L’électronique moderne, des smartphones dans nos poches aux véhicules autonomes, est rendue possible par les semi-conducteurs qui se trouvent au cœur de tous les appareils électroniques actuels, des circuits intégrés et des composants spécialisés. Certaines puces contenant jusqu’à des milliards de dispositifs semi-conducteurs répartis sur une plaquette de silicium, on pourrait penser que ces types de matériaux omniprésents devraient être facilement disponibles en raison de leur demande constante…

Ce que beaucoup ne réalisent pas, c’est que la fabrication de semi-conducteurs est coûteuse, complexe et soumise à des délais prolongés qui ne peuvent pas être facilement ajustés, ou du moins, pas rapidement. Dans ce contexte de pénuries ayant marqué ce début d’année et n’étant pas prêtes de s’atténuer, faisons un état des lieux de la fabrication de semi-conducteurs et le rôle qu’elle joue dans la gestion des pénuries actuelles et futures.

Pénurie de semi-conducteurs : pourquoi ne pouvons-nous pas simplement « en faire plus » ?

Les pénuries les plus récentes, qui ont commencé au quatrième trimestre de 2020 et se prolongent en 2021, sont le résultat de l’évolution de la demande dans les secteurs de l’automobile et de l’électronique grand public, qui dépendent tous deux des semi-conducteurs pour fabriquer leurs produits.

Dans le secteur automobile, cette réalité est notamment due à l’explosion du marché des véhicules électriques. Non seulement ces derniers sont en plein essor, mais de façon plus générale, la technologie est omniprésente dans la conception des véhicules modernes : du système d’info-divertissement aux fonctions de sécurité assistées par le conducteur, en passant par les vitres et les sièges électriques. Les véhicules sont plus proches des ordinateurs qu’ils ne l’ont jamais été.

Cela crée, bien sûr, une demande généralisée pour une variété de semi-conducteurs différents. Face à une demande croissante, la solution la plus évidente serait de « fabriquer plus », mais dans le cas des semi-conducteurs, ce n’est pas si simple.

Nous avons récemment interrogé Mike Hogan, Vice-président et directeur général de la division Automobile, Industrie et marchés stratégiques chez GlobalFoundries, sur les problèmes de capacité et d’échelle de production. Ce qui ressort immédiatement, ce sont les coûts initiaux importants et la complexité de la mise à l’échelle d’une activité aussi complexe que la production de semi-conducteurs.

Plus précisément, l’équipement utilisé pour fabriquer les plaquettes de silicium est extrêmement coûteux et construit sur commande. L’automobile présente également un problème unique dans la mesure où des capacités supplémentaires sont nécessaires pour un large éventail de nœuds technologiques.

En termes de financement, on peut partager les coûts initiaux ou modifier la tarification de l’autre côté de l’équation. Cependant, malgré cela, la capacité de production ne va pas augmenter d’elle-même. Les fabricants de puces peuvent augmenter leur capacité par à-coups, mais pas chaque année. Les partenariats avec les clients ou les gouvernements représentent une solution potentielle pour obtenir des capacités supplémentaires, mais en plus de 40 ans de fabrication, la supply chain automobile n’a pas du tout été adaptée à cette problématique. Il faudra donc du temps et une demande stable pour tout équilibrer.

Dans ce cas, la complexité de la supply chain automobile à l’échelle mondiale offre un large éventail de points de vue sur la manière d’aller de l’avant. L’industrie automobile va évoluer vers une relation différente avec ses différents partenaires, notamment dans la fonderie. Une relation sans précédent pour eux mais assez courante dans l’électronique.

Malgré tout cela, le fait est qu’il peut s’écouler jusqu’à 26 semaines entre le début de la production et l’emballage des puces prêtes à être expédiées. De plus, il n’existe qu’un nombre limité d’usines de fabrication dans le monde capables de produire des semi-conducteurs. Un examen plus approfondi de la fabrication de ces puces très convoitées permet de mieux comprendre les défis liés à la hausse de la demande et des périodes de pénurie.

