Le MWC 2017 ouvre ses portes sur un monde en profonde mutation. La dynamique de l’évolution des réseaux fixes et mobiles est conduite par une approche multi-usage des infrastructures.  La boucle locale qui avait été conçue autour de la seule fonction vocale avec des réseaux commutés  en situation fixe puis mobile est depuis plusieurs années remise en question par la mobilité permanente,  les services multiples, professionnels ou individuels portés par la généralisation du protocole Internet (le tout IP) et enfin par l’arrivée de milliards d’objets connectés.  La boucle locale est confrontée à l’explosion de la demande de bande passante (débit) à tous les endroits de la planète. Cette évolution provoque aussi une belle augmentation de la complexité et de nouvelles exigences avec la multiplication des objets connectés et un casse-tête permanent autour de la sécurité.

Préparer la 5G alors que la 4G évolue encore

Aujourd’hui, le très vaste écosystème des télécommunications se prépare à  la « 5G » comme étant l’étape critique de la généralisation des réseaux fixes/mobiles à très haute capacité et de leur adaptation à des besoins multiples auxquels les réseaux actuels peinent à répondre de façon satisfaisante. Toute l’industrie s’est donc engagée dans  la mise en place d’un réseau sans fil universel  à très haut débit aux capacités multipliées par 10, 100, voir 1000 dans certains cas. Il offrira jusqu’à 10 Gigabits par seconde avec un accès à 50 Mbis/s partout et sera capable de répondre à une vaste palette de contraintes posées par les besoins de communication rencontrés par tous les humains, privés ou professionnels, ainsi que les machines qu’ils utilisent ou qu’ils contrôlent (les objets connectés) que ceux-ci soient fixes ou mobiles (voitures, wearables, robots, maisons, usines, drones, etc.).

L’ambition est immense puisque sa première mise en œuvre est prévue avant 2020, alors qu’aujourd’hui les standards de la 5G n’existent pas et que les standards de la 4G évoluent encore. Celle dernière se trouve  en phase montante de son déploiement dans les pays industrialisés, couvrant  à peine 30% du territoire américain (les grandes métropoles) et moins de 20% du territoire Français (actuellement centré principalement sur l’Ile de France).

La mutation des réseaux de télécommunications, entamée depuis le début du siècle avec les technologies 3G (UMTS) et 4G (LTE) génère une forte innovation technologique et génère des nouveaux usages que personne ne prévoyait. Elle provoque aussi des changements profonds sur les marchés pour les constructeurs, les opérateurs, les fournisseurs de services qui peuvent perdre des positions dominantes ou voir s’élargir leurs possibilités de créer de la valeur à travers un vaste potentiel  de nouvelles activités. Mais ils doivent collaborer plus étroitement dans un univers de plus en plus réglementé aux Etats-Unis par la FCC, en Europe par le BEREC et les régulateurs locaux, en Asie par les régulateurs locaux et le gouvernement Chinois (MII).

Une collaboration/compétition internationale à plusieurs niveaux

C’est l’ITU (International Telecom Union) qui adressait en 2012 la mise en place d’un réseau International de Telecommunications mobiles au-delà de 2020 et établissait les grandes lignes d’un cahier des charges et d’un plan de mise en oeuvre. L’année suivante la commission européenne intègre la 5G dans son programme Horizon 2020 et lui attribue un budget de 900 millions d’Euros.  La NGMN Alliance qui regroupe la grande majorité des acteurs (opérateurs, fabricants, constructeurs, instituts de recherche) du secteur des télécoms présentait en mars 2015 un NGMN 5G White Paper.

L’objectif principal de ce réseau de bout en bout à très haut débit est de “permettre une société totalement mobile et connectée et de renforcer les transformations socio-économiques dans toutes les directions sans aucune des limitations qui pourrait être envisagée aujourd’hui, incluant la productivité, le développement durable et le bien être. »

L’évolution (la transition) de la 4G est d’ores et déjà incorporée dans l’évolution vers la 5G et c’est essentiellement ce qui sera traité au cours de ce MWC 2017. En effet, les premières définitions des standards 5G ne seront pas prêtes avant mai 2018..au mieux,  et les aspects de la 5G concernant les objets connectés (IoT) se sont pas attendus avant la mi 2019, ce qui laisse du temps aux LPWan comme Sigfox, LoRa ou Ingenu pour étendre leurs réseaux et aux fabricants de chips comme ARM ou le Français Sequens de présenter des chips plus puissants répondant aux spécifications du standard NB-IoT finalisé en juin dernier comme étant la prise en compte des objets connectés par le LTE.

