres constructeurs. Par exemple, la plateforme ouverte Apollo de Baidu a déjà été adoptées par 130 OEM, fournisseurs et fabricants de puces. Didi, l’équivalent Chinois de Uber, offre à ses clients un système de réalité augmentée qui leur permet de se repérer dans les aéroports, gares, centre’ commerciaux et facilite la prise en charge.
Les usages de l’IA sont encore très centrés sur la mobilité et moins sur l’expérience du conducteur
Les implémentations à grande échelle de l’IA restent encore assez concentrées sur les services mobiles (22%). L’étude cite Michelin avec son système de contrôle des pneus basé sur des analytics qui permettent de connaitre la performance des pneus en temps réel et de prévoir les problèmes. Mercedes a aussi mis au point un système de livraison au dernier kilomètre qui réduit le temps de chargement des camionnettes de 15%. Viennent ensuite les déploiements à grande échelle de l’IA pour les systèmes d’information (13%), pour la fabrication et les opérations (12%) et la R&D( 10%) où General Motors a effectué plusieurs déploiements comme un système de maintenance prédictive sur 7000 robots pour détecter les composants défectueux. Il a aussi mis en place un système de machine learning pour l’aide au design de produits plus économiques. Continental, à travers sa société de logiciel Elektrobit a conçu un système de simulation modulaire scalable pour ADAS (Advanced Drivers Aided System) qui peut générer 5000 km de données virtuelles de test par heure contre 6500 miles par mois avec des tests physiques. Les déploiements de l’IA à grande échelle centrés sur l’expérience du conducteur ou du passager sont seulement à 8% et les
Les déploiements en grande échelle de l’IA pourraient avoir des résultats positifs sur les constructeurs
Une simulation effectuée par l’équipe du Capgemini Research Institute, portant sur l’un des 50 premiers constructeurs au monde pris comme profil type, montre que l’IA mise en œuvre à grande échelle pourrait générer une augmentation de son bénéfice opérationnel de 5% à 16% à revenu égal selon que la prévision est conservatrice ou optimiste. L’étude a analysé 45 cas d’utilisations de l’IA dans différentes fonctions, de la R&D à l’expérience utilisateur pour repérer les endroits où l’IA aurait le plus d’impact. Les résultats trouvés, croisés avec la complexité des implémentations à grande échelle, font apparaitre un plus grand impact dans la R&D et les opérations qui permettent d’accélérer les développements par exemple grâce à la simulation, le prototypage virtuel de nouveaux modèles, la maintenance prédictive, l’analyse en temps réel des modèles en vue de prochaines améliorations, etc.
L’IA crée des emplois plutôt qu’elle n’en supprime…
Dans le secteur automobile, l’IA est pourtant perçue de façon positive. En effet 82% des responsables interrogés pensent que l’IA ne remplace pas d’emplois déjà existants dans l’entreprise, et ce chiffre continue d’augmenter. D’autres part 100% d’entre eux pensent aujourd’hui qu’elle crée de nouveaux emplois, contre 84% en 2017. Dr Martin Hofmann, CIO de VW Group explique : « L’IA doit toujours aider les humains d’une manière significative. Les robots intelligents apprendront à s’optimiser eux-mêmes mais supporteront toujours l’être humain. Dans nos ateliers de carrosserie, nous avons un haut degré d’automation par robots, mais maintenant nous parlons d’utiliser la collaboration des humains et des robots pour l’assemblage de composants critiques. C’est une vraie collaboration. » A noter : parmi les plus grands investisseurs au monde en R&D, Volkswagen était en deuxième place derrière Amazon en 2017.