La gestion des cessions en réassurance est un enjeu technologique chronique pour les assureurs qui ne disposent que de tableurs pour le suivi de leurs primes et sinistres de réassurance. Les experts ne cessent de le répéter : ces méthodes manuelles sont source d’erreurs et ralentissent l’activité alors même qu’elles réclament d’importants efforts. De plus, les tableurs ne facilitent pas la conformité réglementaire mais ils n’empêchent pas non plus certains sinistres de passer entre les mailles du filet !
De plus en plus d’assureurs admettent aujourd’hui qu’ils pourraient bénéficier de meilleurs outils. Alors qu’un certain nombre de compagnies d’assurances se sont équipées ces dernières années, beaucoup d’autres, notamment aux Etats-Unis, envisagent de sauter très prochainement le pas et de déployer leur premier système d’information réassurance. Leur objectif est de disposer d’un logiciel capable de les accompagner dans la gestion de facultatives et de traités de réassurance complexes mais surtout capable de centraliser efficacement les polices et sinistres associés au sein d’une base de données unique.
Les cédantes qui cherchent à améliorer leurs outils (manuels ou développés en interne) ont désormais plusieurs alternatives qui s’offrent à eux, ne serait-ce que pour répondre aux questions d’ordre pratique (où et comment installer le logiciel ?).
Alors que le modèle « licence + installation sur site » (on-premise) reste toujours d’actualité, la plupart des compagnies étudient l’opportunité de déployer leurs nouveaux outils sur le cloud. Les éditeurs du marché constatent quant à eux que tous les appels d’offre IT lancés sur le secteur des assurances réclament désormais une réponse avec l’option « en mode SaaS ou hébergé ».
Cela n’est pas surprenant. Un livre blanc du cabinet Ovum datant de 2014 sur le secteur des assurances indique que 52 % des DSI interrogés affectent 20 à 39% de leurs nouvelles dépenses IT en solutions SaaS, tandis que 21 % de cette population y consacre 40 à 59% de leur budget.
La définition du modèle SaaS n’est pas gravée dans la pierre mais essayons d’en comprendre rapidement les principes : le recours au mode « SaaS » signifie normalement que la société d’assurance paye à l’éditeur de la solution un abonnement mensuel qui couvre l’ensemble des services, y compris le droit d’usage du logiciel, sa maintenance, les mises à jour et le support.
Le plus souvent, le système est hébergé par une société spécialisée comme Amazon Web Services qui certifie la sécurité des données et propose des garanties en termes de performances et de disponibilité du service (SLA ou Service Level Agreement).
Le modèle SaaS (ou sa version hosting hybride que nous décrirons plus loin dans cet article) s’applique particulièrement bien à la gestion de la réassurance. Pour les DSI de compagnies qui se posent des questions, c’est une excellente opportunité de tester les avantages du SaaS et de se familiariser avec ce modèle avant de se lancer sur des projets à plus grande échelle comme la migration de l’intégralité d’un backoffice assurance sur le cloud.
Le succès du mode SaaS s’explique par différentes raisons, la première étant les économies qu’il permet de réaliser ainsi que la visibilité à long terme du coût complet concernant le logiciel. Au lieu de s’acquitter d’un prix de licence en année 1, la société utilisatrice paye chaque mois un abonnement comprenant tous les services dont elle a besoin. A l’éditeur et son hébergeur de fournir l’application et le logiciel sous-jacent (comme Oracle ou WebSphere) ainsi que les serveurs. Tout ce dont le client a besoin, c’est d’une bonne connexion internet ! Et si par malheur, la compagnie est touchée par un tremblement de terre ou si ses locaux doivent fermer suite à une inondation, l’activité ne s’arrêtera pas car les utilisateurs pourront se connecter à l’application depuis n’importe quel ordinateur.
