Le recrutement prédictif est devenu la méthode la plus avancée pour sélectionner des candidats. Cela s’explique par le besoin des professionnels RH de s’appuyer sur des éléments tangibles pour prendre leurs décisions, et le poids du CV qui a considérablement baissé.
Dans le même temps, la politique de mobilité dans l’entreprise s’est considérablement musclée avec la mise en place des entretiens de carrière et la construction de parcours professionnels. Les collaborateurs sont en demande d’évolution et l’entreprise veut capitaliser sur les personnes qu’elle a formées et qui se retrouvent dans son projet.
Le point commun de ces sujets ? Le besoin d’anticiper la capacité des gens à réussir dans un poste pour lequel ils ont peu (ou pas) d’expérience. Le recrutement prédictif a montré que c’était possible. Voyons ce qui est transposable dans le cadre de la mobilité.
#1 – Cartographier les facteurs de la réussite
Les métiers sont tellement amenés à évoluer que ce n’est plus tant l’expérience qui est le meilleur indicateur de la réussite que les attributs personnels. C’est ce qui va principalement faire que les personnes restent ou partent, se plaisent ou non, et sont en mesure de porter les évolutions de leur activité. Le tout est de connaître ces critères dans les postes clés de l’entreprise.
Le mieux est de procéder en trois temps : en premier lieu, il s’agit d’identifier les caractéristiques partagées par les personnes en poste (en posture de réussite). Qu’ont-elles en commun ? Pour avoir une mesure objective de cet aspect, il est conseillé de passer par des techniques adaptées. Par exemple, utiliser des tests pour accompagner des prises de décisions, proposer aux personnes en poste de les compléter. Il est possible de constater les résultats obtenus, et ce qu’il faut attendre des collaborateurs aspirants à cette fonction. C’est le principe même du recrutement prédictif.
Dans un second temps, il est possible d’opérer une validation de cette manière : est-ce que les critères identifiés sont ceux qui font défaut aux personnes en échec dans la fonction ou qui sont déjà parties ? Quand c’est le cas, il est certain de tenir les secteurs de validation de la mobilité.
Enfin, il est possible de mesurer l’évolution actuelle ou à venir des postes de l’entreprise. Quelles transformations sont-ils en train de subir ? Qu’est-ce que cela implique comme nouvelles compétences ?
L’entretien de carrière est un moment opportun pour le collaborateur de penser sa carrière, mais on oublie qu’il s’agit d’une opportunité incroyable pour les RH d’auditer les aspects précédemment évoqués. Par exemple, de plus en plus de services RH propose aux collaborateurs de compléter des questionnaires de personnalité. Cela permet de travailler avec le collaborateur à un projet qui lui correspond, et peut permettre aux RH de prendre la mesure des indicateurs précédemment évoqués.
#2 – Évaluer le potentiel des collaborateurs
Si on suit la logique du recrutement prédictif, il ne s’agit pas d’évaluer le potentiel de mobilité d’un collaborateur au regard de son poste actuel, mais plutôt en fonction de ses qualités personnelles. Comment s’assurer que le collaborateur pourra s’adapter à une nouvelle fonction ?
A ce niveau, il est essentiel de valider le potentiel d’apprentissage. La meilleure technique à ce jour pour l’obtenir est à travers des tests de raisonnement. Ils permettent de valider deux choses :
– Plus la personne obtient un score fort à un test de raisonnement, plus elle aura de facilité à apprendre des savoirs qui lui sont aujourd’hui inconnus. En fait, à travers cet indicateur, vous allez pouvoir prendre la mesure du périmètre sur lequel peut évoluer votre collaborateur : peut-il aller vers une sphère plus stratégique de son activité, changer presque complètement de métier, ou au contraire a-t-il besoin de rester proche de son savoir d’origine ?
– Plus la personne est à l’aise pour raisonner d’un point de vue conceptuel, plus elle aura de capacité à apprendre des savoirs théoriques. Si ce n’est pas le cas, il est préférable d’accompagner le collaborateur avec du mentoring sur le terrain.
