Médecine prédictive, chatbots médicaux, analyses comportementales, aide au développement de nouveaux traitements : l’intelligence artificielle (IA) offre un immense potentiel pour accompagner la santé dans sa transition numérique. L’objectif commun des acteurs qui développent des applications d’intelligence artificielle pour la médecine est d’arriver à prévenir la maladie afin de la combattre plus efficacement.

Quand le Big Data s’allie à l’intelligence artificielle

Avec la révolution numérique, le développement des réseaux sociaux et les objets connectés, de plus en plus de données sont collectées et stockées dans le cloud. Le volume de données stockées a augmenté de 40 % par an*1 au niveau mondial au cours de la dernière décennie et devrait passer de 4,4 zbt*2 en 2013 à 44 Zbt en 2020, soit 44 billions de gigabytes. Un immense volume de données qui devra être traité par l’intelligence artificielle, l’homme étant incapable de traiter et d’analyser cette quantité sans l’assistance des machines.

Si l’IA semble être un sujet du futur, elle est en réalité déjà bien ancrée dans notre quotidien. Les assistants intelligents tels que Google Home ou Amazon Alexa sont au top des ventes, les applications permettant de faire appel à un robot avocat ou encore de trouver des activités à faire autour de soi sont plébiscitées. L’intelligence artificielle est déjà une technologie installée dans les métiers de support client ou d’assistance, via les plateformes téléphoniques, le chat commercial en ligne, ou les assistants virtuels.

Des outils au service des soignants et des soignés

De nombreuses applications dotées d’intelligence artificielle se profilent dans le secteur de la santé. Elles tendent à offrir plusieurs avantages : renforcer le lien patients-soignants, offrir des outils de pré-diagnostic rendant chaque personne pleinement actrice de sa santé, poser des diagnostics plus tôt et avec plus de précision, venir en soutien à la création de nouveaux traitements, ou encore assister l’homme dans les soins (opérations à distance, robots aide-soignants).

D’ici quelques années, de grands usages de l’intelligence artificielle dans le secteur de la santé devraient apparaître tels que :

– l’analyse des dossiers médicaux et l’aide au diagnostic, c’est l’objet principal de la recherche portée Google Deepmind Health Project ;
– l’établissement de plans de traitement à l’image du programme destiné aux cancérologues lancé par IBM Watson ;
– l’assistance virtuelle en santé vise à alléger les tâches, souvent répétitives, du personnel médical. Elle devrait permettre d’anticiper une consultation médicale via des questionnaires santé intelligents, d’établir des pré-diagnostics grâce aux outils d’aide au diagnostic pour les soignants ou encore d’effectuer le suivi de l’observance médicamenteuse ;
– la médecine de précision, basée sur les analyses génomiques poussées permettant d’anticiper des pathologies qui peuvent se transmettre en cas d’altération génétique. Deep Genomics travaille par ailleurs en ce sens ;
– La création de nouvelles molécules et de nouveaux médicaments ;
– Les outils de prévention automatisés vont aider les personnes à faire de meilleurs choix et à mieux prendre en charge leur santé.

L’intérêt des plus grandes sociétés mondiales pour l’intelligence artificielle dans le secteur de la santé, et notamment la création du programme Watson d’IBM – l’un des précurseurs dans le domaine – montre à quel point le sujet sur ce secteur est porteur.

La course est déjà lancée. Des équipes entières travaillent frénétiquement sur des intelligences artificielles. Les grands défis, pour tous ces acteurs, sont d’améliorer la rapidité de diagnostic et l’établissement de plans de traitement dans le but d’allonger l’espérance de vie.

Dell, Hewlett-Packard, Apple, Hitachi Data Systems, Luminoso, Alchemy API, Digital Reasoning, Highspot, Lumiata, Sentient Technologies, Enterra, IPSoft ou encore Next se sont déjà lancés.

Pourra-t’on se passer d’un médecin ?

Aujourd’hui, l’IA dispose d’un grand potentiel en termes d’efficacité pour analyser des données massivement, mieux organiser le parcours des patients et planifier des traitements plus efficacement. Pourtant, il reste un écart important entre la valeur réelle et la valeur “idéale” de ce qu’il est possible de faire. Sans aucun doute, dans les années à venir, des innovations pensées pour la médecine trouveront une place importante dans le système de soins mais il est impossible aujourd’hui de préciser à quelle échéance, de nombreuses inconnues subsistent et la santé doit faire l’objet d’un principe de précaution.

La machine a une meilleure capacité de calcul, plus fiable, que l’humain. Cependant, elle a des limites qui sont vites atteintes en matière d’interactions. Elle est aujourd’hui incapable de tenir une conversation acceptable en langage naturel. Les chatbots restent très embryonnaires et manquent de deux choses qui distinguent l’humain de la machine : l’intuition et l’empathie.

Il apparait assez évident – et souhaitable – que le médecin reste l’interlocuteur de son patient et maintienne le lien humain. Les outils de l’intelligence artificielle viendront en support de ses connaissances, pour sécuriser le diagnostic dans le cas où de nombreuses données doivent être analysées, ou en remplacement du médecin pour des tâches répétitives difficilement réalisables au quotidien par les professionnels de santé.

Enfin, il est indispensable que les patients et soignants s’investissent dans la préparation d’une intégration de l’intelligence artificielle au parcours de soin.

– En définissant des standards éthiques qui devront être appliqués à un niveau global ;
– En prévoyant la formation des professionnels de santé aux connaissances minimales nécessaires pour comprendre le fonctionnement de l’IA. Il serait par ailleurs pertinent d’introduire un chapitre e-santé dans le cursus des professionnels ;
– En accompagnant les patients dans l’utilisation des systèmes basés sur l’IA et en  sensibilisant le public sur ses bénéfices comme sur ses risques ;
– En réglementant l’usage de l’intelligence artificielle, afin de définir des règles précises qui permettront, à terme, de circonscrire les responsabilités et les rôles de chacun.

Si tous les acteurs accompagnent correctement cette révolution, d’immenses avancées sur la prévention en santé seront possibles, au profit des conditions de travail des professionnels de la santé et surtout, pour de meilleures prises en charge des patients.

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*1 Source : https://www.emc.com/leadership/digital-universe/2014iview/executive-summary.htm

*2 Le zettabit est une unité de mesure ou de stockage dans le langage informatique. Elle équivaut à 10²¹ bits dans le Système international ou encore 2⁷⁰ bits dans l’usage courant

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Mathilde Le Rouzic est co-fondatrice de Hellocare