Les fusions et acquisitions (M&A) sont des étapes naturelles de la vie des entreprises qui se développent, qui s’ouvrent à de nouvelles gammes de produits ou s’implantent sur de nouveaux marchés. Plus d’un tiers des employés de bureau (37 %) en Europe ont vécu une fusion ou une acquisition[i] ; et avec la reprise économique de l’Europe, les activités de M&A devraient encore s’intensifier cette année.
Ce qui est préoccupant c’est que plus de la moitié de toutes les fusions et acquisitions sont vouées à l’échec[ii], en grande partie parce que les sociétés qui se rapprochent intègrent mal leurs processus et leurs pratiques.
Il ne suffit pas d’apposer des signatures en bas d’un contrat pour que la réunion de deux sociétés aboutisse à la création d’une entité forte. C’est d’autant plus vrai quand les employés de l’une des sociétés se sentent asservis et qu’ils craignent que leurs rôles et leurs habitudes changent. Une étude récente d’Iron Mountain en Europe révèle que les salariés en charge de la gestion de l’information d’une société qui vient d’être rachetée évoquent fréquemment un sentiment d’abattement.
Souvent, juste après les préoccupations quant à l’évolution de leur poste et l’ampleur des changements à venir, ils disent craindre les conditions d’intégration des données internes ainsi que celles des clients et ne pas savoir gérer les incohérences et les doublons. Un tiers des employés des sociétés rachetées déplorent le manque de stratégie claire de consolidation des dossiers et de protection des données, 44 % déclarent qu’il n’existe pas de process pour intégrer les documents papier dans les nouveaux systèmes numériques, et 31 % se plaignent de l’absence de process de stockage des documents papier.
Le risque pour l’information est évident. La protection et l’intégration des données clients sont des conditions essentielles à la réussite d’une entreprise, à la qualité de son service clients et à la réputation de la marque. Des données mal gérées, qui circulent sans réelle surveillance, sont exposées aux risques de perte, de dommage ou de divulgation.
Les employés de sociétés de l’acquéreur ont une impression nettement moins négative, peut-être parce qu’ils y voient l’union de forces égales. Les salariés des deux parties semblent avoir une vision équitable des enjeux de gestion de l’information et les trois-quarts (71 %) se sentent correctement soutenus.
Il apparaît que le secteur européen de la fabrication/ingénierie est particulièrement enclin aux acquisitions, à l’inverse des secteurs des services financiers et des assurances plus adeptes des fusions du fait de la tendance à la consolidation du marché.
Notre étude révèle que les salariés des secteurs des services financiers et des assurances, où les pratiques d’archivage sont intensives et qui sont particulièrement tournés vers le client, sont ceux qui s’inquiètent le plus des conditions d’intégration de sources de données différentes. Les salariés des sociétés de services financiers sont aussi les plus préoccupés par l’espace qu’il faudra trouver pour toute la nouvelle documentation. Ils se sentent aussi les mieux accompagnés et informés, quant aux conditions d’intégration et de protection des données, mais aussi d’intégration et de stockage des documents physiques.
Le ressenti est tout autre dans les entreprises de fabrication industrielle et d’ingénierie, dont les salariés s’inquiètent plus volontiers des nouvelles procédures de gestion de l’information et se sentent perdus faute de directives et de communication claire en interne.
Mais, tous secteurs et marchés confondus, il est clair que beaucoup d’employés se donnent les moyens de s’adapter aux conditions post-M&A. Même s’il s’est montré réticent au départ, un sur trois reconnaît que l’attitude positive a pris le dessus afin de s’accommoder le mieux possible du changement.
En moyenne, 12 % seulement avoue avoir voulu continuer comme avant et 14 % des dirigeants et cadres supérieurs (ceux-là mêmes qui devraient pourtant donner l’exemple et préconiser une gestion flexible et appropriée de l’information).
Au final, notre étude démontre que le ressenti des employés vis-à-vis d’une opération de M&A influence leur gestion plus ou moins responsable de l’information. Elle suggère aussi qu’une communication claire et des approches volontaristes de la gestion de l’information peuvent venir inverser la perception de l’employé.
Il faut absolument traiter l’information comme un actif stratégique vital. Une entité récemment restructurée peut appliquer des pratiques simples et concrètes pour protéger correctement l’information et embrasser la richesse des connaissances disponibles. Nous recommandons, par exemple, une « consommation modérée » des documents papier : l’entreposage en toute sécurité des archives papier non-essentielles sur un site distant et la mise en place d’un programme de numérisation systématique de tous les documents nouveaux ou importants. Une fois numérisées, les informations des documents papier sont disponibles à l’échelle de l’entreprise et accessibles aux systèmes électroniques et informatiques, à la nouvelle base CRM intégrée de la société fusionnée, par exemple.
La réussite d’une M&A passe par une forte volonté de communication ainsi que le soutien et l’implication des salariés. Ceux-ci doivent comprendre ce qui se joue, pourquoi, et ce qu’ils peuvent faire ou sont invités à faire pour intégrer et protéger l’information. C’est d’autant plus vrai en période de changement.
Notre étude confirme aussi qu’à l’issue d’une fusion ou d’une acquisition, les employés responsables de la gestion des informations précieuses de l’entreprise peuvent mal vivre la transition et se sentir insuffisamment soutenus. Dans un monde de l’information comme le nôtre, il est possible qu’ils tiennent l’avenir de l’entreprise entre leurs mains. Les entreprises qui s’apprêtent à vivre des mutations importantes ont donc tout intérêt à apporter tout le soutien nécessaire à ces gestionnaires de l’information et à communiquer et expliquer avec un maximum de clareté les changements apportés aux processus et aux règles.
[i] Pour Iron Mountain, Opinion Matters a enquêté auprès de 1 257 employés de bureau des secteurs juridique, financier, pharmaceutique, de la fabrication/ingénierie et des assurances au Royaume-Uni, en France, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Espagne.
[ii] Etudes réalisées par KPMG, PwC, Deloitte, etc.
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Marc Delhaie est Président-Directeur Général d’Iron Mountain France et Suisse