La logistique est le nerf actif de l’industrie moderne. Dans ce secteur où de nombreuses opérations sont encore exécutées sous une forme analogique, les technologies numériques permettent d’accroître l’efficacité et la productivité. C’est le cas de la réalité augmentée (RA) appliquée à la préparation des commandes dans les entrepôts.
La transformation numérique s’impose progressivement dans le domaine de la logistique. Ainsi, quelque 97 % des 500 professionnels interrogés par l’association professionnelle allemande bitkom déclaraient dès la mi-2019 apprécier les avantages de cette évolution pour accélérer le transport des marchandises. Les nouvelles technologies servent également à moderniser certaines tâches logistiques dans d’autres processus classiques tels que l’entreposage ou la livraison de marchandises, comme le révèle une étude approfondie de l’activité quotidienne d’un préparateur de commandes.
Après tout, un très grand nombre d’actions manuelles doivent être accomplies entre l’acceptation de la commande et l’expédition des marchandises. Ce processus se déroule souvent de la manière suivante : les informations relatives à la commande sont reçues dans un système, imprimées sous forme de listing et transmises à un employé, lequel se rend dans l’entrepôt (souvent à de multiples reprises), compare la liste de préparation à la commande initiale et récupère les articles — à la main, avec un transpalette ou à l’aide d’un chariot élévateur. Il les place ensuite dans le bac de prélèvement correspondant avant de confier le tout à un système ERP et, enfin, de transférer les marchandises au service Expédition. Pour le moins fastidieux, ce processus relativement onéreux est aussi propice à de multiples erreurs (fautes de frappe ou erreurs de transmission), dans la mesure où les données sont saisies manuellement. En outre, l’opérateur doit parcourir plusieurs fois les travées de l’entrepôt pour collecter la totalité des marchandises commandées, une procédure finalement peu efficace.
Réalité augmentée et automatisation des tâches
Connue sous l’appellation « vision picking », la technologie de prélèvement assistée par la réalité augmentée permet d’exécuter des tâches manuelles dans un entrepôt entièrement automatisé. Les opérateurs sont équipés d’une technologie « wearable » qui accélère le processus et les connecte au système informatique existant.
Le principe est le suivant : à réception de la commande, la liste des marchandises s’affiche automatiquement sur les lunettes de l’opérateur et est projetée dans son champ de vision grâce à la réalité augmentée. Ce processus est similaire à l’affichage tête haute (HUD) dont sont dotés certains véhicules et qui affiche sur le pare-brise des données telles que la vitesse. Il convient toutefois de faire une distinction entre les lunettes intelligentes monoculaires et binoculaires. Les premières utilisent un seul écran qui peut être ajouté sur le rebord de la monture, alors que les systèmes binoculaires se composent de deux écrans et peuvent également être portés sous forme de lunettes.
Dans le domaine de la logistique, les informations fournies par un système de « vision picking » sont généralement les suivantes :
- référence de la marchandise à prélever (nom, identifiant, photo et quantité)
- lieu de stockage
- emplacement de la destination
- commande suivante / lieu de stockage de la commande suivante
- indicateurs avec code couleur ou éléments graphiques permettant de visualiser les informations d’état ou les erreurs
- informations audio (confirmation ou signal d’erreur)
Grâce à ces informations affichées sous une forme numérique, le préparateur de commandes travaille en mode « mains libres », ce qui lui évite de s’interrompre pour consulter la liste des marchandises. Les méthodes de prélèvement assistées par la réalité augmentée s’avèrent particulièrement efficaces lorsqu’elles sont utilisées concomitamment avec des lecteurs de codes-barres ou RFID comme on en trouve sur les lunettes connectées ou dans une bague, un bracelet, un scanner à main ou un gant. Ce processus lit un code-barres ou un signal RFID au moment où les articles sont prélevés, avant de consigner automatiquement l’enlèvement dans le système de gestion des marchandises. Une fois que les marchandises ont été collectées conformément à la commande, emballées, adressées au client et qu’elles ont quitté l’entrepôt, la commande est automatiquement enregistrée dans le système comme « exécutée ». Ensuite, une notification automatisée de la date de livraison, facture incluse, peut être envoyée au client.
Assurer performance et sécurité
Les avantages de cette automatisation sont incontestables : contrairement aux processus manuels qui reposent sur l’utilisation de listes imprimées, la méthode assistée par la réalité augmentée autorise un flux d’informations continu, ininterrompu et donc sans erreur, de la commande à la livraison. Cette solution évite toute interruption dans la chaîne de traitement des commandes — un problème récurrent dans le cas des processus manuels, dans la mesure où les informations ne quittent jamais l’environnement numérique. L’utilisation de codes-barres et de signaux RFID garantit que tous les articles composant une commande sont effectivement prélevés, que les clients reçoivent l’intégralité des marchandises commandées, et que le colis n’est pas livré à la mauvaise adresse. L’enlèvement confirmé, le stock disponible dans l’entrepôt et son statut dans le système de gestion des marchandises sont actualisés. Résultat, une baisse des coûts d’entreposage grâce à la diminution du nombre d’articles stockés, et un réapprovisionnement optimisé en fonction de la demande. Mais les opérateurs chargés de la préparation des commandes profitent également de la numérisation des processus : ils ne sont plus obligés de rechercher le rayon ou l’alvéole concernés aux quatre coins de l’entrepôt ; dans certains cas, le système les mène aux marchandises recherchées en empruntant le trajet le plus court, évitant ainsi tout déplacement inutile sans nécessiter de formation particulière. En outre, cette amélioration ne concerne pas uniquement les tâches de prélèvement manuelles. Grâce à la réalité augmentée, les caristes voient les instructions de direction s’afficher directement dans leur champ de vision, leur évitant de quitter leur itinéraire des yeux — par exemple pour vérifier le listing —, avec à la clé une baisse du nombre d’accidents du travail.
Livraisons sans délais
Le vision picking permet non seulement aux entreprises de réduire leurs coûts, mais également de livrer leurs clients en flux tendus. Autrement dit, le flux de matériaux est calé sur le processus de production et les livraisons ont lieu au moment opportun, minimisant ainsi le stockage de matériaux. Dans certains secteurs tels que l’industrie automobile, c’est indispensable : Schnellecke Logistics, spécialiste allemand de la logistique automobile, utilise le vision picking depuis 2015. En raison des méthodes de gestion logistique employées pour livrer les clients — le Just in Time et le Just in Sequence —, les processus dépendent dans une large mesure de workflows optimisés et exempts de toute erreur. L’introduction d’une solution de préparation fonctionnant en mode mains libres et assistée par la réalité augmentée a permis d’augmenter les rendements de façon significative tout en améliorant la qualité des processus et en réduisant à zéro le nombre d’erreurs.
En outre, le groupe basé à Wolfsburg (nord de l’Allemagne) s’appuie sur l’utilisation de bracelets RFID, un accessoire qui permet de préparer aisément plusieurs commandes simultanément. Les opérateurs de Schnellecke peuvent ainsi prélever des pièces pour 24 véhicules à la fois. Le bracelet RFID confirme à la fois le prélèvement et le stockage des pièces sur le chariot, ce qui évite de procéder ensuite à un contrôle de la qualité, une tâche particulièrement fastidieuse.
En optant pour le vision picking et la réalité augmentée, les entreprises rapprochent les opérateurs humains des systèmes informatiques. Cette stratégie contribue non seulement à optimiser leurs propres processus, mais également à alléger la charge de travail de leurs opérateurs et à améliorer les services fournis à leurs clients grâce à un entreposage dynamique.
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Par Hendrik Witt, Chief Product Officer, TeamViewer