Le casse-tête des fréquences…

Une propriété des fréquences hertzienne est leur capacité de transporter de plus grande quantités d’information dans les plus hautes fréquences, mais plus la fréquence augmente, plus  sa portée, sa pénétration et sa  stabilité est moindre à tel point que dans les très hautes fréquences, la pluie ou même le brouillard peut perturber ou interrompre  la transmission… L’une des premières difficultés posée par ce nouveau réseau haut débit est l’utilisation des fréquences hertzienne  au delà de 6 GHz, parce que les fréquences plus basses sont pour la plupart déjà utilisées et/ou attribuées…et parce qu’elles offrent plus de bande passante.

Le problème de l’allocation des fréquences est en général résolu par grandes zones géographiques, pour établir un consensus basé sur de nombreuses discussions, difficiles tractations et longues négociations entre les autorités de régulation dans chacune des zones. Après les grands objectifs de l’ITU et du NGMN, la 3GPP ouvre donc en 2015 un programme de standardisation autour de l’évolution des RAN (Radio Access Networks) et la WRC 15 (World Radio Conférence 2015) établit une première vision de la charge probable en matière de fréquences pour la 5G. En septembre 2016, la Commission Européenne présentait un plan d’action 5G et en novembre 2016 le RSPG publiait un plan stratégique de l’utilisation des fréquences pour la 5G.

3 tranches de fréquences… Le retour du Wireless Broadband Access (WBA)

Le consensus s’est donc établi, pour la 5G, d’utiliser 3 types de fréquences allant de 700MHz à 30 GHz.  La priorité a été donnée aux fréquences 3,4-3,8 GHz. Elles offrent en Europe une portion de spectre relativement disponible de 400Mhz plutôt homogène qui était entre autre destinée à accueillir le défunt WiMax, pionner oublié du WBA.  Ces fréquences sont dotées de bonnes performances en termes de portée, de pénétration, de capacité de transport et de stabilité répondant à plusieurs objectifs de la 5G.

Les fréquences 700 MHz (694-790MHz), qui servaient à la Télévision TNT sont aussi mentionnées comme une excellente opportunité pour la 5G par leur portée et leur capacité de pénétration dans les immeubles, même si elles offrent un potentiel de bande passante un peu moins élevé. Ces bandes sont plutôt homogènes puisqu’utilisées par la télévision, mais en France par exemple, elles ont été soumises par l’ARCEP à un plan de libération progressif par région et réattribuées aux opérateurs dans une vente aux enchères à la fin de 2015. Elles seront progressivement libérées sur la totalité du territoire Français d’ici juin 2019 et seront affectées aux opérateurs qui les ont acquises.

Enfin pour permettre les très hauts débits, le plan stratégique mentionne une assez bonne disponibilité du spectre dans les bandes K et Ka (24,25-27,5 GHz) et la nécessité de mettre en place un plan européen d’homogénéisation de ces fréquences de façon à les attribuer globalement à la 5G dans tous les pays Européens. Elles permettront aux opérateurs de mette en œuvre des infrastructures de type fixed/wireless à très haut débit (encore appelées WBA ou Wireless Access Broadband) où seront crées des tours couvrant une zone (cellule) spécifique  offrant des accès sans fil à très haut débit, pouvant être relayés sur la zone aussi bien pour des usages fixes que mobiles par des points d’accès, des routeurs et/ou des relais multi-fréquences, créant ainsi une nouvelle forme de boucle locale permettant de palier aux difficultés (et aux coûts) d’installation de la fibre à la maison et répondant mieux aux besoins de flexibilité, de déploiement et de performance des nouveaux usages mobiles.

La société d’analyse Ovum a publié en 2016 une note assez détaillée consacrée au retour du WBA comme une alternative au très haut débit fixe. On remarquera que le WBA, plus économique et plus souple pourrait palier en France de façon assez satisfaisante à l’insuffisance des fonds (15 milliards d’Euros) constatée récemment pour le déploiement de la fibre à la maison…  Aux Etats Unis, les opérateurs considèrent déjà le WBA comme partie intégrante de leur offre globale dans la mesure où la fibre à la maison a pratiquement été abandonnée compte tenu de l’étalement géographique des villes la lenteur des décisions d’investissements d’infrastructures lourdes dans les Etats.