Une nouvelle étude, réalisée la semaine dernière, met en évidence quelques réalités sur la perception du télétravail par les salariés français et sur le manque de préparation des entreprises.

Bien travailler à distance impose à chacun d’être équipé d’un ordinateur et d’un smartphone, d’un espace relativement calme et organisé (avec au moins un siège et une table à défaut d’un fauteuil et d’un bureau) et d’une entreprise suffisamment avancée dans ses plans de transformation digitale pour permettre un accès distant au système d’information et une collaboration efficace des équipes où que soient les collaborateurs.

Cependant, une nouvelle étude SFAM, réalisée par Ipsos la semaine dernière auprès de 800 travailleurs français représentatifs de la population française, rappelle que ce schéma de fonctionnement n’est pas universel ne serait-ce que parce que certaines professions imposent une présence physique sur le lieu d’exécution ou de production.

Le télétravail n’est pas universel

Ainsi l’étude montre que seulement 47% des sondés déclarent pouvoir travailler de chez eux. Autrement dit, la majorité de la population active reste restreinte par la nature même de son travail qui ne permet pas le télétravail.

Lorsque le télétravail est possible, 53% des sondés admettent que leurs équipements personnels sont assez performants pour travailler aussi bien qu’au bureau.
Autrement dit, la politique du BYOD (Bring Your Own Device), si lentement acceptée en France comparée aux Anglo-saxons, est un atout dans un tel contexte de confinement.
En pensant les politiques de sécurité et de gestion des appareils pour une approche BYOD (qui consiste à focaliser les défenses sur les données, les identités, les endpoints et les accès plutôt que sur l’infrastructure), l’entreprise peut s’attendre à ce que ses collaborateurs soient majoritairement suffisamment équipés pour télétravailler.

Les entreprises BYOD étaient mieux préparées

Cette approche est d’autant préférable que l’étude montre que seulement 24% des Français sont équipés par leur entreprise d’un smartphone et d’un ordinateur pour télétravailler.
Autrement dit les approches COPE (Corporate Owned, Personaly Enabled) n’ont pas suffisamment le vent en poupe dans les entreprises pour répondre à une crise sanitaire comme celle actuelle où toute la population se retrouve confinée.

L’épreuve du moment doit servir d’apprentissage pour les entreprises qui, une fois la crise passée, devront se reposer sérieusement la question du télétravail dans leur entreprise et de la sécurité de leur système d’information dans une approche bien plus pensée pour le BYOD.

Elle devra aussi amener les entreprises à se poser la question des outils collaboratifs et autres nouvelles technologies permettant à l’entreprise de fonctionner avec des collaborateurs répartis et confinés. Bien des entreprises françaises ont agi dans l’urgence et improvisé des solutions quand elles n’ont pas simplement laissé les utilisateurs se débrouiller eux-mêmes et adopter les services SaaS de leurs choix. En sortie de crise, bien des DSI risquent de découvrir que l’épisode coronavirus n’a fait qu’amplifier un Shadow IT déjà galopant et difficilement contrôlé. Il faudra souvent remettre de l’ordre et de l’unification dans les solutions collaboratives et de visioconférences utilisées par les uns et les autres.

Les technologies sont là… mais pas la culture !

L’étude SFAM montre clairement que ces outils (comme Slack, Teams, Zoom, GoToMeeting, Trello mais aussi les bien trop grand-public WhatsApp, Facetime, Facebook ou même le très ludique Discord) ont largement été utilisés durant cette période de confinement pour tenir des réunions et échanger des informations parfois très confidentielles.

L’étude montre d’ailleurs de 54% des sondés disent largement s’appuyer en cette période sur ces outils modernes de collaboration et de communication.

Parallèlement, l’étude révèle que 31 % des sondés disent déjà utiliser la visioconférence, mais que 24% déplorent cependant que leur entreprise ne propose pas officiellement ce type d’outils.

Enfin, et c’est une information qui devra éclairer les DSI et les directions générales à l’avenir, 24 % des sondés estiment que le télétravail leur permettrait d’être plus productifs, 44 % n’envisagent pas de changement par rapport à d’habitude alors que 32 % pensent que le télétravail nuirait à leur efficacité.

Bref, les Français sont assez partagés quant à une pratique plus systématique du télétravail. Bien évidemment les entreprises ne doivent évidemment pas confondre « tout mettre en œuvre pour permettre un télétravail massif notamment en cas de crise » et « mettre en place des pratiques de télétravail massivement et tout le temps ». Si les moyens techniques sont très similaires dans les deux cas, les cultures et philosophies de travail sont, elles, bien différentes.

Une expérience dans la souffrance mais pleine d’enseignements

L’une des limites actuelles de la situation est que, dans une majorité de cas, les collaborateurs se sont retrouvés dans des situations de télétravail sans y avoir été formés et préparés. Un problème qui n’est d’ailleurs pas propre à la France contrairement à une idée répandue. Un sondage de Thrive Global aux USA, réalisé la semaine dernière, montrait que 85% des travailleurs américains étaient en demande d’aide de la part de leurs employeurs pour mieux les accompagner dans le fait d’avoir à travailler à la maison. Il n’est en effet pas si facile d’apprendre à se connecter et à échanger sans proximité physique. Les codes comportementaux sont différents.

Toutefois, les responsables d’entreprise en analysant à postériori cette expérience ne devront pas perdre de vue que le télétravail de cette période de crise était assez exceptionnel et pas nécessairement révélateur d’une situation en temps normal ne serait-ce que parce qu’il se passait dans un contexte très anxiogène et parce qu’il se déroulait avec les enfants également confinés à la maison avec des cours et devoirs à distance.

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