Dans son rapport pour une économie positive, Jacques Attali liste 45 mesures pour lesquels le numérique joue un rôle essentiel ou important

Avec ses rapports, Jacques Attali nous a habitués à sa méthode visant à faire des propositions concrètes constituant parfois une sorte de liste à la Prévert. Le rapport sur l’économie positive qui vient d’être publié n’y échappe pas. Sur les 45 mesures qui y proposées, certaines passent par l’utilisation des technologies numériques.

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PROPOSITION N° 10
PERMETTRE LE DÉVELOPPEMENT DU FINANCEMENT PARTICIPATIF

– Échelon d’application de la proposition : France, puis UE.
– Contexte : Le crowdfunding, ou financement participatif, permet le financement de projet par Internet.

 

PROPOSITION N° 15
CRÉER UNE VÉRITABLE TAXE SUR LES TRANSACTIONS FINANCIÈRES

– Échelon d’application de la proposition : national et G8/G20.
– Contexte : L’essor du trading à haute fréquence est tel que l’arsenal législatif n’est plus apte à prévenir et à sanctionner les éventuelles manipulations de marché que permet cette nouvelle forme hautement déstabilisatrice de trading.

 

PROPOSITION N° 22
ENGAGER LE DÉVELOPPEMENT D’UNE E-ADMINISTRATION ET D’UN OPEN GOVERNMENT1

– Contexte : Les restrictions budgétaires exigent dorénavant de fournir un niveau de service public performant tout en optimisant les dépenses, tant au niveau national que local. Des gisements d’économies existent dans le domaine des procédures des marchés publics. Leur numérisation a par exemple permis à la Corée du Sud de réaliser 6 milliards de dollars d’économies sur un volume de marchés publics annuels de 50 milliards. Au niveau des villes, l’utilisation du cloud computing par Novara, ville de 100 000 habitants du nord de l’Italie, lui permet d’économiser tous les ans 30 000 euros. Pour Paris, cela pourrait représenter près de 700 000 euros d’économies annuelles.

L’exemple de la numérisation des bulletins de salaires est également éclairant : appliquée aux 5,2 millions de fiches de paie émises par la fonction publique, elle permettrait à l’État d’économiser jusqu’à 70 millions d’euros par an.

– Pistes de travail et méthodologie : Développer des solutions de cloud computing au sein des administrations, et renforcer la mise à disposition et l’accessibilité des données publiques au sein du portail data.gouv.fr. Un conseiller en charge des données publiques pourrait être nommé au sein du cabinet du président de la République.

 

PROPOSITION N° 26
METTRE LE NUMÉRIQUE AU SERVICE DE L’INNOVATION PAR TOUS ET POUR TOUS

– Échelon d’application de la proposition : national.
– Contexte : Les systèmes de crowdsourcing fournissent de nouvelles opportunités pour encourager l’innovation. Le principe est simple : profiter de l’expertise et de l’intelligence de millions d’internautes pour résoudre un problème ou répondre à une question. Valoriser cette intelligence collective est l’objet de la plate-forme Innocentive qui fournit aux organisations un moyen de crowdsourcer une question de recherche et développement en la postant sur la plate-forme.

En guise d’incitation, un prix peut être proposé. Ainsi, une structure n’ayant pas les moyens de se doter de sa propre cellule de R&D peut néanmoins profiter de l’expertise de milliers de personnes. Plus de 250 000 « solutionneurs » issus de 200 pays font ainsi partie de la communauté Innocentive et plus de 35 millions de dollars de prix ont été décernés, allant de 500 à moins de 1 million de dollars. Dans le même esprit, Foldit est un jeu en ligne dont le but est de résoudre des défis scientifiques. Des chercheurs ont ainsi récemment contribué à déterminer la structure d’une importante enzyme liée au sida.

Des solutions comme celles-ci reconnaissent que les personnes les mieux adaptées pour accomplir une tâche ne sont pas toujours localisées dans une entreprise donnée, mais peuvent être mises en réseau grâce à Internet. Ces solutions permettent ainsi aux organisations de mener des projets sans se préoccuper de recruter la meilleure personne pour y répondre, mais en laissant la communauté contribuer et améliorer de façon itérative les pistes proposées.

