En ces temps de crise, j’ai envie de douter du chiffre… plus précisément du chiffre « mathématique », non relié aux faits, et de militer contre le tristement célèbre « cost-killing ». Un chiffre pessimiste fourni seul, sans analyse fine et étayée ni explication de l’environnement, est dangereux. Il produit un effet anxiogène et peut conduire à une décision hâtive de simplification « par le bas » et de réduction des coûts…
Quels ont été les bénéfices des multiples missions d’« optimisation des coûts » déjà opérées au sein des structures ? Souvent brutales, non comprises et partagées avec les équipes, produisent-elles de la valeur ? Non et bien au contraire, ces stratégies finalement passives et défaitistes auto-génèrent elles-mêmes de nouveaux plans de récession en chaîne.
Le culte stressant de l’analyse comptable et financière traditionnelle conduit à des stratégies défensives. Il a pour conséquence la domination du contrôle sur la confiance dans l’acte de management, ce qui nuit inutilement au développement de l’autonomie, de la responsabilité et de l’épanouissement des collaborateurs. Pour éviter cet écueil, il conviendrait de franchir un seuil, de relier les chiffres aux lettres, et d’entamer avec lucidité et sérénité une analyse complète des composantes de nos entreprises.
Identifier les coûts et dysfonctionnements cachés en valeur ajoutée
Nos organisations sont infiniment plus riches et fertiles en informations de natures qualitatives et quantitatives (projets en cours, potentiel des collaborateurs, évolution des marchés, satisfaction des clients,…) que financières. Ces informations sont mesurables et chiffrables selon les hypothèses choisies.
Une méthode efficace permettant de rester au contact des besoins du terrain serait dans un premier temps d’admettre l’existence de dysfonctionnements, bien naturels d’ailleurs, au sein de nos organisations. Ces données « enterrées » par les systèmes d’analyse traditionnels sont de natures multiples : évaluées entre 15 000 € et 60 000 € par an et par collaborateur, par l’institut ISEOR[1], après 1300 cas d’entreprises et organisations étudiées. Ces dysfonctionnements, nous les observons, de près ou de loin chaque jour, et ils sont de natures diverses : risques, pertes de temps, compétences mal affectées, potentiel non créé, gaspillages.
Prenons le cas de 20 personnes qui perdraient une demi-heure par jour à traiter des mails qui ne les concernent pas. Un calcul simple basé sur la masse salariale permet de démontrer que cela engendrerait 80 000 € de coûts cachés annuels. Dans le domaine du Système d’Information d’ailleurs, les coûts liés aux dysfonctionnements représenteraient 60 % du coût global de possession, d’après Markess international. La nouvelle de ces pertes cachées est excellente. Elle est la preuve tangible des belles réserves de potentiel que recèlent nos organisations !
Il y a une valeur réelle à considérer cette « boîte noire », apprendre à en mesurer régulièrement les coûts, pour en recycler une partie dans notre chaîne de création de richesses. Admettre qu’il est porteur d’ausculter notre valeur « immatérielle », représentée par nos potentiels humains et notre organisation interne, plutôt que nous acharner sur les chiffres et virgules de nos tableaux Excel…
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Grégoire de Préneuf, est co-fondateur de Deuzzi
[1]ISEOR : Institut de Socio-Economie des Entreprises et des Organisations – 37 années d’existence – 60 ouvrages – 600 intervenants – 1300 structures accompagnées – 1 Million d’heures de recherche – 3 534 catégories de dysfonctionnements recensés.