Réalisme et pragmatisme, ce sont les sentiments exprimés par les DSI qui intervenaient à la présentation du baromètre CIO 2015 du cabinet CSC.

Le rôle du DSI au sein de l’entreprise et par rapport à l’évolution et la gestion des investissements IT au sein de la DSI, tels étaient les deux thèmes débattus par les DSI (voir encadrés ci-dessous) à l’occasion de la présentation de ce baromètre 2015. Les DSI sont-ils des innovateurs de rupture ? Ils le souhaitent si l’on en juge par les différentes interventions mais ils n’ont pas toujours les moyens, le temps, les équipes… L’arbitrage entre faire tourner l’infrastructure et lancer des projets innovants est vieille comme l’informatique sauf qu’aujourd’hui les technologies disponibles permettent de faire beaucoup plus de choses. D’ailleurs, beaucoup d’innovations récentes, qui sont celles liés aux usages ont tenu à rappeler les DSI, ne viennent pas des entreprises existantes mais ne nouveaux acteurs : Netflix, Airbnb, Uber et bien d’autres. Sur ce point, il faut lire la très intéressante série d’articles en cours de publication par Olivier Ezratty, consultant et investisseur : Comme éviter de se faire Uberiser : 1 ; Comme éviter de se faire Uberiser : 2).

« Il ne s’agit plus de rationaliser les processus opérationnels, explique Jean-Paul Mazoyer, directeur industriel et informatique du groupe de Crédit Agricole SA, mais de les réinventer. Dans cet objectif, les DSI sont les plus compétents pour aider les décisionnaires à comprendre les possibilités offertes par les dernières technologies. Nous devons devenir les promoteurs de l’innovation ». Oui mais tout cela ne peut être réalisé hors sol et il faut tenir compte des contraintes, notamment budgétaires : plus d’un DSI sur deux considèrent que ces contraintes sont un obstacle à l’innovation (74 % dans le secteur public et 69 % dans la santé).

Trois chiffres sont à retenir de ce baromètre 2015 : 97 % des DSI interrogés considère que la modernisation des applications est un chantier prioritaire, 64 % indiquent que les budgets sont en hausse (le panel des DSI présent à la conférence CSC n’était donc pas représentatif) et 28 % seulement considèrent la relation entre l’informatique et les métiers comme un partenariat collaboratif. Inversement, 39 % pensent que la DSI est toujours considérée comme un centre de coût. Il y a encore du chemin à parcourir.

 

L’évolution du rôle du DSI : ils ont dit

George EpinetteGroupement des MousquetairesCSC1 Rapprochement DSI – métier ? Je milite dans ce sens depuis longtemps mais dans un rapport d’équivalence et non un rapport de force. Dans cette transformation, les DG sont un peu paumées. Il est donc important de leur démontrer la valeur des projets. Cela s’effectue en deux étapes : décider d’aller dans le numérique, identifier là où on va pouvoir créer de la valeur et pas lancer des projets inutiles. Par exemple, créer un app store qui ne sert à rien. Nous avons 40 ans pour ne plus être considérés comme des « poules de luxe ».On retombe aujourd’hui dans la problématique de création de valeur. Il nous faut définir de nouveaux indicateurs qui légitiment cette logique d’innovation.
Dominique PelletierCaceis
CSC2
Le rôle du DSI change-t-il ? Pas vraiment ! Il faut faire mieux, plus vite et moins cher. Mais cela nous oblige à nous concentrer sur les vraies innovations, celles qui créent de nouveaux usages. Apple et Google sont deux bons exemples. Mais c’est assez difficile avec les équipes en place car c’est une nouvelle façon de faire de l’informatique. Les personnes spécialisées dans les environnements mainframes ont quelques difficultés à s’adapter aux environnements mobiles
Jean-Charles HardouinArkema
CSC3
La DSI est-elle un partenaire des métiers ? Non répond d’emblée Jean-Claude Hardouin et les fondamentaux sont toujours là. Bien sûr, il faut innover mais faut aussi une culture qui soit adaptée. Chez Arkema, l’innovation est dans l’ADN de l’entreprise mais elle est en priorité dans les produits et les procédés (La Direction de la R&D a mis en place une structure originale : l’incubateur dont le rôle est d’identifier des produits à fort potentiel et de les amener à maturité – NDLR). Bien sûr, la DSI participe à l’innovation par exemple en lançant des concours internes. Cela n’empêche pas d’avoir de bons rapports avec les métiers. Le problème est un problème de temps et il n’est pas facile de mobiliser les métiers. Un directeur d’usine par exemple a des contraintes énormes. Il faut donc leur proposer des innovations qui leur apportent vraiment de la valeur.
Fabrice Benaut
Finaliste du prix DSI européen
CSC4
Les DSI et l’innovation : l’œuf ou la poule ? Pro-actif ou Réactif ? Il y a sans doute un peu des deux mais il y une véritable opportunité. Le numérique est un accélérateur d’innovation qui redonne la main au DSI. Pour saisir cette opportunité, il faut travailler en mode collaboratif. Il faut oublier un peu l’organigramme de l’entreprise et se concentrer sur les projets. Dans cette évolution, la technologie n’est qu’une conséquence. Mais attention, le neuf n’est que du vieux recyclé. Quelle différence entre un service 3615 disponible sur Minitel et un app sur un iPhone ?
Pierre Bruno
CSC
CSC5
Le DSI et l’innovation ? Personne n’a le monopole du leadership. Pour être partie prenante dans l’innovation, il y a plusieurs conditions : être impliqué au niveau dans le CODIR, posséder une double compétence, mettre en place des cellules de co-création et revitaliser la DSI c’est-à-dire faire tourner la boutique mais aussi être visionnaire.

