A l’occasion de la conférence Hardware IOT qui s’est tenue récemment à Santa Clara (Californie), Linley Gwennap, Président du Linley Group, comment les dernières évolutions de l’Internet des objets, notamment les conséquences sur le marché des semi-conducteurs

Informatique News : Intel vient de fermer sa division IOT, et vous organisez aujourd’hui une conférence Hardware  IOT.  Que pensez-vous de l’évolution de ce marché au moment ou s’esquive un des grands acteurs du semi-conducteur.  

Linley Gwennap : Je pense effectivement que  l’IOT est devenu une nouvelle force motrice sur le marché de l’IT qui est assez large si on considère les fournisseurs de puces. On peut aborder l’Internet des Objets du point de vue du client, du point de vue des gateways et du point de vue du Cloud. Intel a décidé de se concentrer sur le Cloud, avec aussi un assez fort focus sur les gateways. Mais Intel n’a jamais été très fort pour faire des puces qui coûtent seulement quelques dollars…En revanche, NXP, STMicro sont plutôt bons dans les micro-contrôleurs. On voit donc que les fournisseurs des segments low cost seront plutôt ceux qui font des micro-contrôleurs alors que les fournisseurs traditionnels comme Qualcomm, Intel, Broadcom peuvent vendre plus facilement sur les segments des Gateway et du Cloud.

Informatique News : Où voyez-vous la plus importante valeur sur ce marché ?

Linley Gwennap : Nous avons vu ce matin, au cours de la première session de la conférence sur l’évolution du marché que la plus grande opportunité est le smartphone. De ce point de vue,  La valeur pour le consommateur sera ce que fournit le service.  Je me fiche d’acheter un matériel que je vais brancher dans une prise, en revanche, je veux que  ma lumière s’allume quand je le lui demande. Ce n’est pas l’objet qui m’intéresse, c’est le package complet avec le service qui allume et éteint à  ma demande.

Informatique News : L’industrie doit donc migrer vers les services…Intel n’a pas réussi. Qui le fera ?  

Linley Gwennap : Qui va délivrer le service, la package vers les consommateurs? Je ne pense pas que ce sera ARM ou Intel, ils ne peuvent pas vraiment le faire.  Mais je pense plutôt que ce seront des gens comme Amazon, Google ou Facebook… parce qu’ils contrôlent le Cloud et ils utilisent le cloud pour délivrer des services. Quant au hardware, qui le fait.. ?  Peu importe, on s’en fiche…pourvu qu’il apporte le service que souhaite le consommateur…

Informatique News : Si on regarde la chaine industrielle, cela va conduire à des alliances. Est-ce qu’on va retrouver le type d’alliance qu’on a vu dans le PC dans un monde antérieur :  Intel et Microsoft par exemple qui ont dirigé le marketing du PC pendant 20 ans à travers la  loi de Moore ?

Linley Gwennap : Bien sûr, il faudra bien que des sociétés fournissent le hardware, les processeurs, mais on ne verra pas une seule société dominer et verrouiller le marché  comme ça a été le cas dans l’époque Microsoft/Intel pour le PC pour la simple raison qu’il y avait tellement de logiciels différents, d’applications qui pouvaient fonctionner sur un PC. Il y a aussi des applications sur les objets connectés, mais chaque objet a son propre logiciel, son propre service. La logique est complètement verticalisée. Si j’ai une application pour une ampoule connectée, elle peut fonctionner sur un processeur Intel ou un autre, peu importe. Ça devient une plateforme qui permet de faire un certain nombre de choses et le hardware n’est plus aussi fondamental. Le risque est que chaque plateforme va essayer de devenir un standard, il y en aura tellement. Chacun va vouloir développer sa propre plateforme.

