La transformation numérique est une pièce à deux faces : elle a autant la capacité de libérer les frontières entre les différentes fonctions d’une organisation que d’ériger des murs. L’adoption de certains standards et l’intégration de solutions de business intelligence qui permettent aux métiers de communiquer plus fluidement offrent de nouvelles perspectives aux sociétés à forte croissance.

Ne détournons pas le regard : si en 2021 la transformation numérique s’invite en Une de tous les journaux, nombreuses sont les organisations composant le terreau de notre tissu économique qui sont réticentes à l’adoption d’outils décisionnels. Le déploiement de solutions de planification l’illustre justement : davantage contraintes par la transformation numérique que proactives, les fonctions financières tendent à investir à contrecœur dans le numérique malgré la disponibilité d’outils d’automatisation. Dans la gestion de la croissance d’une PME dont l’analyse de la performance siège souvent dans une série de classeurs Excel, préparer l’avenir nécessite de moderniser ses systèmes d’information. Le risque ? Se trouver dans l’incapacité de gérer son évolution ou son hypercroissance et déplorer du jour au lendemain des systèmes désuets dont le coût, tant en temps homme qu’en risques d’erreurs financières, peut s’avérer fatal.

Automatiser l’analyse financière

L’informatique décisionnelle, qui a pour but de « faciliter la collecte des données, son analyse et la transmission de l’information, et qui la met en forme pour être un support à la prise de décision » (Rikhardsson et Yigitbasioglu 2018, p. 37), offre donc les fonctionnalités nécessaires à ce changement de paradigme. Grâce à l’automatisation des remontées de données et à leur agrégation, elle permet d’améliorer la fiabilité du reporting et de prendre des décisions sur les ressources et les charges d’une entreprise, ou encore sur ses besoins d’investissement. Le malheur des dirigeants réside néanmoins bien souvent dans leur difficulté à évaluer le retour sur investissement des solutions de Business Intelligence.
À y regarder de plus près, on se rend compte que le temps passé par des employés sur la production et la consolidation de données, par exemple lors de la clôture d’un exercice comptable, est titanesque. Or quand un mois est nécessaire pour clôturer un exercice, les outils de BI permettent de le faire en moins d’une semaine. Leur valeur ajoutée se ressent également au quotidien : un dirigeant qui a besoin d’une analyse financière pour prendre une décision doit en temps normal attendre quelques jours pour l’obtenir. La technologie permet quant à elle de réaliser cette tâche en une trentaine de minutes.

Décloisonner les silos entre métiers et finance

La transformation numérique dans les entreprises est un enjeu culturel qui nécessite de nouvelles manières de penser et de travailler. Les échecs en la matière sont nombreux en raison de l’inertie de comportements et de mentalité, mais les réussites marquent la différence dans l’échiquier concurrentiel ainsi que dans le confort des collaborateurs.

Le plus souvent, c’est un gouffre qui sépare les fonctions financières des métiers et qui nourrit l’incompréhension. Quand les contrôleurs de gestion sont préoccupés par la lisibilité du compte de résultat, les directions opérationnelles pilotent des indicateurs de performance.
Ainsi placer la barre trop haute dès le départ comporte des risques tant l’intégration de solutions qui certes viennent réconcilier la finance avec les métiers nécessite dans un premier temps une meilleure communication entre les départements. Ce au minimum pour agréger les bons jeux de données, les nettoyer et les rendre qualitatifs. Dans ces conditions, seule l’expérimentation permet d’apprécier les évolutions. C’est pourquoi je suis convaincu que les outils décisionnels permettront aux directeurs financiers de devenir progressivement « sachants » sur les processus opérationnels.

Redistribuer les responsabilités 

Si les métiers de la finance gagnent en force opérationnelle grâce à la BI, la libération des frontières entre les directions bénéficie tout autant aux fonctions métiers. Dans une chaîne de cabinets médicaux chez qui nous avons intégré une solution, les directions métiers participent aujourd’hui à l’élaboration des analyses financières et à l’exercice budgétaire de l’entreprise. L’accessibilité et la disponibilité des données permettent ainsi à celles et ceux qui sont le plus proches des besoins des clients de s’impliquer dans la stratégie financière du groupe.
Ce type d’exemple requiert une certaine vigilance : en impliquant des collaborateurs hétéroclites sur ce type d’environnement informatique, le Chief Data Officer doit veiller pour éviter des accidents provoqués par des changements non désirés dans les systèmes.

Cette capacité à fluidifier les processus dépend de la maturité numérique d’une entreprise ou encore, de son secteur. Dans l’agriculture par exemple, où les professionnels appréhendent leur budget comme un ménage le ferait, les exploitants ont du mal à envisager un investissement de plusieurs dizaines de milliers d’euros dans un système d’information. Dans ce secteur comme d’autres, on peut imaginer que seule l’évolution de la pyramide des âges bousculera les modes de fonctionnement.
Car ce sujet n’est en réalité pas technologique : il interroge le rapport des individus quant à leur vision du développement économique. Il demande ainsi d’évoluer d’une réflexion mathématique linéaire à un mode de pensée plus conceptuel. Il est donc éminemment sociétal.

Dans un contexte où les organisations s’interrogent sur l’hybridité des modes de travail tout en poursuivant leur transformation digitale, leur capacité à anticiper les besoins des métiers – et donc des individus – est le pilier de leur développement. L’intégration d’outils, accompagnée d’une formation progressive des métiers et des directions financières peut ainsi incarner un nouveau dialogue là où il était le plus souvent absent. Un dialogue en mesure de dissiper les a priori des uns sur les autres, et d’instaurer un apaisement tant attendu au sein des organisations. Autant d’éléments qui nourrissent la logique de croissance d’une entreprise.
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Par David In, responsable d’activité Data (BI/EPM) chez Prodware France