 

PROPOSITION N° 32
METTRE LES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION AU COEUR DE L’ÉDUCATION

– Échelon d’application de la proposition : national.
– Contexte : Grâce aux technologies de l’information émergent de nouvelles formes d’apprentissage, plus individualisées et plus aptes à reconnaître la multiplicité des intelligences.

L’équipement des salles de classe a déjà commencé. Les investissements en la matière doivent devenir prioritaires et, surtout, s’accompagner d’une évolution de la formation des enseignants, de la pédagogie et des programmes, pour que ces technologies soient à l’origine d’un véritable changement de l’apprentissage. L’échange et l’entraide entre élèves, la personnalisation des conseils de l’enseignant, la valorisation de la créativité sont en effet rendus possibles par ces outils.

 

PROPOSITION N° 33
CRÉER UN ESPACE MONDIAL DE PARTAGE DU SAVOIR

– Échelon d’application de la proposition : G8/G20.
– Contexte : Les technologies de l’information sont un levier essentiel pour diffuser et démocratiser le savoir. De nombreuses universités, principalement américaines (Stanford, Harvard, MIT, Princeton) et des organisations (Kahn Academy, Coursera) proposent déjà des enseignements en ligne. Ces enseignements donnent parfois même lieu à l’obtention d’un certificat. Ce partage et cette ouverture constituent des éléments essentiels dans une économie positive.

Plus encore, l’accès à l’éducation est inégal à travers le monde.

En particulier, les établissements d’enseignement supérieur prestigieux sont réservés à une élite. Le mouvement actuel de mise à disposition ouverte des contenus éducatifs sur le web permet à chacun de pouvoir y accéder, quels que soient son niveau de revenus ou le lieu où il réside. Ainsi, en 2010 a émergé une tendance de démocratisation de l’enseignement supérieur, grâce à et sur Internet. Udacity comme Coursera, deux start-up qui offrent des Massive Open Online Courses (MOOC), ont été créées par des anciens enseignants de Stanford, début 2012, et suivies par

Harvard et le MIT, qui ont annoncé en mai leur collaboration sur le projet MOOC à but non lucratif edX. Des programmes comme OpenCourseWare, disponibles dans des centaines de collèges et d’universités, permettent aux élèves et aux enseignants de puiser dans les ressources de certains des meilleurs établissements du monde. Ainsi, le site OpenCourseWare du MIT a été consulté par 95 millions de visiteurs provenant de tous les pays du monde, dont 43 % d’entre eux sont autodidactes. L’engagement massif dans la mise à disposition des contenus éducatifs est un facteur de réduction des inégalités sociales.

 

PROPOSITION N° 44
FAVORISER LE DÉVELOPPEMENT DE L’ÉCONOMIE DU PARTAGE

– Échelon d’application de la proposition : national ou UE.
– Contexte : Une économie positive est ouverte et intègre le potentiel d’une économie du partage, et non pas seulement dans sa dimension de financement participatif (cf. supra : crowdfunding). Une économie du partage, ou « économie collaborative », émerge déjà dans de nombreux domaines (échange de maisons, couchsurfing, covoiturage, auto-partage…). Elle est rendue possible par Internet et se développe grâce aux réseaux sociaux. En permettant le partage, elle embrasse l’idée d’une économie d’usage et sort du modèle productiviste intenable à long terme, car destructeur de l’environnement. Elle introduit le facteur humain dans les échanges, instaure des relations de confiance entre individus. Certaines organisations ont déjà bâti leur modèle économique essentiellement sur cette nouvelle économie. Airbnb est l’un des exemples les plus connus : ce site créé il y a cinq ans, qui permet à des particuliers d’accueillir chez eux des personnes de passage dans leur ville moyennant paiement d’une somme leur procurant un complément de revenu, a été utilisé par 3 millions de voyageurs rien qu’en 2012.