Mais quand on parle aux sociétés qui construisent les objets connectés, ils disent, je veux mettre Alexa sur  mon appareil… ! Si vous prenez une plateforme, c’est le nombre qui construit l’écosystème autour d’elle qui en fait la force.  Par exemple, Qualcomm ou bien d’autres essaient de créer leur propre plateforme, ils sont leur consortium. Mais ils ne peuvent pas accéder au consommateur et lui dire d’utiliser une plateforme pour sa lampe, et pour son  thermostat parce que leur hardware est le meilleur. Ce que veut le consommateur, c’est aller dans sa boutique préférée et acheter cet appareil parce qu’il lui permet de faire ça et ça… C’est pour cette raison que ce matin, dans la présentation du marché, Mike Demler précisait que le  marché aura vraiment décollé lorsque l’Internet des objets sera vraiment l’affaire du grand public et non plus poussé en majorité par l’industriel.

Informatique News : Pensez-vous qu’Apple puisse jouer un rôle important dans le marché de l’Internet des Objets ?

Linley Gwennap : Apple est déjà bien installé dans les maisons grâce à l’iPhone et beaucoup d’objets connectés utilisent un smartphone. Mais Apple a plutôt tendance à tout faire lui-même… Est-ce qu’on ira acheter un thermostat Apple parce que c’est un Apple ? Apple va-t-il se lancer dans la fabrication des thermostats…?  Pour l’instant, Apple, Google, Amazon sont les mieux placés pour atteindre le consommateur et c’est eux qui demandent par exemple à Qualcomm ou à Intel de faire un processeur ou un micro-contrôleur en particulier pour mettre dans un appareil qui fera ce que demande leur consommateur.

 


Le marché de l’IoT se développe plus lentement que prévu

Le marché potentiel total pour les objets connectés atteint les 15 milliards d’unités mais il atteindra le milliard d’unités vendues par an avec un an ou deux de retard. 

Aujourd’hui, la base installée estimée d’objets connectes est d’environ 1,6 milliard d’objets connectés qui se répartissent selon les tableaux et graphiques ci-dessous :

Source Linley Group

La part des secteurs de l’IOT , en nombre d’unité installées en 2017

Mike Demler, senior analyste au Linley Group, remarque que l’Industrial IOT représente encore la majorité (57%) des déploiements réalisés (en unités) sachant que le type d’application la plus développée s’appuie sur les compteurs intelligents. Pour lui, le décollage du marché sera effectif lorsque le secteur grand public (Wearables et consumer IoT) aura dépassé l’IoT industriel, indiquant une véritable dynamique de scalabilité et d’industrialisation du marché grande consommation. Lors de ses prévisions présentées l’année dernières (en 2016)  à la  même conférence, il avait estimé que  le basculement vers le grand public  se ferait en 2017-18, mais il ne s’est pas produit au vues des chiffres publiés. « Une maturation plus lente du marché produira ce basculement seulement en 2018-2019 » indiquait-il cette année, « c’est-à-dire avec une bonne année de retard ».

 

Ventes annuelles d’objets connectés

Au cours des 5 prochaines années, les coûts continueront de baisser grâce à la concurrence et la mise en œuvre et au déploiement de multiples plateformes IoT. Les LPWAN continueront de se développer, alors que le LTE (NB-IOT) et la 5G arriveront sur le marché à des tarifs concurrentiels provoquant une accélération dans l’IOT grand public. Comme prévu, un point d’inflexion dans la courbe de croissance de l’IoT se produira pour le grand public et les wearables alors que le segment de l’Industrial  IOT  continuera de croitre à son rythme habituel. Cependant, à cause de coûts encore relativement élevés, la multiplicité des standards non interopérables et une relative inadaptation actuelle des infrastructures de communication, cette prévision est donc légèrement en retrait par rapport aux prévisions précédentes avec un point d’inflexion prévu qui  s’est décalé d’un an, voire de deux. Ainsi, les ventes annuelles, en unités, atteindront le milliard en 2019 et atteindront un plafond estimé à 2,3 milliard d’appareils vendus annuellement seulement en 2023 au lieu de 2021 estimé précédemment.  En 2023, le nombre cumulé d’objets connecté atteindra les 10,4 milliards alors que les prévisions précédentes de Mike Demler indiquaient 12 milliards pour la même année.  A cette date, le nombre d’appareils par foyer moyen sera de 13 objets connectés et le cycle de vie moyen d’un appareil sera de 10 ans, mais de 2-3 ans seulement pour un wearable.