L’utilisation de logiciels et de processus inefficaces entravent la productivité de nombreux employés.

C’est la conclusion de l’étude intitulée Demystifying the desktop What workforce intelligence reveals about technology and employee productivity que vient de publier l’éditeur Pegasystems à partir l’analyse des tâches effectuées sur les postes de travail de responsables de support opérationnel (back office, saisie de données, service client…) dans des entreprises issues du classement Global 2000.

Il est vrai que les statistiques présentées dans cette étude sont surprenants et ont de quoi donner le tournis. Les utilisateurs sont souvent contraints de jongler avec près de 35 applications métiers, soit plus de 1 100 fois par jour.

Des applications et des processus inefficaces 

Les entreprises fournissent à leurs employés un certain nombre d’applications métiers, conçues pour les aider à accélérer les tâches fondamentales, avec un minimum de manipulation. Or, l’étude révèle qu’ils sont ralentis par un nombre excessif d’applications déconnectées, entrainant des processus inadaptés, de nombreuses erreurs et des interventions superflues qui pourraient être automatisées :

– Les employés exécutent en moyenne 134 « copier-coller » par jour – l’une des grandes innovations apportées par les interfaces graphiques -, temps « perdu » à passer d’une application à l’autre,
– Ils commettent 845 erreurs de saisie par jour. Nombre qui serait fortement réduit par l’adoption d’une automatisation robotique adaptée,
– Les applications métiers ne sont utilisées que pendant 28 % du temps de travail, au détriment de logiciels, tels que les feuilles de calcul ou les traitements de texte. Ce qui implique l’incapacité des applications métiers à compléter leurs tâches entièrement.

Dans son ouvrage Le Travail en miettes publié en 1956, le sociologue Georges Friedmann y étudie les effets du progrès technique sur le travail. L’auteur portait au contraire un regard critique sur les effets du travail à la chaîne, sans pour autant verser dans la technophobie.  Il serait donc intéressant de publier une deuxième étude liée à l’omniprésence des outils informatiques et numériques qui ont transformé le travail quotidien en une succession de nombreuses tâches parfois sans aucune continuité.

C’est ce que l’étude de Pegasystems dans un chapitre sur « les distractions qui détournent de la mission principale ». Au cours de la journée de nombreuses distractions détournent les employés des tâches les plus productives : Les utilisateurs consultent en moyenne leurs e-mails 10 fois par heure, soit toutes les 6 minutes ; Ils passent 13 % de leur temps à gérer leur boîte de messagerie, dont 23 % seulement à exécuter des tâches à valeur ajoutée.

L’étude propose également des données anecdotiques. Par exemple, Il y a 22 % d’erreurs en plus réalisées le jeudi par rapport au vendredi, jour de la semaine enregistrant le moins d’erreurs, Ceux qui doivent jongler jusqu’à parfois 30 applications minimum au cours de leur journée de travail enregistrent un taux d’erreurs de plus 28 % par rapport à ceux qui en utilisent moins.

Les réponses à des manques de productivité et autres dysfonctionnements suggérés par Pegasystems sont l’utilisation des technologies d’intelligence artificielle et de machine learning, des bots, de reporting et de mesure de performance. Solutions auxquels on pourrait ajouter les outils de RPA (automatisation des processus robotisés).

Le Cigref s’est également penché sur la question de l’environnement de travail dans son étude publiée il y a quelques et sur les responsabilités des DSI dans leur évolution (Evolution de l’environnement de travail à 5 ans, le DSI au service de l’expérience salarié). « La DSI doit gérer les grands équilibres de l’entreprise tout en offrant aux salariés une expérience simple et fluide qui correspond à leur vécu en dehors de la sphère professionnelle (…) Ne pas tenir compte du besoin client, c’est s’exposer à des stratégies de contournement et de perte de contrôle des outils », écrit Thierry Souche, DSI du Groupe Orange et pilote du groupe de travail qui a rédigé le document (voir l’encadré ci-dessous sur les enjeux posés par l’évolution des environnements de travail).

Une problématique qui prend une dimension nouvelle avec la transformation numérique en cours dans les entreprises. Sachant qu’il faut prendre également prendre en compte des évolutions dans les habitudes de travail. « Le futur du travail sera agile et à la demande : travailler de partout, à tout moment et sur n’importe quel support se normalise, et les espaces de travail plus flexibles, plus ouverts et plus connectés se généralisent en entreprise, indiquent les auteurs de l’étude. La dimension humaine et la méthode constituent les deux facteurs du succès de cette évolution ».

 


Les enjeux sur lesquels s’est penché le Cigref

Pour concevoir, déployer et maintenir l’environnement de travail de demain, la DSI doit prendre en considération une douzaine d’enjeux, sur lesquels le groupe de travail s’est concentré :

  • L’expérience utilisateur ou UX (user experience) : remettre le client interne au centre pour créer de la valeur tant pour les salariés que pour leur organisation (symétrie des attentions).
  • La sécurité : protéger les données (y compris celles des salariés) et les systèmes dans un contexte de développement du nomadisme, d’utilisation accrue de matériels personnels à des fins professionnelles – et réciproquement – et de bascule progressive vers des solutions cloud.
  • L’attractivité : dynamiser l’image employeur, attirer et retenir les talents, concilier les exigences des nouvelles générations et les nouveaux usages avec les contraintes des organisations, en proposant des outils et services pour une UX plus fluide et intuitive, « comme à la maison ».
  • L’innovation : au service des métiers et de la productivité collective et individuelle.
  • L’anticipation des besoins métier, de l’entropie et de l’obsolescence : se projeter en gérant l’existant (l’IT patrimonial ou « legacy »), choisir dans un contexte incertain et fortement évolutif, notamment s’agissant des solutions sur le marché et de la bascule dans le cloud.
  • La rationalisation : identifier les besoins et segmenter les populations et usages associés (profiling), gérer l’IT bimodale ; savoir « tuer » des applications ; simplifier les solutions, penser « parcours » utilisateurs.
  • La transformation inclusive : embarquer toutes les populations salariées, faire participer les utilisateurs, accompagner le changement, s’appuyer sur l’encadrement et des ambassadeurs.
  • La méthodologie : engager en mode projet la modernisation des services et des usages, s’appuyer sur un sponsorship fort, mettre un place un pilotage collégial et global, partager la vision.
  • L’indépendance & l’adaptabilité : s’assurer de la réversibilité des solutions choisies, de leur interopérabilité et de leur bonne intégration aux SI et usages de l’entreprise, dans une démarche d’amélioration continue.
  • L’optimisation : aborder sous l’angle économique l’investissement dans l’environnement de travail, en prenant en compte l’intégralité des coûts (d’acquisition, de détention et de support, etc., mais aussi les coûts indirects et « humains » d’adoption).
  • La conciliation : gérer les injonctions paradoxales (exigences utilisateurs vs obligations de sécurité/conformité et de maîtrise budgétaire) ; placer le curseur entre deux logiques antagonistes : un modèle monolithique (uniformiser les outils, imposer, interdire) vs un modèle « permissif » (foisonnement contrôlé des outils, notamment par l’autorisation de dispositifs personnels).
  • L’évaluation : mesurer le ROI, les coûts évités, les impacts sur l’image de marque employeur, sur la performance globale et individuelle, la satisfaction utilisateurs, etc. ; communiquer sur les résultats.