Le gouvernement vient de valider la feuille de route du plan de reconquête industrielle « cybersécurité » (n°33). Si l’Afdel soutient pleinement la poursuite des objectifs affichés de renforcement de la filière française de cybersécurité, elle souhaite que la France mette en œuvre un modèle industriel qui aille au-delà des besoins de la Défense nationale. L’Afdel appelle ainsi à renforcer l’attractivité des PME françaises de cybersécurité pour hisser les acteurs français au niveau de la compétition internationale.

La structuration d’une filière industrielle forte, permettant de maitriser les technologies de cybersécurité, est devenue un élément déterminant pour l’autonomie stratégique de la France. Mais, à l’échelle globale, le secteur reste dominé par les écosystèmes américain et israélien, où les startups de la cybersécurité foisonnent aux côtés de grandes entreprises. Dans un cas comme dans l’autre, les pouvoirs publics ont su attirer investisseurs, entrepreneurs et chercheurs et certaines entreprises issues de ces écosystèmes sont rapidement devenues des leaders mondiaux dans leur segment de marché au travers d’une utilisation exceptionnelle des mécanismes de financement.

Une filière française fragmentée et peu présente à l’export

En comparaison, et en dépit de la qualité de nos ingénieurs, la réalité française est, il faut le reconnaître, peu enviable selon le constat que dresse l’Afdel.  Dans son Livre blanc « Cyber-sécurité : hisser les acteurs français au niveau de la compétition internationale », piloté par la Commission « Cyber-Sécurité » de l’Afdel, elle souligne : les PME du logiciel de cybersécurité restent peu attractives pour les investisseurs privés. Elles mettent beaucoup de temps à se développer, sont centrées sur le marché domestique et n’atteignent jamais la taille critique.

Pour Thierry Rouquet, président de la commission cybersécurité de l’Afdel et ancien président d’Arkoon Network Security, un des principaux acteurs français du logiciel de cybersécurité: « En l’état, les donneurs d’ordre français doivent choisir entre des solutions promues par des entreprises mondialisées (ou en voie de mondialisation), disposant de moyens considérables mais qui risquent de comporter des moyens de détournement, ou des solutions « de confiance », venant de petites sociétés françaises aux capacités financières faibles et présentant donc un risque d’exécution et de pérennité. »

Réorienter le plan cyber-sécurité vers la dynamique du marché

Selon l’Afdel, il est donc nécessaire de réorienter la vision retenue par le plan industriel « Cyber-sécurité ». En prévoyant la création de fonds d’investissement « cyber » limités à des ressources (semi) publiques, donc insuffisantes, ce dernier se focalise sur la nationalité des entreprises au lieu de se focaliser sur le développement d’un écosystème dont le centre de gravité serait en France. La filière française risque de perdre rapidement en compétitivité vis-à-vis d’acteurs mieux dotés et finira par être incapable de satisfaire les clients sensibles que cette politique de contrôle des investissements était supposée protéger.

A l’inverse, si l’arrivée d’investisseurs privés s’accompagnerait inévitablement du rachat de sociétés par des acteurs étrangers, elle accélèrerait aussi le développement permanent d’un savoir-faire technique et entrepreneurial jusqu’à permettre l’émergence d’acteurs nationaux capables, à leur tour, de consolider des acteurs étrangers. A cet égard la conquête de parts de marché doit être reconnue comme un objectif stratégique de la stratégie de cybersécurité des pouvoirs publics.

Elargir progressivement la « zone de confiance » au niveau européen

Dans le même temps, il est, du point-de-vue de l’Afdel, nécessaire d’élargir la notion de « confiance » retenue par le plan. Le périmètre « géopolitique » au sein duquel la notion de confiance des solutions de sécurité pourrait être partagée et dans lequel il serait possible d’envisager la constitution de la « base industrielle forte » que les autorités appellent de leurs vœux doit dépasser les frontières de l’Hexagone. A l’évidence le marché français est bien trop restreint et aucun pays tiers n’accepte de se ranger à une définition unilatérale de la confiance. Il faut donc prendre le risque d’élargir cette définition si l’on veut y rallier d’autre pays, au premier rang desquels notre partenaire allemand, pour créer un marché suffisamment large. Pour l’Afdel, le label « France » prévu par le plan industriel 33 pourrait être utilement remplacé par un label « Europe ».