Déléguer les conditions d’accès, la maintenance et la mise à jour du logiciel à la société qui l’a développé et aux experts qui y travaillent constitue le deuxième avantage du mode SaaS. Au lieu de mobiliser des ressources en interne pour mettre en place des correctifs, le vendeur se charge de garantir la disponibilité de l’application 24h sur 24, 7 jours sur 7. Et qui mieux que lui connaît le logiciel et est à même de fournir la meilleure prestation possible ? N’est-il pas de toute façon obligé de fournir le même niveau de service pour ses nombreux clients ? Grâce aux économies d’échelle réalisées par l’éditeur, le coût en est de plus réduit.
Un ticket d’entrée plus abordable et la possibilité d’externaliser la maintenance de l’outil auprès d’experts, voilà les principaux arguments en faveur du mode SaaS, notamment auprès des petites et moyennes sociétés d’assurance. Celles-ci peuvent par conséquent bénéficier d’un logiciel à la pointe de la technologie alors qu’il serait souvent inabordable en mode « on-premise ».
Mais même les plus gros acteurs du marché peuvent trouver un intérêt au mode SaaS, quand bien même ils disposent des équipes et budgets nécessaires à la mise en œuvre d’un système installé sur site. Quelle que soit sa taille, la société d’assurance bénéficie avec le modèle SaaS d’une plateforme qui ne sera jamais obsolète. De plus, emprunter la voie du SaaS permet d’accélérer le projet d’implémentation puisqu’aucun achat matériel ni aucune prestation d’installation n’est requis. La durée du projet dépendra uniquement du nombre et de la complexité des développements spécifiques demandés ainsi que de la migration des données depuis l’ancien système.
Le caractère scalable du modèle SaaS constitue aussi un autre avantage : si l’activité de l’utilisateur augmente, il peut ajuster son abonnement mensuel au lieu d’acheter de nouvelles licences (et donc du matériel et des prestations supplémentaires).
Une étude du cabinet Gartner de 2014 menée sur des sociétés d’assurance de 10 pays différents indique que la plupart d’entre elles sont en train de déployer des solutions en mode SaaS pour des applications critiques. La part des applications en mode installé qui était jusqu’ici traditionnellement majoritaire devrait tomber de 34% à 18% d’ici 2017.
En dépit de ces indéniables plus-values, il existe de réels freins à la généralisation du modèle SaaS.
La barrière la plus fréquemment avancée est la volonté de ne pas confier ses données à un tiers. C’est évidemment un élément crucial dans la mesure où un logiciel de gestion des cessions en réassurance exploite presque toutes les informations de l’assureur, parfois sur plusieurs exercices de souscription.
Pour accepter le recours à une solution SaaS, les dirigeants de sociétés d’assurance doivent être convaincus que leurs données sont confidentielles et parfaitement sécurisées, même si elles sont stockées par un prestataire.
Dans ce cas, un compromis peut être trouvé avec le mode « hosting hybride ». Assez courant en Europe, cette solution commence à se répandre aux Etats-Unis.
Ce modèle prévoit le stockage des données et l’installation du logiciel chez la société utilisatrice qui doit s’acquitter du prix de la licence. La différence réside dans la possibilité donnée à l’éditeur de se connecter à l’environnement de l’assureur pour administrer, optimiser et maintenir le système. Comme dans le mode SaaS, la DSI de l’assureur reste peu impliquée dans le projet, si ce n’est pour la maintenance matérielle (serveurs) et toute la partie « applicative » est externalisée auprès de l’éditeur.
Dans quelle mesure le prestataire peut-il avoir accès aux données et systèmes de la compagnie dans ce modèle hybride ? Cette question reste à débattre entre les parties en fonction du degré de confort attendu par l’assureur.
Quelle est en définitive la meilleure solution pour gérer ses cessions en réassurance ?
Chaque cédante est unique et la réponse à cette question peut varier d’une société à l’autre en fonction de nombreux critères. Ce qui est sûr, c’est que quel que soit son choix (mode installé, SaaS ou hybride), la mise en œuvre d’un progiciel dédié au lieu du recours aux tableurs permettra à la cédante de moderniser et d’améliorer concrètement et efficacement la gestion de ses cessions en réassurance. Et cela sera bénéfique à toute l’entreprise.
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Joseph Sebbag est CEO d’Effisoft