Du silicium au semi-conducteur : Vue d’ensemble de la fabrication des composants électroniques

Si la plupart des gens ont entendu parler des semi-conducteurs, très peu connaissent le processus de fabrication. En tant que matériau se situant entre un conducteur et un isolant, les semi-conducteurs gèrent et contrôlent le flux de courant dans l’électronique. Ils sont souvent fabriqués à partir de matières premières comme le silicium et le germanium, ainsi que d’autres éléments purs.

La production consiste à ajouter des impuretés à l’élément de base dans un processus appelé « dopage », qui ajuste la conductivité ou l’inductance du produit final en fonction du type et de l’intensité des impuretés ajoutées. La mémoire des ordinateurs, les circuits intégrés, les diodes et les transistors sont tous fabriqués à partir de semi-conducteurs.

Au cours de la production, à l’exception du nitrure de gallium, tous les semi-conducteurs sont fabriqués sur des matériaux monocristallins selon une méthode similaire à celle du procédé de Czochralski, inventée en 1915. Au cours de ce processus, un matériau semi-conducteur polycristallin fondu est combiné à un dopant, puis un cristal d’ensemencement est introduit, ce qui fait que les atomes individuels s’arrangent pour s’aligner sur le cristal d’ensemencement lui-même.

Le cristal est ensuite étiré, poli et découpé en tranches qui sont elles aussi polies au point d’être presque complètement lisses au niveau atomique.

Vient ensuite un processus appelé photolithographie, qui utilise la lumière pour transférer des motifs géométriques d’un photomasque à une résine chimique photosensible sur le substrat. En pratique, ce processus recouvre la surface de la tranche de silicium d’un masque qui bloque tout ce qui ne doit pas être exposé à la lumière UV. Une fois terminé, la partie exposée est dissoute, ce qui laisse une partie de la surface protégée et d’autres parties exposées pour la gravure, qui trace la forme des câblages et autres composants.

L’ensemble de ce processus ne correspond qu’à une seule couche d’un circuit, et cette description reste encore très superficielle. Selon la complexité du processus de fabrication, il peut y avoir jusqu’à 1 400 étapes  dans la fabrication globale des seules plaquettes de semi-conducteurs. Les transistors sont formés sur la couche la plus basse, mais le processus est répété à mesure que les nombreuses couches de circuits sont formées pour créer le produit final.

Une fois la fabrication terminée, les semi-conducteurs sur la plaquette de silicium doivent passer par les étapes d’assemblage, de texte et d’emballage, ce qui peut prendre six semaines, au-delà des 14 à 20 semaines déjà nécessaires pour fabriquer la plaquette uniquement.

Tout ceci se passe dans des installations incroyablement avancées, appelées salles blanches, qui se trouvent dans la zone centrale d’une usine de fabrication. La production a généralement lieu dans des environnements d’azote hermétiquement clos qui utilisent des machines automatisées pour transporter les plaquettes d’une machine à l’autre.

Pour maintenir ces environnements miniatures qui garantissent un rendement optimal du produit fini, les fabricants ont besoin de quantités massives d’azote liquide. Cela a pour but de maintenir l’atmosphère à l’intérieur de l’installation et dans les boîtes scellées spécialisées – connues sous le nom de pods unifiés à ouverture frontale –  utilisées pour transporter les plaquettes.

Tracer la voie à suivre

Étant donné la complexité du processus de fabrication des semi-conducteurs et les installations de pointe nécessaires à leur fabrication, il est facile de comprendre pourquoi les pénuries ne sont pas aussi simples à régler qu’avec une simple augmentation de la production. Malgré tout, la capacité totale des usines de fabrication devra augmenter à long terme pour répondre à une demande qui ne peut être satisfaite par l’exploitation accrue des usines existantes.

Les niveaux record d’investissement dans la fabrication et la R&D, associés à des partenariats plus intelligents et à de nouvelles approches en matière d’approvisionnement, permettront de dépasser les pénuries actuelles de semi-conducteurs.
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Par Richard Barnett, CMO de Supplyframe