 

 

La gestion des investissements IT au sein de la DSI : ils ont dit

Annie Prévôt
CNAF
CSC6
Nos budgets sont en baisse de 18 % sur 5 ans, il nous faut donc faire un gros effort de rationalisation. Nous sommes en cours de décommissionnement de nos deux mainframes (IBM et Bull) avec des coûts dont s’est faite écho l’Assemblée Nationale. Nous les remplaçons par des serveurs Linux/PostgreSQL, un projet d’un budget de 22 M€ à ROI très rapide. Parallèlement, nous menons des projets de transformation tels que le lancement de nouvelles applications mobiles, l’évolution vers le tout dématérialisé et le partenariat avec d’auteurs du secteur public dans le domaine des données sécurisées. On se transforme sur le plan de l’organisation avec une DSI agile et une nouvelle relation client. Nos actionnaires (les pouvoirs publics) ne manquent d’idées qu’il faut ensuite mettre en musique. Nous travaillons sur les moteurs de règles, les interfaces souples et l’open data. Avec comme contrainte d’interfacer les nouveaux projets avec le SI. A la CNAF, on n’a pas de direction marketing, mais on a des CAF (102 en France) qui, elles, font du développement. Parfois, Elles développent des apps similaires. Il faut donc canaliser cette énergie.Le réglementaire prend une place très importante avec une problématique forte sur la protection des données personnelles. La CADA va nous demander de publier non seulement nos données mais aussi nos programmes. Nous travaillons dans le big data, en particulier avec Pole Emploi sur des projets spécifiques comme par exemple lutter contre la précarité.
Daniel Dupuy
Aviva
CSC7
Nos budgets informatiques ont été réduits de 50 % sur 10 ans. Ça nous a donc obligé à nous poser les bonnes questions. En 2015/16, nous allons travailler sur des projets de relation client en liaison avec les autres directions et avec la problématique d’enrichir et de renforcer le lien entre le client final et les agents généraux ? ces derniers avaient une certaine crainte d’être squeezer. Nous avons mis en place une structure spécifique numérique pour aller plus vite.Nous n’avons pas encore d’applications dans le cloud mais nous avons des data centers partagés par plusieurs pays. On se met en position d’être « cloud-ready » avec une évolution vers des environnements Linux/JBoss/PostgreSQL pour franchir le pas dès que la décision sera prise. Nous avons d’ailleurs lancé un appel d’offres cloud hybride.La sécurité et le réglementaire sont de plus en plus pesant sur les budgets informatiques. Dans le réglementaire, il faut tenir compte de nouvelles en matière de santé, liées à l’emprunt, aux assurances-vie, aux lois américaines, à Solvency…
Patrick Hereng
Total
CSC8
Nos budgets informatiques sont en baisse, conséquence directe de la baisse du baril. Il est donc important de rationaliser les coûts opérationnels sachant que tout est refacturé aux métiers. Nous avons mis en place une structure numérique en lien avec le marketing et les services pour aller plus vite et lancer plus de projets. Dans le domaine du raffinage/exploration, la problématique est différente avec l’utilisation de toujours plus de puissance informatique et de technologies nouvelles telles que le pilotage à distance, les robots, les drones, la réalité virtuelle et augmentée. Nous avons par exemple un projet de numérisation de plate-forme de forage en mer afin de pouvoir la gérer comme un Airbus.L’évolution vers le cloud ? Nous avons environ 4000 applications dont 80 % sont des progiciels. Dans l’évolution vers le SaaS, nous sommes donc dépendants des éditeurs. Nous utilisons déjà Azure, Ariba, salesforce Nous ne sommes pas intéressés par le PaaS et l’IaaS. Notre objectif est de moderniser les applications pour le faire tourner sur des environnements virtualisés et agnostiques vis-à-vis du poste de travail. Est-ce que la DG est assez mûre pour évoluer vers le cloud ? Je ne sais pas mais il y a une demande d’aller vers le numérique. Mais elle a des préoccupations plus court terme comme la baisse du prix du pétrole.
Konstantinos Voyiatzis
Edenred
CSC9
En étant DG et DSI, c’est plus simple pour fixer les budgets de la DSI. Vu notre activité, nous sommes amenés à aller vers le tout numérique et à offrir de nouveaux services et applications avec. Avec le numérique, il sera par exemple possible d’offrir des solutions de gestion des frais professionnels, de réservation de tables… Le numérique entraîne clairement un élargissement de notre sphère d’intervention et nous donne ainsi plus de responsabilités. Le cloud ? Pour l’heure, nous utilisons seulement du CRM en mode SaaS. Mais nous avons un programme d’évolution vers le cloud qui doit tenir compte de notre legacy. Il ne faut pas oublier que Dieu a créé le monde en 6 jours seulement parce qu’il n’avait pas d’existant