Les RH se demandent souvent à partir de quel score à un test de raisonnement ils peuvent s’assurer qu’une mobilité est réaliste. La meilleure réponse à cette question est toujours la même : quel est le niveau des personnes qui font le job actuellement ? Si elles y arrivent avec certains scores, ils doivent servir de référence à ce sujet. D’ailleurs, le palier se dessine généralement facilement : en dessous d’un certain niveau, soit les gens partent, soit ils échouent majoritairement.
Le second critère pour évaluer le potentiel consiste à valider la capacité d’une personne à adopter un rôle nouveau. C’est typiquement le cas lors d’une mobilité géographique : le collaborateur possède l’expertise liée au poste, mais est-il capable de prendre de la hauteur et d’adopter un rôle managérial ?
Évaluer ce potentiel relève davantage de la personnalité du collaborateur. L’intérêt dans le cadre de la mobilité, c’est de pouvoir valider les comportements déjà mis en œuvre par le collaborateur et sur lesquels il pourra s’appuyer dans ce rôle. Dans la logique du recrutement prédictif.
#3 – Valider l’implication des collaborateurs
Dans les projets de mobilités, il est compliqué de savoir ce que les collaborateurs veulent faire. Ce qu’il faut savoir, c’est que le futur engagement du collaborateur dans son nouveau poste va se jouer à 3 niveaux :
– Les activités confiées. Le collaborateur peut se représenter un poste sans prendre la mesure de ce qu’il implique concrètement. L’enjeu des RH est ici de s’assurer qu’il ne retrouvera pas les tâches qui l’ennuient aujourd’hui, et qu’il pourra accéder à d’autres qui lui manquent aujourd’hui,
– Le futur manager. Les collaborateurs demandent parfois une mobilité parce qu’ils ne s’y retrouvent plus avec leur manager. Pour éviter le même schéma, il faut savoir quels styles de leadership les tirent vers le haut, et quels styles sont incompatibles avec leurs attentes,
– Le cadre de travail. Bien que l’on reste dans la même entreprise lors d’une mobilité, on peut sous-estimer les décalages existant dans la façon de travailler entre les services.
Comment s’assurer de cet aspect ? Si on se réfère à ce qui fonctionne pour le recrutement prédictif, et qui permet de diminuer considérablement le turn-over, il faut de la même manière mesurer les motivations des collaborateurs satisfaits et engagés pour s’assurer que les prétendants possèdent des facteurs d’engagement en phase avec la fonction visée.
#4 – Exemple de projet mis en œuvre
Une entreprise de 5000 salariés souhaite identifier le potentiel managérial au sein de ses collaborateurs. Les managers sont une population clé. Ils sont environ 600 en poste, souvent issus des mobilités internes. L’enjeu est de limiter le turn-over en poste, et de comprendre les différences de performance en poste entre les managers.
La première étape a été d’auditer la population en poste, en leur faisant passer des tests. Les résultats ont ensuite été rapprochés de leur performance afin d’identifier les facteurs différenciant les managers au plus haut potentiel. Il a été possible de cibler ces facteurs clés de la réussite chez cette population. Ils ont été consolidés dans un modèle prédictif du succès managérial.
La méthode a été déployée de sorte que les collaborateurs en mobilité ont pu être évalués au regard de leur potentiel managérial. En validant leur profil vis à vis du modèle prédictif, les RH ont pu s’assurer que les collaborateurs possédaient les prérequis indispensables à la réussite sur ce poste.
#5 – Conclusion
Le recrutement prédictif peut tout à fait s’appliquer dans une logique de mobilité, car il s’agit d’un contexte où l’on s’attache exclusivement à valider le potentiel des collaborateurs à évoluer sur un autre poste. Mettre en place cette démarche en interne a un double intérêt : elle permet aux personnes de mieux se connaître en complétant des tests et en échangeant lors de l’entretien de carrière, et elle permet de valider objectivement le potentiel de chacun dans une fonction cible. Comme tout démarche de mesure, elle nécessite cependant d’avoir un certain volume de personnes en poste, et ne peut s’appliquer que sur de petits effectifs.
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Simon Baron est Chief Science & Innovation d’Assessfirst