En mai dernier, 11 ans après sa création, Dropbox a fait son introduction en bourse avec une valorisation dépassant les 10 milliards de dollars. Une étape importante dans la vie de l’entreprise. A cette occasion, Quentin Clark, SVP Engineering, Product and Design explique la stratégie de l’entreprise.
InformatiqueNews : La proposition de Dropbox il y a dix ans était tout à fait innovante et répondait à de nouveaux besoins. Aujourd’hui, elle est devenue une commodité avec de nombreux concurrents dont certains se recrutent parmi les leaders du cloud public. N’est-ce pas là une situation dangereuse ?
Quentin Clark : En fait, depuis sa création, Dropbox a constamment évolué sur le front de l’innovation en passant d’un fournisseur d’une solution de stockage synchronisé à celui de services de partage de contenus et de collaboration, et ce de manière continue et presque imperceptible par l’utilisateur. Alors que certains concurrents sont en train de développer des services de stockage partagé et au-delà, ils n’ont pas notre expérience en matière de performance, de sécurité, de collaboration.
Nous sommes encore très en avance sur les offres concurrentes qui apparaissent. Et l’on constate que nos clients (payants) qui utilisent Office 365 ou G Suite continuent à utiliser les solutions Dropbox, preuve qu’elles leur apportent des fonctionnalités supplémentaires (meeting, vidéo…) qui leur sont utiles. Et clairement la tendance est au partage de contenu et au collaboratif que nous proposons via les fonctions Paper, Comment, Collaboration, Showcase… Et nous allons bien sûr continuer à faire évoluer nos solutions.
IN : Certes les clients Office 365 et G Suite utilisent Dropbox, mais à terme ne vont-ils pas abandonner vos services pour avoir une seule et même solution ?
Q.C. : La réalité est que Dropbox leur permet d’utilisateur plus efficacement Office 365 ou G Suite. Utiliser Word, Excel ou PowerPoint dans Dropbox apporte une amélioration tout à fait significative. Mais nous sommes toujours restés neutres vis-à-vis de ces solutions du marché. Dropbox permet par exemple faire un lien entre Excel et Autocad et d’échanger et de collaborer autour de données et de plans. Dropbox joue un rôle pivot inégalable. Finalement, plus il y a de solutions existantes différentes et plus Dropbox est utile et permet de les utiliser de manière plus efficace. Autre avantage, il n’est pas nécessaire que tous les utilisateurs soient dotés de toutes les licences de ces produits, Dropbox jouera le rôle de plate-forme commune permettant le partage de contenu.
IN : Le risque n’est-il pas que ces deux acteurs, Google et Microsoft, qui sont aussi très présents sur le cloud, élargissent leur proposition pour proposer ce qu’offre Dropbox ? A ses débuts, Google ne disait-il pas qu’il était un à clic de ses concurrents ?
Q.C. : Il faut seulement constater qu’ils existaient déjà quand nous nous sommes lancés il y a 11 ans et que nous sommes toujours là et que nous sommes une société valorisée à plus de 10 milliards de dollars. Nous avons donc prouvé que nous étions capables de nous développer dans un environnement très concurrentiel. Nous sommes l’enveloppe collaborative dont les utilisateurs ont besoin. Microsoft et Google sont très bien dans une situation de monopole, mais dans une situation d’utilisation mixte, ils sont nettement moins efficaces. C’est là où nous intervenons. Plus il y aura de solutions et de diversité et plus Dropbox sera utile.
IN : La difficulté n’est-elle pas que Dropbox modifie les habitudes des utilisateurs et change leur manière de travailler ? Utiliser Paper par exemple alors qu’ils sont habitués à envoyer des mails avec des pièces attachées ?
Q.C. : Peut-être, mais c’est là l’une des caractéristiques de l’industrie du logiciel qui motive les utilisateurs qui sont prêts à changer et à apprendre de nouvelles choses si les solutions leur permettent d’être plus efficaces. Sachant que dans le cas de Dropbox, l’apprentissage reste relativement simple. Cette évolution est encore plus évidente avec les jeunes générations qui attendent des outils toujours performants. C’est là le compromis permanent entre habitudes de travail et nouvelles fonctionnalités.
IN : Vous avez un business model fremium assez classique. Mais le rapport entre utilisateurs gratuits et payants n’est-il pas trop élevé ?
Q.C. : Nous avons environ 500 millions d’utilisateurs gratuits et 11 millions d’utilisateurs payants. 80 % de nos revenus proviennent des entreprises et 90 % de notre activité est issue du self-service : les utilisateurs qui décident eux-mêmes de passer en mode payant. Le schéma assez classique est le suivant : les utilisateurs font appel à Dropbox dans un cadre personnel puis sont amenés à favoriser l’utilisation de nos solutions lorsqu’ils se trouvent dans des situations analogues. C’est un mécanisme assez puissant car les utilisateurs sont moteurs de leur propre expérience. Il aide nos forces de vente qui arrivent dans les entreprises avec des utilisateurs sinon conquis, déjà avertis et favorables. Dropbox s’inscrit pleinement dans la tendance de la consumérisation de l’IT dans lequel il a été à la pointe. Aujourd’hui, les utilisateurs souhaitent leurs solutions et ne veulent qu’elles leur soient imposées par la DSI. Bien sûr, la DSI n’est pas exclue du processus car elle doit assurer que nos solutions s’intègrent bien dans l’environnement IT existant, qu’elles soient sécurisées, manageables.
IN : Pouvez-vous donner une sorte de roadmap de vos solutions ?
Q.C. : L’avenir de Dropbox s’inscrit vraiment dans la continuité de ce qui l’existant. Il s’agit toujours de faire en sorte qu’un utilisateur Google Suite, Salesforce et Adobe par exemple voit sa vie facilitée avec Dropbox. C’est aussi simple que cela avec des fonctions de partage, de collaboration, de workflow, d’organisation toujours plus puissante.
IN : Dropbox va donc offrir toujours de connexions avec les solutions du marché ?
Q.C. : Oui, c’est notre raison d’être et notre valeur ajoutée.
IN : Quelles sont les profils de vos entreprises clientes ?
Q.C. : Elles sont très diverses, des plus petites aux plus grandes. En Europe, on peut mentionner Adidas et la BBC avec plus de 20 000 utilisateurs chacune. Le cas de la BBC est intéressant car l’entreprise utilisait une solution de collaboration, il a donc fallu faire la preuve de l’efficacité de Dropbox. Aux Etats-Unis, HPE, Facebook, NBC, Newscorp utilisent Dropbox à une très grande échelle. Dans les entreprises du Fortune 2000, vous trouverez Dropbox dans chacune d’elle.
IN : Que pensez-vous de la GDPR ?
Q.C. : Dropbox a toujours eu une approche très poussée en matière de protection des données personnelles et de la vie privée en général. Sachant que notre business model ne vise pas à monétiser les données de nos utilisateurs, nous vendons des solutions. Nous étions donc prêts à sa mise en œuvre quand elle a été établie. GPDR offre une infrastructure claire pour définir notre mode opératoire. Nous y sommes donc favorables et en avons une perception positive.